» Van Gaal m’a donné 4 matches pour m’imposer. Broos : 10 minutes « 

Le joueur d’Eeklo est désormais le seul Belge au sein d’un AZ, qui a failli disparaître mais qui rejoue les premiers rôles aux Pays-Bas.

Il fut un temps, pas si éloigné, où l’AZ comptait quatre Belges : Sébastien Pocognoli, Moussa Dembélé, Gill Swerts et Maarten Martens. Aujourd’hui, il ne reste plus que l’ancien Anderlechtois,… qui s’apprête à rencontrer son club formateur en Europa League.

Il y a deux ans, Poco avait ressenti une vive émotion au moment de croiser la route du Standard. Sera-ce pareil pour vous ?

MaartenMartens : Ce sera spécial, oui. J’ai déjà affronté Anderlecht en match amical, mais ici, il s’agit d’une double confrontation européenne. J’y connais encore de nombreuses personnes. Daniel Renders fut mon entraîneur en U16 et Mario Innaurato mon préparateur physique pendant les Jeux olympiques. Olivier Deschacht est le seul avec qui j’ai encore joué dans les équipes d’âge, mais j’ai côtoyé d’autres joueurs en équipes Espoirs ou olympique. Comme Silvio Proto, Michaël Cordier, Guillaume Gillet ou Tom De Sutter. J’ai appris qu’Oleksandr Iakovenko n’était plus là. Il était venu passer un test ici, à l’époque de Louis van Gaal, alors que je venais d’arriver.

Comment envisagez-vous cette double confrontation ?

Au tirage au sort, j’avais déclaré que ce serait du 50/50. Depuis, j’ai analysé le jeu d’Anderlecht plus attentivement et il m’a impressionné. Il a beaucoup de qualité, surtout dans le secteur offensif. J’aurais tendance à dire que la balance penche légèrement en sa faveur.

La saison dernière, Anderlecht avait été éliminé par l’Ajax. Faut-il y voir un signe ?

Pas vraiment. Beaucoup dépendra de la forme du jour.

L’Eredivisie est-elle plus forte que la Ligue Jupiler ?

Différente, certainement : plus axée sur la possession du ballon. Mais plus forte ? Je ne sais pas.

A Alkmaar via Waalwijk et Adrie Koster

Quels souvenirs gardez-vous d’Anderlecht ?

De très bons. J’y ai été formé de 8 à 20 ans, et mon écolage fut excellent. Les installations n’étaient pas comparables au Neerpede d’aujourd’hui, mais on mettait beaucoup l’accent sur la technique et on participait régulièrement à de très beaux tournois à l’étranger, où l’on rencontrait le gratin du football européen.

C’était l’époque où l’accès à l’équipe Première était barré pour les jeunes ?

J’ai joué 12 ans au Sporting, mais seulement dix minutes en équipe Première. C’était contre Westerlo. Une semaine plus tard, je faisais partie du groupe qui allait affronter le Bayern Munich en Ligue des Champions. Mais Hugo Broos avait convoqué 19 joueurs et on ne pouvait inscrire que 18 noms. J’ai dû prendre place en tribune. Peu de temps après, je me suis cassé la main. J’ai été freiné alors que je commençais à percer. Je ne suis plus jamais entré en ligne de compte et j’ai accepté d’être prêté, puis vendu au RKC Waalwijk. J’avais 20 ans.

Un bon choix ?

Excellent. Durant ma première saison, sous Erwin Koeman, j’ai encore connu beaucoup de hauts et de bas. Puis, je me suis imposé. Il y avait d’autres Belges à Waalwijk : Benjamin De Ceulaer et Jochen Janssen, par exemple. La principale difficulté que j’ai rencontrée, ce fut d’évoluer pour une équipe qui luttait pour son maintien alors que j’avais toujours été habitué à évoluer dans une équipe qui luttait pour le titre. J’ai aussi dû jouer comme flanc gauche offensif, ce qui n’est pas ma meilleure position. Je préfère évoluer en n°10. Adrie Koster, qui fut mon entraîneur durant ma deuxième saison, l’a compris et m’a fait glisser dans l’axe. Marcel Brandts était le directeur technique. En cours de saison, il est parti à l’AZ. Et il s’est souvenu de moi.

