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On a rencontré Tsitsipas avant l’Open d’Australie: « Je suis fier de représenter la Grèce, car nous avons une grande histoire »

Il est peut-être parti pour devenir le nouveau Dieu de l’Olympe. Vainqueur des ATP Finals, le Masters à Londres, fin 2019, le jeune Stefanos Tsitsipas (ATP 6), 21 ans, ambitionne de remporter son premier titre du Grand Chelem en 2020. Déjà à l’Australian Open ?

Stefanos, vous êtes de retour en Australie, où votre carrière a pris une nouvelle dimension l’an dernier. Quelles sont vos ambitions pour 2020 ?

« J’ai comme objectif de remporter une levée du Grand Chelem cette année, même si ce n’est pas une question de vie ou de mort. Et je désire également gagner un tournoi ATP Masters 1000 et finir la saison dans le Top 3 du classement ATP. Je sais que ce sont des paroles fortes, mais j’ai le sentiment que mon jeu a progressé et que je ne suis plus très loin d’inscrire mon nom au palmarès d’un Grand Chelem. J’ai, en tout cas, l’impression d’y être à ma place. »

Vous avez souffert lors de l’ATP Cup, avec notamment une défaite frustrante contre Kyrgios, où vous avez blessé votre père au passage en cassant votre raquette. Cela vous tracasse ?

« Je sais. Je n’aurais pas dû faire ça. J’ai perdu mon sang-froid et c’est arrivé, malheureusement. C’est passé, entre-temps. Je ne suis pas vraiment inquiet pour l’Australian Open. La seule chose, c’est qu’il faut retrouver de la compétitivité, surtout quand les matches sont serrés. J’ai remarqué que j’étais un peu trop passif. Mais ce n’est pas anormal. Au début aussi, je ne savais pas trop comment aborder cette ATP Cup, si c’était sérieux ou de l’exhibition. Techniquement, mon jeu est bien en place. C’est plus tactiquement qu’il faut opérer quelques ajustements. »

Quel souvenir gardez-vous de cette victoire contre Federer à Melbourne, qui vous a propulsé sur le devant de la scène ?

« J’ai des flashes de pur bonheur. Cela avait été un tourbillon d’émotions. J’avais dû sauver énormément de balles de break. J’aurais pu craquer, mais j’ai réussi à rester fort, à maintenir mon niveau de jeu, pour l’emporter. Ce fut comme si un énorme poids était tombé de mes épaules. Je pense que je n’oublierai jamais la balle de match. Je venais de battre mon idole. Mon idole qui était devenue mon rival. C’est incroyable ! »

Vous avez terminé 2019 par le plus beau triomphe de votre jeune carrière aux ATP Finals, le Masters, à Londres. Cela doit donner un sacré boost…

« Tout à fait. J’ai quitté Londres avec un trophée, ce qui me semblait inconcevable. Pour moi, les ATP Finals ont la valeur d’un tournoi du Grand Chelem. Tous les meilleurs étaient là, si ce n’est que les matches se jouent en deux sets gagnants. Cela m’a donné énormément d’énergie. Je suis parti me ressourcer en Islande, une destination qui figurait depuis longtemps sur ma ‘bucket list’, puis à Oman. Ensuite, j’ai repris la raquette. »

Vous vous êtes notamment filmé en train de vous baigner dans une rivière en Islande. Vous semblez d’ailleurs avoir pas mal de centres d’intérêt à côté du tennis. Vous avez votre propre chaîne You Tube, vous êtes passionné de photo. Comment cela est-il venu ?

« J’ai commencé il y a deux ans environ, inspiré par d’autres personnes. Lorsque j’étais un peu déprimé, je faisais ces vidéos et cela me permettait de me sentir mieux. Au fil du temps, cela m’a fait réaliser qu’il n’y avait pas que le tennis dans la vie. La vidéo et la photo sont la diversion parfaite dans mon métier. C’est un hobby. Et un très chouette hobby, vu que j’ai la chance de visiter parmi les plus beaux endroits du monde. Et ce que j’aime le plus, c’est l’aspect création. »

Vous avez aussi raconté avoir failli vous noyer il y a quelques années à Héraklion. Quelle influence cela a-t-il eu sur votre carrière ?

