Neil Harbisson © Reuters

L’homme cyborg qui « entend » les couleurs

Muriel Lefevre

Neil Harbisson est artiste et achromate. Soit un daltonien absolu qui voit le monde en gris. Il a depuis 2004 une antenne qui lui permet de percevoir les couleurs. Elle fait partie de lui et il ne peut la débrancher. Portrait.

C’est le premier cyborg « reconnu » et son antenne apparaît sur ses documents officiels. Depuis près de 13 ans, l’homme a une antenne plantée dans le crâne. Elle lui permet de ressentir les couleurs, lui qui n’en perçoit aucune avec ses yeux. Cette antenne associe chaque longueur d’onde à une fréquence, cette vibration est transmise par conduction osseuse à l’oreille interne de Neil Harbisson. D’autres personnes (5 amis choisis dans le monde) peuvent aussi lui envoyer des images. Ce qui fait qu’il ressent plus qu’il ne voit. Il dit aussi que même s’il était complètement sourd, il percevra encore l’image.

On connaissait déjà la chromesthesia, une habilité rare qui fait que certaines personnes perçoivent les couleurs sous forme de note. Des artistes célèbres comme Vincent Van Gogh et Duke Ellington auraient possédé ce don. Harbisson décrit lui ses capacités augmentées de « sonochromatisme, une association inextricable entre ondes radio et les tons et les sons ».

La synesthésie est un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Par exemple forme et couleurs ou goût et odeur. Il existerait 152 formes de synesthésies. L’une des plus courantes, 65% des synesthésies, est la synesthésie « graphèmes-couleurs » qui fait que les lettres de l’alphabet ou nombres sont perçus comme colorés.

Son antenne ne lui permet pas uniquement de reconnaître les couleurs, mais aussi de manger de la musique selon la couleur de ses plats ou de s’habiller d’une façon qui sonne bien. Par exemple, il apprécie le goût du rouge et du vert et s’il se rend à un événement triste, comme un enterrement, il optera plutôt pour du turquoise, du mauve ou de l’orange qui sonne pour lui comme du B mineur.

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Son antenne a toutefois quelques effets secondaires comme les sons extérieurs qui sont désormais aussi associés à de couleurs. Par exemple, la sonnerie du téléphone est verte et écouter du Mozart est devenu une expérience « jaune ».

Son antenne a évolué au fil du temps. La perception qu’on de lui les gens également. En 2004, on pensait que son antenne était une lumière pour lire, en 2006 un micro, en 2008 une oreillette ensuite une go pro, puis, vers 2012, un Google glass, 2015 un Selfie stick. Aujourd’hui, on le prendrait plutôt pour un Pokémon.

Il est, à ses yeux, réellement devenu un cyborg, le jour où les couleurs ne sont plus devenues des choses qu’il avait mémorisées.

Maintenant, il rêve même en couleurs et réalise des tableaux à partir de chanson ou de discours ou des portraits sonores de célébrités. Il a aussi créé une appli, EyeBorg, qui permet aux autres personnes d’entendre les couleurs. Son dernier exploit est un concert en couleurs où les musiciens étaient dirigés par l’artiste à l’aide de carton en couleur.

Sa copine catalane, Moon Ribas (32), s’est elle aussi transformée cyborg. Elle a une puce dans le pied qui lui permet de ressentir dans son corps le moindre tremblement de terre. Ces sensations, elle les transmet dans des performances de danse. Il y aura par ailleurs bientôt un nouvel ajout à l’installation de Neil Harbisson : un bandeau qui transforme le mouvement du soleil en chaleur. De cette façon il pourra vivre intimement le passage du temps.

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