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« On aimait me taper dessus »

Les années brûlantes à Sclessin, l’âge d’or monégasque, les déceptions chez les Diables, Lucien D’Onofrio, la Ferrari ou les Trois Mousquetaires: retour sur la vie mouvementée de Philippe Léonard.

Philippe Léonard n’a pas disparu des radars. Au contraire. Aujourd’hui, son nom est régulièrement associé à sa compagne, Amélie Neten, liégeoise et vedette de la télé-réalité en France. « Dans ma carrière, je ne me suis jamais retrouvé dans des magazines people. Et aujourd’hui, ça me tombe dessus mais je ne suis pas demandeur, au contraire. », assure le patron du resto-bar-club Les Coulisses, où nous le retrouvons, un établissement qu’il a customisé il y a environ cinq ans et basé plein coeur de la Cité Ardente.

« Je continue à faire pas mal d’allers-retours avec Monaco où j’ai ouvert une conciergerie de luxe. Le foot, c’est pourtant toujours mon truc .J’ai proposé mes services à l’AS Monaco pour des missions de scouting en Belgique, je pense à monter une équipe d’agents via ma société à Monaco. Mais je m’aperçois que c’est compliqué que les gens te fassent confiance. »

Tu as pris congé du ballon rond en 2008 après des expériences peu concluantes à Feyenoord et au Rapid Bucarest. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur ta carrière?

PHILIPPE LEONARD : Mon sentiment est mitigé: c’était bien mais ç’aurait pu être mieux.

Comment atterris-tu au Standard ?

LEONARD : J’ai commencé le foot à Sprimont et dès 7 ans, j’ai été contacté par les trois grands de la région: Seraing, le Standard et le FC Liège. Au Standard, on m’a proposé de signer un contrat de huit ans. Mon père (ndrl, Guy Leonard, ex-gardien de but du FC Malines et du RWDM) y était opposé dans un premier temps mais a fini par accepter. Très vite, j’ai été appelé en sélection chez les jeunes où je détestais aller. L’équipe nationale, c’était Anderlecht et ses joueurs étaient toujours mis en avant.

Le passage chez les pros sera plutôt précoce.

LEONARD : C’était en 1992, je n’avais pas encore 18 ans. J’intègre une équipe où l’on retrouve des Dinga, Cruz, Wilmots, Hellers, Van Rooij, Vos ou Demol. C’était quelque chose.

Tu te rappelles de tes premiers pas en équipe première?

LEONARD : Comme si c’était hier. J’étais arrivé le premier dans le vestiaire. Je m’installe, puis j’entends des pas et Gilbert Bodart entre. Je me lève pour lui dire bonjour et il me tend la main mollement. Le vestiaire est encore vide et il me dit: C’est ma place là. Je lui demande alors où je peux m’installer et il m’envoie à l’extrémité de la banquette. J’avais été éduqué dans le respect des anciens : tu écoutes et tu fermes ta bouche. Ça ne me posait donc pas de problèmes. Notre coach, Arie Haan, lui, arrivait souvent à la dernière minute, il était encore très joueur, il participait à des toros, à quelques matches d’entraînement. Récemment, je l’ai revu à Liège avec Lucien (D’Onofrio) et il m’a dit qu’à ma première touche de balle, il avait compris. D’ailleurs, lors de mon premier match avec les pros, un amical à Tilleur, sur mon premier ballon, j’avais donné une passe décisive. Je ne pouvais pas rêver mieux, même si j’aurais préféré jouer milieu défensif, là où j’avais été formé. Je n’avais pas les dispositions d’un arrière gauche à la base, je n’étais pas assez rapide pour ce poste. Mais mon pied gauche m’a souvent sauvé.

« J’aurais voulu défoncer leekens »

Il était comment le vestiaire à cette époque?

LEONARD : Arie aimait mettre de l’ambiance. Il fallait parfois offrir le champagne en guise de punition, ça rigolait tout le temps et ça chambrait aussi pas mal. Surtout Gilbert. Et il y avait de vrais personnages comme Van Rooij qui fumait dans le bus sur la route du retour ou Demol qui était là pour protéger les jeunes mais t’avais intérêt alors à répondre présent sur le terrain.

A 17 ans, être joueur pro au Standard, ça doit être grisant?

