Sur la trace des Mpenza

Bruno Govers

Patrick Dimbala est la révélation de la saison à Alost. Et son frère, Fabrice, est appelé à prendre la relève.

La scène se passe au terme du récent Alost-Anderlecht. Glen De Boeck, qui n’en a pas toujours mené très large face à l’avant local, Patrick Dimbala, prend le Congolais par l’épaule et lui glisse quelques mots dans l’oreille.

« Il m’a félicité pour mon match, disant que je lui avais donné pas mal de fil à retordre », observe l’attaquant des Noir et Blanc. « Les propos du capitaine du Sporting me sont allés d’autant plus droit au coeur que j’avais personnellement le sentiment d’être passé à côté de la plaque à cette occasion. A mes yeux, ce fut de loin ma plus mauvaise prestation depuis le début de la saison. Dès lors, si je l’avais réellement épaté dans ces circonstances-là, je me demande à quels propos flatteurs j’aurais eu droit, de sa part, si je m’étais montré sous un jour beaucoup plus favorable. Il n’empêche que j’ai apprécié au plus haut point son commentaire et surtout la petite allusion finale où il m’a révélé qu’il préférerait volontiers m’avoir comme coéquipier plutôt que comme adversaire. C’était réellement très sympa de lui ».

Et peut-être ces paroles n’étaient-elles pas aussi anodines que cela, après tout. Car après avoir entamé le championnat sur les chapeaux de roues avec l’Eendracht, Patrick Dimbala a eu tôt fait de focaliser sur sa personne le regard des suiveurs. Et notamment celui des Mauves. Il fut même question d’un préaccord entre les trois parties, à un moment donné. Mais, pour avoir tardé à finaliser le dossier, le club du Parc Astrid ne se révéla soudain plus le seul candidat-acheteur intéressé. Dans l’intervalle, les Néerlandais de Vitesse Arnhem témoignèrent eux aussi d’une même sollicitude à l’égard du puncheur africain. Les plus prompts n’en auront pas moins été, en définitive, les responsables du cercle flandrien eux-mêmes qui, non contents de rallier à leur cause Damir Stojak, pourtant courtisé par le RWDM, réussirent aussi à faire rempiler Patrick Dimbala pour une période de trois ans. Un joli coup, chacun en conviendra.

Gratitude envers Alost

« Si je l’avais franchement voulu, j’aurais d’ores et déjà pu me lier ailleurs », observe le principal intéressé. « Mais c’eût été ingrat, de ma part, envers Alost, à qui je dois absolument tout. Je sais que le club ne me retiendra pas contre mon gré. Au contraire, vu ses soucis financiers, les dirigeants mettront tout en oeuvre pour réaliser une plus-value intéressante avec moi, j’en ai la ferme conviction. Aussi, tout porte à croire que nos routes se sépareront avant l’échéance de mon contrat, soit en 2002 ou l’année d’après, puisque je serai libre en 2004, de toute façon. D’ici là, j’ai très bon espoir que d’autres acquéreurs se presseront au portillon et que l’Eendracht et moi-même aurons l’embarras du choix. De la sorte, je multiplierais sans doute mes propres chances, tout en permettant à mon employeur de faire une bonne affaire financière. Dans l’intervalle, je serai devenu citoyen belge aussi, puisque ma procédure de naturalisation est en cours. Ce statut devrait, en principe, m’ouvrir d’autres perspectives ».

Patrick Dimbala est originaire de l’ancien Zaïre. Et plus précisément de sa capitale, Kinshasa, où il est né le 20 février 82. Jusqu’à ses neuf ans, il a vécu dans notre ex-colonie. Pour lui, de même que pour les siens, l’existence ne fut pas toujours des plus drôles. Il perdit notamment son papa en bas âge.

« J’ai connu des moments pénibles, mais je préfère ne retenir que les choses positives », souligne-t-il. « Comme ces rencontres de football interminables que nous livrions, mes amis et moi, sur des terrains pelés, avec des chiffons en guise de ballon. C’est là que j’ai façonné ma technique, à l’image de mon frère cadet, Fabrice. J’ai conservé l’ascendant sur lui, jusqu’ici, mais tôt ou tard, il traitera d’égal à égal avec moi, quand bien même il ne me supplantera pas, carrément, tant il est doué. J’ose espérer que nous nous inspirerons un jour, à cet égard, de l’exemple de nos frères de sang, Mbo et EmileMpenza« .

