L’Afrique du Sud, nouveau paradis des chasseurs de dinosaures (en images)
Trois ans déjà que le professeur Jonah Choiniere et son équipe de l’université du Witwatersrand à Johannesburg sont lancés à ses trousses. Leur traque les ramène aujourd’hui au milieu des zébus et des impalas d’une ferme de Rosendal, dans le centre de l’Afrique du Sud, là où tout a commencé. « En 2015, un de mes étudiants est tombé ici sur des os qui dépassaient du sol », raconte le paléontologue américain, la chemise collée par la sueur. « On a creusé et on les a ramenés au labo. Et puis on s’est rendu compte qu’il s’agissait de la hanche d’une espèce totalement inconnue », poursuit-il. « Trois ans plus tard, nous revenons ici pour mettre au jour le reste de ce spécimen. »
L’opération est délicate. Avant d’être arrachée à la paroi, la pierre où sont emprisonnés les fossiles est soigneusement enveloppée d’une fine couverture protectrice de plâtre. Au moins cinq heures de séchage, quelques coups de burin bien placés, trois paires de bras et le bloc est retourné sans casse.
« Un truc très intimidant »
Direction le laboratoire de l’université, à près de 300 km de là, où il sera confié aux mains expertes de Wilfred Bilankulu. « Mon boulot, c’est faire apparaître le fossile », explique l’ancien étudiant en arts plastiques, « j’enlève la protection qui le recouvre et je le dégage lentement de la pierre avec des outils de dentiste ».
Huit à douze mois d’un travail de Romain, au bas mot. Avant au moins autant de temps pour l’examiner, le comparer, le décrire. Jonah Choiniere n’a pas encore eu le produit entre les mains mais anticipe déjà une moisson très fructueuse. « C’est une très bonne récolte pour nous », se frotte-t-il les mains. « On ne savait pas trop à quoi s’attendre en arrivant ici (…) je peux dire que ça va au-delà de nos espérances ».
Au vu des ossements excavés, Rick Tolchard, étudiant en master de paléontologie, retient mal son excitation. Il sait être en présence d’un spécimen inédit, improbable aïeul de la famille des crocodiles qui pataugent aujourd’hui dans les marigots africains. « Il y a 250 à 200 millions d’années, ces animaux étaient les carnivores dominants. On en a retrouvé dans le monde entier, mais pas ici en Afrique du Sud », dit-il. « Certains devaient ressembler, j’imagine, à un croisement entre un crocodile et un lion. Un grand quadrupède avec des mâchoires massives, un truc très intimidant », s’enflamme le paléontologue. « Celui que nous avons là marchait sur deux jambes, il devait plus avoir l’air d’un dinosaure, presque d’un raptor ».
« Coup de tonnerre »
Ces dernières années, l’Afrique du Sud s’est imposée comme un des terrains de jeu favoris des chasseurs de dinosaures. Une sorte de « Triassic Park », comme le proclame fièrement sur son T-shirt une des géologues de Witwatersrand. A seulement une heure de route de la ferme Heelbo, Jonah Choiniere et son équipe ont déjà déterré les fossiles d’un autre type de dinosaure, inconnu lui aussi, âgé de 200 millions d’années. Douze tonnes et 4 m au garrot – deux fois la taille d’un éléphant – ce colosse herbivore baptisé Ledumahadi mafube (« un grand coup de tonnerre à l’aube » en langue locale sesotho) chamboule l’arbre généalogique de ces monstres disparus. Il pourrait bien être « le premier des géants », dit M. Choiniere. Un cousin des sauropodes de 60 tonnes qui ont fait la loi sur Terre cent millions d’années plus tard et, plus récemment, le succès des « Jurassic Park » de Steven Spielberg.
A en croire les spécialistes, la pointe sud du continent africain est l’endroit idéal pour étudier la transition entre les ères triassique et jurassique, théâtre d’une des extinctions de masse qui ont scandé l’évolution de notre planète. « L’une des raisons, c’est que plus de 66% de la surface de l’Afrique du Sud abrite des fossiles », explique Jonah Choiniere, « l’autre c’est qu’il n’y pleut pas beaucoup, donc certaines régions s’érodent vite et exposent aisément les fossiles ». « C’est phénoménal. Vraiment génial! », s’enthousiasme Cebisa Mdekazi, une jeune étudiante noire qui incarne la nouvelle génération des paléontologues sud-africains. « Je suis fière d’avoir tout ça dans mon propre pays et de le montrer au monde entier », dit-elle. « Un jour, j’aimerais pouvoir raconter toute l’histoire de l’évolution des crocodiles ». Son professeur opine. Lui non plus n’en a pas fini avec l’Afrique du Sud. « Chaque fois qu’on creuse ici, on a de bonnes chances de tomber sur quelque chose de nouveau », se réjouit Jonah Choiniere. « C’est un pays de dinosaures. Mes étudiants et moi-même n’auront pas assez de toutes nos vies pour finir de l’explorer. » (Texte et photos: AFP)
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