Exclusif : D’Onofrio détiendrait 10% de Defour et Mangala
Luciano D’Onofrio aurait enfreint le règlement de la FIFA en utilisant un prête-nom et une société écran pour toucher une commission. Il s’en défend.
Avant de connaître son heure de gloire dans la Cité Ardente en menant le Standard aux titres de 2008 et 2009, Luciano D’Onofrio fut l’un des agents de joueurs les plus puissants de la planète foot. Des stars comme Zinedine Zidane, Christophe Dugarry, Vitor Baia ou Didier Deschamps sont passées par son « écurie » au cours des années 1990.
Alors, quand il a senti que « son » Standard allait lui échapper, en juin 2011, l’ancien agent a vite retrouvé ses vieux réflexes. Une enquête fouillée parue dans Sport/Foot Magazine le 24 août 2011 a montré qu’il a piloté tous les gros transferts du Standard juste avant ou après son éviction. Et il est difficile d’imaginer qu’il a fait tout ça bénévolement.
En août 2011, Luciano D’Onofrio orchestre les transferts du Diable Rouge Steven Defour et de l’international Espoir français Eliaquim Mangala du Standard au FC Porto. Il serait également intervenu dans les transferts, à la même époque, d’Axel Witsel à Benfica, et de Dieumerci Mbokani et Milan Jovanovic à Anderlecht. Voulait-il affaiblir les Rouches pour faire payer à Roland Duchâtelet sa mise à l’écart ?
Il y a quelques semaines encore, D’Onofrio jouait les entremetteurs pour faire signer Franky Vercauteren comme entraîneur au Sporting Portugal. Et damer le pion au Standard, qui justement le lorgnait ! Selon la presse portugaise, le jour de la signature du transfert, l’ex-homme fort de Sclessin a été aperçu à l’hôtel Tivoli Jardim, à Lisbonne, attablé avec Vercauteren et le directeur financier du Sporting. Le Liégeois jure pourtant ses grands dieux qu’il n’a rien à voir avec la transaction : « J’ai appris que Franky était à l’hôtel et je suis juste allé lui dire bonjour… »
Banni par la Fifa
Ce qui est sûr : Luciano D’Onofrio ne peut plus travailler comme agent, c’est-à-dire mettre en rapport un joueur et un club, ou deux clubs, contre rémunération, car il a été condamné pénalement pour malversations financières en France (six mois de prison ferme en 2008). L’article 6 du règlement Fifa des agents de joueurs est limpide : le candidat agent doit être de « réputation parfaite ». Ce n’est le cas que « si aucune peine n’a jamais été prononcée contre lui pour délit financier ou crime de sang ». Quant aux clubs et aux joueurs qui seraient tentés de faire appel à son entregent légendaire et à son carnet d’adresses kilométrique, il leur est interdit de « recourir aux services d’un agent de joueurs non licencié. »
Cependant, les transferts de Defour et Mangala à Porto suggèrent que ces règles ont été transgressées. Et que D’Onofrio aurait utilisé son ami Maurizio Delmenico – réviseur d’entreprises et agent de joueurs agréé par la Fifa – comme prête-nom. Coté en Bourse, le FC Porto est légalement tenu à une certaine transparence vis-à-vis de ses actionnaires. Le 27 décembre 2011, le club déclare au gendarme de la Bourse portugais la cession, contre 5 millions d’euros, de 33,3 % des « droits économiques » de Defour et Mangala à Doyen Sports Investments, un hedge fund domicilié à Malte. Désormais, à chaque fois que Defour ou Mangala seront transférés ou généreront des droits d’image ou de merchandising, Doyen touchera 33,3 % des recettes.
De la plomberie au ballon rond Cette pratique, controversée, qui est de plus en plus utilisée par les clubs du sud de l’Europe pour se financer, pourrait être bannie en mai prochain par la Fifa. A la fin de son communiqué, Porto annonce également avoir cédé 10 % des droits des joueurs à la société Robi Plus. Mais sans contrepartie financière, cette fois…
Pourquoi ce cadeau ? Et qui se cache derrière cette opaque boîte aux lettres britannique dont le nom évoque davantage l’univers de la plomberie que celui du ballon rond ou de la finance ? L’administrateur délégué de cette coquille n’est autre que Maurizio Delmenico. Il administrait déjà une dizaine de sociétés écrans utilisées par D’Onofrio, dont plusieurs sont inculpées par la justice liégeoise pour blanchiment. Comme les deux hommes d’ailleurs.
Quant à l’actionnaire de Robi Plus, il est indétectable, car l’unique titre de la société est « au porteur ». Ce type de titres est interdit pratiquement dans tous les pays développés – sauf au Royaume-Uni – car ils peuvent se transmettre de la main à la main. Ce qui facilite la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Aucun nom n’est inscrit sur ces titres. La personne qui les détient physiquement est de facto actionnaire de la société qui les a émis. Un système qui garantit un anonymat total vis-à-vis du fisc et de la justice.
Les agents contactés par D’Onofrio
Luciano D’Onofrio se cache-t-il derrière Delmenico et Robi Plus ? Comme par hasard, Robi Plus est logée à la même adresse londonienne que Corporate Press, une autre société écran qui fut pilotée par le tandem Delmenico-D’Onofrio, selon l’instruction judiciaire bouclée à Liège fin 2011. Corporate Press a été inculpée pour faux et usage de faux dans le cadre du transfert de Sergio Conceição en 2003, de l’Inter de Milan vers la Lazio de Rome – un transfert piloté par D’Onofrio.
Mais surtout, les agents de Defour et Mangala affirment avoir été approchés par l’ex-homme fort du Standard. « J’ai rencontré Luciano D’Onofrio à Liège, puis Porto m’a contacté pour acquérir Defour », raconte Paul Stefani, l’agent du Diable Rouge. « D’Onofrio m’a recommandé le FC Porto pour Eliaquim », explique Fabrizzio Ferrari, l’agent de Mangala. « Après, si le président de Porto veut lui donner 10 % des droits des joueurs parce qu’il estime avoir été bien conseillé, pourquoi pas ? » D’après les comptes du club, Robi Plus n’a pas prêté d’argent au FC Porto pour financer les transferts. Il s’agit donc bien d’une rémunération.
Au moins 2,5 millions d’euros
Une source proche de ce double transfert analyse : « Les 10 % donnés à Robi Plus, c’est sans doute une rémunération pour remercier D’Onofrio soit pour avoir renseigné les joueurs à Porto, soit pour avoir piloté les transferts et avoir un peu fait « foirer » l’affaire, c’est-à-dire d’avoir tout mis en oeuvre pour faire baisser le prix des joueurs au détriment du Standard (NDLR : le prix de vente de Defour (6 millions d’euros) a été jugé inférieur à sa valeur réelle (8 à 10 millions) par de nombreux observateurs). Ou les deux. »
Ensemble, Defour et Mangala ont coûté 12,5 millions à Porto, hors frais d’agents. Les 10 % détenus par Robi Plus valaient donc 1,25 million en août 2011. Ils valent plus du double aujourd’hui. Maurizio Delmenico n’a pas réagi à nos multiples sollicitations, et Luciano D’Onofrio affirme ignorer l’existence de Robi Plus.
Par David Leloup
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