LEONARD : C’était évidemment très bien, même si on ne gagnait pas les montants actuels. Mon premier contrat tournait autour des 5000 francs belges (125 euros) et 1000 (25 euros) de prime de match. Et avant mon départ pour Monaco, quatre ans plus tard, je devais gagner 170.000 francs (4250 euros) mensuel. J’ai d’abord failli rejoindre Feyenoord où coachait Arie Haan et où on me proposait 800.000 francs (20.000 euros) mais le club hollandais n’a pas su trouver d’accord avec le Standard. Et j’ai finalement signé un contrat à Monaco où c’était encore autre chose financièrement.

Au final, tu ne comptes que 27 sélections. Comment l’expliques-tu?

LEONARD : Ce qui m’a flingué, c’est ma non-sélection pour la Coupe du Monde en France en 1998. Je n’ai jamais su la raison exacte jusqu’à ce que je débarrasse le bureau de mon père après sa mort et que je tombe sur un Foot Magazine où Leekens racontait que j’avais copiné avec l’Equipe de France lors d’un tournoi au Maroc et que ça nuisait à l’esprit d’équipe. C’était ridicule car à Monaco je côtoyais au quotidien les Henry, Barthez, Trezeguet, il était normal que je discute avec eux. A notre retour à Bruxelles, Leekens a donné les trois noms qui n’allaient pas à la Coupe du Monde. Quand j’ai entendu le mien, j’ai pensé qu’il citait ceux qui étaient sélectionnés; c’était impensable que je n’y sois pas. Mais quand j’ai compris, je voulais le défoncer. Leekens avait préféré prendre Vital Borkelmans, qui allait fêter ses 35 ans, alors que je sortais d’une grosse saison où j’avais atteint avec Monaco les demi-finales de la Ligue des Champions Puis je suis rentré chez mon père, et je me suis mis à chialer un peu comme un gosse. J’avais 24 ans, j’étais en pleine forme. J’étais dégoûté de l’équipe nationale.

Tu seras pourtant de la partie lors du fiasco de l’Euro 2000.

LEONARD : Robert Waseige, que j’avais connu au Standard, avait convoqué 25 joueurs en stage. Plus l’annonce de la liste définitive approchait, plus les tackles à l’entraînement s’intensifiaient. Ça commençait aux chevilles et ça terminait à la carotide. Monsieur Waseige a alors été obligé de donner sa liste avant la date à cause de la nervosité. Quand il m’a convoqué dans son bureau où tout son staff était présent, il m’a balancé: Ici, c’est moi le chef, tu n’as pas tous tes petits copains pour te protéger. Dans ma tête, je me disais qu’après la déception de 1998, si je sautais, je m’en foutais, basta. Et il a conclu son speech par : Je vais te garder dans l’effectif mais sache qu’il y a d’autres joueurs qui méritent davantage de faire partie de la sélection. Cela commençait mal mais j’étais heureux de faire partie du lot. J’avais logiquement prévenu le coach que ma compagne de l’époque était sur le point d’accoucher. Et le jour de l’accouchement, je suis parti la rejoindre et je suis rentré vers 21h au lieu de 18h. Monsieur Waseige m’attendait à la réception.

« C’était le bordel à cause de ma ferrari »

Et c’est le début des emmerdes…

LEONARD : Le premier match face à la Suède se passe bien mais je me blesse en fin de rencontre. Je suis absent face à l’Italie et je passe donc les journées au soin. Un soir, je chipote un peu sur mon pc, je passe des coups de téléphone. Willy (Marc Wilmots) avec qui je partageais la chambre dormait dès 22h. Le lendemain je vais au petit déjeuner et dès que je veux prendre mon café, Willy et Munaron, arrivent près de moi et me lancent: Mais qu’est-ce que t’as fait, le coach veut te virer. J’essaie de comprendre. A la théorie, je m’attends au pire et il me dit: toi, Léonard, tu as voulu voler la Fédération, tu passes des coups de tel du téléphone fixe pour ne pas payer. Un truc de fou. J’en avais assez. Monsieur Waseige ne m’a plus adressé la parole jusqu’à la fin du séjour et je n’ai pas joué le dernier match face à la Turquie alors que j’étais prêt. Quelques jours plus tard, ma décision était prise et j’ai décidé d’arrêter l’équipe nationale. Le problème, c’est que Deschamps est arrivé à Monaco juste après et ça ne s’est pas bien passé pour moi en club. Comme pour pas mal d’autres joueurs.