C’est ainsi que vous avez débarqué à l’AZ…

Au début, j’ai douté. Pour les premiers matches, l’Allemand Simon Cziommer avait été titularisé à ma place. Il a directement inscrit trois buts. Et l’équipe ne perdait pas. Pourtant, peu de temps après, van Gaal s’est décidé à changer trois joueurs, dont Cziommer. Il m’a dit que je recevrais ma chance pendant quatre matches. Je n’en ai pas cru mes oreilles. Cela a boosté ma confiance.

Quatre matches, c’est beaucoup et peu à la fois…

C’est énorme ! Si, après quatre matches, on n’a encore rien montré, on peut conclure qu’on n’a pas le niveau. A Anderlecht, le sort d’un jeune se jouait presque sur un coup de dés. J’en reviens à mon cas personnel et à ce fameux match contre Westerlo : le marquoir affichait 3-0 à 30 minutes de la fin lorsque Broos m’a demandé d’aller m’échauffer. Pendant mon échauffement, les Campinois sont revenus à 3-1 et Broos a hésité. Le Coréen Ki-Hyeon Seol est monté au jeu avant moi. Ce n’est qu’à dix minutes de la fin, lorsque le Sporting a fait 4-1 et qu’il ne pouvait plus rien arriver de fâcheux, que j’ai enfin pu fouler la pelouse. On n’osait pas lancer des jeunes à Anderlecht, à l’époque.

Sans le vente de Pocognoli, c’était fini

C’est votre 6e saison à l’AZ. Comment avez-vous vécu l’évolution du club ?

Lorsque je suis arrivé en 2006, l’AZ n’était pas encore au sommet, mais l’ambition était là. Van Gaal s’était fixé quatre ans – la durée de son contrat – pour être champion. Il a déjà failli réussir en 2007. Lors de la dernière journée, on s’est incliné contre toute attente à l’Excelsior Rotterdam, un club de bas de classement. La saison suivante, je me suis déchiré les ligaments croisés. Globalement, ce fut une mauvaise saison pour le club, qui n’a terminé que 12e. Le coach a même voulu démissionner, mais les joueurs l’en ont dissuadé. Ma troisième saison à Alkmaar fut la bonne : on a terminé à la première place. C’était la fête, mais elle a rapidement été assombrie par le dépôt de bilan de la banque DSB, le sponsor principal, qui appartenait au président Dick Scheringa. Des doutes ont plané sur l’avenir du club. En janvier, l’AZ a vendu Pocognoli au Standard et le Brésilien Ari au Spartak Moscou. Un plan d’assainissement de trois ans a été établi. J’ai entendu qu’on était en avance sur le planning. Le pire est passé.

Comparez vos quatre entraîneurs ici : van Gaal, Koeman, Dick Advocaat et aujourd’hui Gertjan Verbeek.

Van Gaal, c’était le top. J’étais encore jeune et il m’a réellement permis de progresser. Le passage de Koeman a coïncidé avec la période difficile : on jouait mal, l’effectif était miné par de petites blessures et la faillite de DSB qui hantait les esprits. Koeman n’a pas obtenu de résultats, mais je ne mets pas en cause ses qualités d’entraîneur. Advocaat est très fanatique. Dommage qu’il ne soit pas resté, car il faisait l’unanimité. Verbeek a un tout autre style. Ses entraînements sont souvent basés sur la puissance mais n’oublie pas l’offensive et la circulation. Il a des idées bien à lui et les transmet de façon très convaincante. Il est attentif aux moindres détails et exige que ses joueurs se donnent à fond.

Un nouveau titre, c’est possible

Surprenant que l’AZ soit de nouveau au top ?

J’avais un bon feeling en début de saison, malgré le départ de trois pions importants. Mais de là à ce que nous occupions la première place…

Pouvez-vous comparer cette équipe-ci avec celle du titre en 2009 ?