« C’est la première fois que j’ai vu la mort de près. Il y avait beaucoup de vent, mais pas d’interdiction de se baigner. J’ai plongé et avant que je m’en rende compte, je me suis retrouvé à 50 mètres au large des côtes. J’ai essayé de nager, mais les vagues me recouvraient. Je suis reconnaissant envers le Dieu qui m’a sauvé ce jour-là (NdlR: son papa Apostolos s’était notamment jeté à l’eau pour le sortir de là). Cela m’a fait avoir un autre regard sur l’existence. Plus jeune, j’étais fort timide, je n’avais pas confiance en moi. Du coup, je n’avais pas beaucoup d’amis. Désormais, je ne suis plus aussi timoré et je pense que cela se voit aussi sur le court. »

Pour vous compatriotes, vous devez être le nouveau Dieu de l’Olympe suite à votre formidable année 2019 !

« Je ne sais pas. (sourire) Il y a Giannis Antetokounmpo (NdlR : le basketteur des Milwaukee Bucks), qui crève l’écran en NBA. Il a été le premier à gagner ses lettres de noblesse. Et je ne veux pas le lui enlever. Mais c’est génial que nous parvenions tous les deux à porter haut les couleurs de la Grèce dans deux sports différents. J’aime à croire que nous rapprochons les Grecs et que nous éduquons d’une certaine manière les plus jeunes, en leur prouvant qu’il y a moyen de réaliser ses rêves. Le tennis n’est pas le sport le plus populaire en Grèce. Tout y tourne autour du football et du basket-ball. Mais j’ai le sentiment que mes succès sont en train de lui faire prendre plus d’ampleur. Et je suis fier de représenter la Grèce, car nous avons une grande histoire. »

Que pensez-vous de David Goffin ?

« David est un excellent joueur. Il se déplace remarquablement et est capable de prendre la balle très tôt. Nos matches ont toujours été accrochés. C’est très important de bien servir contre lui, car il est l’un des meilleurs relanceurs du circuit, et de pratiquer un tennis agressif avec beaucoup d’intensité. David a prouvé par le passé qu’il pouvait très bien jouer et c’est à nouveau le cas. »

Qu’est-ce qui sera le plus difficile pour gagner un Grand Chelem ?

« Nous avons toujours le ‘Big Three’ (NdlR : Federer, Nadal et Djokovic), qui a tout raflé ou presque ces dernières années. Ils se partagent combien de titres ? 60 (NdlR : 57) ? Si je veux gagner un Grand Chelem, il me faudra dès lors sans doute en battre deux, si pas carrément les trois, en fonction du tirage au sort. Ou alors, espérer que quelqu’un d’autre fasse le boulot plus tôt dans le tournoi. Car plus ils avancent dans le tableau, plus ils se sentent mieux et deviennent difficiles à battre. C’est un vrai défi, d’autant que les matches se disputent en trois sets gagnants, ce qui leur donne plus de chances de rester dans le coup et de renverser la situation. »

Vous les avez battus tous les trois en 2019, et même Federer à deux reprises. Lequel des trois est le plus coriace à affronter ?

« Je répondrais comme la majorité des joueurs : Rafael Nadal. C’est le sentiment général et je le partage. »

Pour quelle raison ?

« Tout d’abord, en raison de son fighting spirit. Il dégage une telle énergie sur le court et ne lâche jamais rien. Ensuite, il y a son déplacement. Il couvre remarquablement le terrain, au point qu’il est vraiment difficile de frapper des coups gagnants contre lui. Même quand il semble sur la défensive, il est capable de renverser le cours du point en un éclair. Il possède également l’un des meilleurs coups droits du circuit. »

Par Serge Fayat.

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