Le sapin de la Grand Place de Bruxelles a servi à la fabrication de tables lors des Plaisirs d'Hiver. © DR

Mon beau sapin, roi des déchets

Adieu guirlandes, voici venue la saison où les sapins échouent sur nos trottoirs. Que deviennent-ils une fois leurs boules ôtées? Tour d’horizon de leurs nouvelles vies, parfois insolites.  

L’Union ardennaise des pépiniéristes estime la production wallonne annuelle de sapins de Noël de 3 à 3,5 millions en moyenne. 20% d’entre eux restent sur notre territoire. Une infime partie sera replantée, mais ces centaines de milliers d’arbres seront majoritairement recyclés (90%) après les fêtes.

De plus en plus de particuliers s’en chargent eux-mêmes, suivant les conseils qui se multiplient sur Internet. L’arbre finit alors en compost, les épines et le bois broyé deviennent paillage (les hortensias adorent), le tronc est mis à sécher en prévision des barbecues de l’été tandis que les épines feront de parfaits allume-feux ou finiront dans des bains de pieds aux propriétés antibactériennes. Plus simple: confier son arbre lors des collectes spécifiques organisées par les communes. Les collectivités transforment ensuite ces déchets pour les réutiliser dans les espaces verts ou les cultures, ou en vue de créer du biogaz pour le chauffage, même si le pouvoir calorifique est faible.

Renfort de dunes

Certains arbres ont de nouvelles vies plus insolites et peuvent finir leur vie à la plage. Dans les Landes, sur l’île de Ré, mais aussi dans le nord de la France, des expériences sont menées avec ces abandonnés de Noël pour renforcer le cordon dunaire. «Ce n’est pas une technique que l’on préconisera mais elle peut être efficace en action complémentaire, commente Adrien Cartier, expert en géomorphologie côtière et dirigeant de Géodunes. C’est l’adaptation d’une solution qui existe déjà. Le principe est de briser le vent et de stopper le sable qu’il transporte. On utilise souvent des ganivelles, sortes de clôtures constituées de lattes de bois, ou des fascines faites de fagots de branchages. Les branchages des sapins peuvent être transformés en fagots ou directement plaqués. Cela crée une sorte de barrière qui va protéger le cordon dunaire, quand c’est bien fait et au bon moment.»

Des expériences sont menées afin de réutiliser les sapins pour renforcer le cordon dunaire.
Des expériences sont menées afin de réutiliser les sapins pour renforcer le cordon dunaire. © Facebook/Dunes Attitudes

Quand ils ne finissent pas en table, les sapins peuvent se retrouver dans l’assiette. De nombreux parcs animaliers récupèrent les conifères pour les offrir à leurs résidents. C’est le cas notamment de Pairi Daiza. «Les élans, les wapitis et les rennes sont des espèces qui mangent du sapin, c’est leur nourriture hivernale de base, explique David Bataille, directeur adjoint du département zoologique. Plutôt que d’en acheter dans des pépinières, en début d’année on leur donne les sapins qui ornaient le parc durant les fêtes et n’ont pas été traités chimiquement. Certains sapins sont aussi utilisés pour des enrichissements auprès des autres animaux. On cache des friandises dans les branches et ils se grattent dessus.»

De nombreux parcs animaliers, dont Pairi Daiza, récupèrent les conifères pour nourrir leurs résidents.
De nombreux parcs animaliers, dont Pairi Daiza, récupèrent les conifères pour nourrir leurs résidents. © Pairi Daiza
De nombreux parcs animaliers, dont Pairi Daiza, récupèrent les conifères pour nourrir leurs résidents.
De nombreux parcs animaliers, dont Pairi Daiza, récupèrent les conifères pour nourrir leurs résidents. © Pairi Daiza
Le sapin de la Grand Place de Bruxelles a servi à la fabrication de tables lors des Plaisirs d'Hiver.
Le sapin de la Grand Place de Bruxelles a servi à la fabrication de tables lors des Plaisirs d’Hiver. © DR

Quiconque a flâné aux Plaisirs d’Hiver à Bruxelles s’est peut-être attablé sur une section du majestueux spécimen qui ornait la Grand-Place l’an dernier: «Il y a une longue tradition de réemploi du sapin, rappelle Marina Bresciani, chargée de communication de Brussels Major Events. Durant plusieurs années, nous avons travaillé avec l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Un étudiant réalisait une sculpture qui était ensuite exposée dans la cour de l’ académie. A cause de travaux, cela n’a plus été possible. Ces deux dernières années, le sapin a été coupé dans une scierie puis travaillé par un artisan belge, Renaud Claude, qui a créé des tables et bancs pour l’évènement. Les trophées de la course cycliste BXL Tour ont également été réalisés dans ces sapins et personnalisés par Philippe Geluck puis Amandine Lesay.»

Les trophées de la course cycliste BXL Tour, en bois de sapin, ont été personnalisés par Philippe Geluck.
Les trophées de la course cycliste BXL Tour, en bois de sapin, ont été personnalisés par Philippe Geluck. © DR
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Fin 2022, s’est tenu dans la banlieue de Londres un étonnant banquet composé de sept services à base… de sapin de Noël ou inspiré par celui-ci. Julia Georgallis organise ces évènements depuis 2015 et a même publié un livre de recettes et conseils, Comment j’ai mangé mon sapin de Noël (Le Rouergue). La crème glacée au gingembre et sapin y côtoie chou-fleur à la cendre brûlée et autres pickles de sapin de Noël. Le menu de cette année – l’ultime édition – était aussi composé de bambou, que l’ autrice pointe comme un potentiel «arbre de Noël plus durable».

Chaque année, dans la banlieue de Londres, un menu sept services est concocté à base de sapin.
Chaque année, dans la banlieue de Londres, un menu sept services est concocté à base de sapin. © LizzieMayson

«En général , un sapin de Noël est coupé 5 à 10 ans après avoir été planté, mais la durée de vie moyenne d’un arbre est de 400 ans, écrit Julia Georgallis qui a fait le calcul: si on laissait pousser l’équivalent d’un an de sapins de Noël au lieu de les couper, ils pourraient absorber au cours de leur vie plus de 880 millions de tonnes de carbone rejetées dans l’atmosphère.» Un chiffre qui sous-entendrait un massif reboisement et laisse songeur, surtout dans un pays qui est le deuxième plus gros exportateur de sapins en Europe.

Le sapin synthétique, sagement rangé dans sa boîte jusqu’ à l’ avent suivant, serait-il une alternative futée? Pas spécialement. Entre transport et plastique produit (qui n’absorbe aucun CO2 lors de sa «pousse», rappelons-le), une étude de la firme de consulting canadienne Ellipsos estime qu’il faudrait le garder au moins une vingtaine d’années pour qu’il rivalise avec ses cousins de pépinières, sur le plan de l’impact climatique.

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