Les seuls points communs, c’est qu’en 2009 déjà, on s’appuyait sur une bonne organisation et on développait notre propre jeu, sans tenir compte de l’adversaire. A part cela, rien n’est comparable. Il y a trois ans, on pouvait compter sur des joueurs capables de faire la différence sur une action individuelle, comme Mounir El Hamdaoui ou Moussa Dembélé. Aujourd’hui, on doit plus compter sur le collectif. L’avantage, c’est que le danger peut venir de partout. Même notre arrière gauche, Simon Poulsen, est très offensif.

Un nouveau titre est-il possible ?

Personnellement, j’y crois. L’objectif avoué et réaliste, c’est le top 4. L’ambition, peut-être un peu moins réaliste, c’est le titre. Pour l’instant, le classement est très serré. Quatre équipes peuvent encore prétendre aux lauriers.

Pendant ce mercato, vous avez perdu Pontus Wernbloom, parti au CSKA Moscou. C’était un joueur important ?

Quand même, oui. Il n’était pas le footballeur le plus raffiné, mais récupérait beaucoup de ballons et était chargé des phases arrêtées. Rasmus Elm a repris son rôle de médian récupérateur, alors que j’ai repris le rôle de Rasmus comme médian offensif. Le timing était peut-être calculé : si le club n’avait pas été certain de mon retour, il n’aurait sans doute pas laissé partir Pontus. D’un autre côté, ces trois millions mettent du beurre dans les épinards.

Un retour fulgurant après trois mois sur la touche

A peine revenu de blessure, vous avez été élu homme du match contre l’Ajax, lors de la reprise du championnat…

En fait, j’aurais dû effectuer mon retour avant la trêve, mais une blessure musculaire m’en a empêché. J’ai été opéré du pied en septembre : un petit os qui se baladait depuis près d’un an. Parfois la gêne était supportable, parfois pas. En voulant bloquer un tir, l’état de mon pied s’est aggravé. Je n’avais plus le choix, je devais passer sur le billard. Je me suis entraîné pendant les vacances, j’ai effectué un bon stage en Turquie (dans la même hôtel qu’Anderlecht !) et pour la reprise, j’étais prêt.

Un geste technique, pour vous débarrasser de plusieurs Ajacides le long de la ligne de touche, a fait le buzz sur la toile…

Je l’ai imaginé lorsque j’avais 14 ou 15 ans. Je l’avais déjà essayé en match, mais cela n’avait pas réussi. Contre l’Ajax, bien. Je ne sais pas si je serais capable de le réussir une nouvelle fois.

Un autre joueur qui a fait le buzz, c’est votre gardien costaricain Esteban Alvarado…

Lorsqu’il a eu cette réaction vis-à-vis d’un supporter de l’Ajax qui l’avait agressé à même la pelouse, j’ai craint qu’il ne prenne dix matches de suspension. Mais le premier fautif était l’agresseur. Esteban provient d’un pays où les agressions en rue sont monnaie courante. Je ne sais pas si j’aurais réagi de la même manière, mais il y a une différence de culture entre nous. Par chance, cet incident a eu lieu juste avant la trêve de Noël. Tout le monde est parti en vacances et les esprits se sont calmés. A la reprise, le match a été rejoué à l’Arena d’Amsterdam devant 20.000 enfants. Ils criaient à tue-tête et ne semblaient pas avoir de favoris. C’était sympa : mieux vaut des tribunes remplies d’enfants qu’un stade vide.

Cela fait quoi d’être aujourd’hui le seul Belge de l’AZ ?

Rien de spécial. Je joue aux Pays-Bas depuis si longtemps…

Si vous êtes toujours là, est-ce en raison de différentes blessures dont vous avez souffert ?

Probablement. Juste après le titre, en 2009, je pouvais rejoindre le CSKA Moscou, mais l’AZ m’a retenu. J’ai alors opté pour la sécurité en signant un nouveau contrat de cinq ans. Juste à temps : quelques mois plus tard, la banque DSB a été déclarée en faillite et le club a dû réduire son train de vie.

Les Diables Rouges, vous y songez encore ?

Je n’y ai plus trop songé mais lorsque je serai à 100 %, je pourrai encore rendre de fiers services. Même si la concurrence est rude à mon poste, je n’ai pas dit mon dernier mot.

Un retour en Belgique est-il exclu ?

Certainement pas.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: PROSHOTS

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