Il y a aussi l’épisode de la Ferrari qui avait fait jaser…

LEONARD : Aujourd’hui, ça ne choque plus personne. Mais là, ça avait foutu un bordel pas possible. La presse flamande avait publié une photo de moi qui me garait sur une place pour handicapés. Alors que j’étais en train de décharger mes sacs avant de me garer plus loin. Pour me sortir de cette histoire, j’avais sorti que j’avais reçu cette Ferrari car on avait été champion. C’était faux mais on m’a cru. Et on m’a foutu la paix avec ma Ferrari.

On aimait bien te taper dessus non?

LEONARD : Oui. Peut-être par jalousie. Le fait que je joue à Monaco ne m’a pas aidé car qui dit Monaco dit grosses voitures, belles femmes, luxe. Pour ma part, j’ai toujours aimé les voitures, mon père avait une concession Opel, il roulait en Rallye. J’ai donc toujours bercé dans le monde de l’automobile. A Monaco, tous les joueurs avaient soit des grosses Mercedes, des Porsche. Et donc quand je suis arrivé dans le parking avec mon Opel Calibra que j’avais tunée, je me suis directement fait chambrer par les Marseillais, Di Meco, Barthez. A 22 ans, Belge, avec une Calibra, dans un vestiaire comme celui-là, t’es allumé, et t’as pas intérêt à être susceptible.

Pourquoi reviens-tu au Standard en 2004 ?

LEONARD : Ca faisait des années que Lucien me demandait de revenir. Mais le club ne pouvait pas payer mon salaire monégasque. Et d’ailleurs Lucien me répétait toujours: Qu’est-ce qu’on s’en fout que tu aies fait 500 matches en D1 si t’as rien du tout sur ton compte en banque. Et c’est une phrase qui m’est restée. Avec Deschamps, ça a été très compliqué, je me suis accroché puis j’ai fait une année à Nice. Dès qu’on a été assuré du maintien, tous les joueurs partaient à gauche à droite, sortaient au Vip Room, c’était la période du festival de Cannes, et on les retrouvait défoncés le lendemain à l’entraînement. C’était un changement du tout au tout par rapport avec ce que j’avais connu à Monaco sous Puel ou Deschamps. A Nice, j’en ai eu très vite ras-le-bol de cette mentalité. Un jour, Lucien m’appelle. Il était chez Rampoli, un resto italien à Monaco. Il me dit de le rejoindre pour prendre un café. Quand j’arrive sur place, je vois Lucien, Reto Stiffler (ex-président du Standard), Michel Preud’homme (directeur technique du Standard). Lucien me propose de revenir au club, me dit que le Standard était ma porte de sortie car si d’autres clubs avaient été intéressés, j’aurais déjà signé. Et il avait un peu beaucoup raison…. Il me dit : On va te faire une proposition. On aurait dit un sketch qui avait été répété. Et puis il me tend un bout de papier avec l’offre. C’était le jour et la nuit avec Monaco, c’était un contrat de deux ans de 5 à 10000 euros brut avec une augmentation de 1000 euros brut sur la deuxième saison. Je lui dis: Je vais réfléchir et te tenir au courant. Il me répond : Tu peux réfléchir tant que tu veux mais si tu quittes cette table c’est que tu refuses. Et je signe en bas de son brouillon.

Le Standard avait beaucoup changé lors de ton deuxième passage ?

Je suis revenu dans un club qui s’était professionnalisé à tous les étages. L’équipe était composée de gars comme Dragutinovic, Runje, Conceiçao, Jorge Costa. C’était une grosse équipe mais qui a une nouvelle fois loupé le coche à la toute fin. C’est la jeune génération des Defour, Witsel, Fellaini qui allait finalement mettre un terme à 25 ans d’attente.

« Le Standard a toujours été sulfureux »

Les Trois Mousquetaires (surnom donné par la presse au trio Goossens-Genaux-Léonard) étaient réputés pour leur fougue sur et en dehors des terrains.

« Le président de l’époque, André Duchêne et le directeur général, Roger Henrotay savaient qu’ils avaient trois super jeunes qui allaient leur rapporter de l’argent. On a toujours été protégé, mais nous n’étions pas intouchables. Mais on a totalement exagéré sur nos virées. Je vivais encore chez mes parents et c’était donc difficile pour moi de faire le mur. Pour Mika et Regi, qui avaient chacun leur appartement, c’était plus facile. Oui, on est sorti mais pas plus que les autres. Cette réputation d’enfants terribles n’était pas justifiée. Le Standard a toujours été un club suflureux. On était jeune et on collait simlement à l’esprit de ce club. »

Par Thomas Bricmont

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