Le football comme vecteur d’intégration

Comme les frangins internationaux, qui entamèrnt leur carrière sous nos latitudes, au FC Courtrai, Patrick Dimbala et son puîné auront en tout cas poussé l’atavisme jusqu’à se solidariser également au foot, chez nous, en région néerlandophone. Et, plus particulièrement, au SV Asse, leur première destination sur notre sol.

« Ma mère s’était liée d’amitié avec une habitante de cette ville et c’est pourquoi nous avions abouti là-bas », précise notre allocutaire. « Mon frère aura été le tout premier à signer sa carte d’affiliation au SV. Moi-même, je n’avais pas, par timidité, effectué ce pas au début. Comme Fabrice ne cessait de vanter mes mérites, je fus invité à entreprendre la même démarche que lui. Avec le recul, le football aura été pour nous un formidable vecteur d’intégration sociale. Car nous ne parlions, bien sûr, que le français à notre arrivée. Mais après quelques semaines, nous baragouinions déjà quelques mots de flamand. J’avais la chance d’être bien entouré. Avec les Minimes, je m’en donnais franchement à coeur joie chaque semaine. Il n’était d’ailleurs pas rare du tout que j’inscrive une demi-douzaine de buts par rencontre, apportant ainsi mon écot dans la course au titre ».

Après cinq saisons au SV Asse, l’Eendracht Alost se manifesta pour Patrick Dimbala, qui ne fut pas dur à convaincre. « Pour m’être mesuré de temps à autre à sa jeune classe, je me rendais fort bien compte que le niveau était plus élevé là-bas », précise-t-il. « A pied-d’oeuvre, j’ai d’ailleurs pu le vérifier. Avec Kristof Kestens, Tim Aelbrecht, Karel Verhulst et Kevin Franck, le club disposait d’une formation de Scolaires nationaux absolument extraordinaire. Je n’aurais pu rêver d’une meilleure entrée en matière, puisqu’au bout de cette première campagne à l’Eendracht, je goûtais à nouveau à la joie d’un succès final en championnat. Le point d’orgue, pour moi, ce fut une victoire par 0-5 à Anderlecht, au cours de laquelle je pris deux buts à mon compte. Un score de forfait, au Sporting même, c’est inoubliable ».

Les études d’abord

Il y a deux ans, Patrick Dimbala fut versé dans le noyau de Première par l’entraîneur Barry Hulshoff. Après une semaine d’entraînement à peine, le Hollandais l’inclut dans l’effectif en prévision d’une joute à St-Trond. Le sommet, ce fut cependant sa titularisation, dans la foulée, contre Anderlecht. Avec un premier but à la clé. En principe, l’intéressé aurait dû confirmer ces bonnes dispositions sous la houlette du successeur de l’ancienne gloire de l’Ajax, Wim De Coninck. Mais pour des raisons extra-sportives, cette percée se fit attendre.

« Estimant qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, ma mère tenait à tout prix à ce que je termine mes études de comptabilité à Bruxelles », dit-il. « Avec Barry Hulshoff, les séances de préparation étaient rares le matin. De la sorte, il m’était loisible de suivre les cours et de participer aux séances l’après-midi. Son remplaçant était toutefois partisan d’une activité plus prononcée le matin et c’est pourquoi la combinaison de ces deux occupations se révéla de plus en plus problématique. Ce fut tout profit pour Gunter Thiebaut qui saisit alors sa chance à pleines mains ».

Débarrassé de tout souci scolaire, Patrick Dimbala put enfin jouer à fond la carte du foot cette saison. En balance avec Björn De Wilde pour le poste de deuxième attaquant au côté de l’incontournable Damir Stojak, il bénéficia à son tour d’un petit coup de pouce du destin sous la forme de la blessure de son concurrent.

« J’ai pu d’emblée me livrer de manière libérée », explique-t-il. « Et le bonheur m’a souri très vite sous la forme d’un bon match contre l’Omonia Nicosie. Damir et moi avons accordé pour la toute première fois nos violons, cette fois-là. Et, depuis lors, nous nous trouvons les yeux fermés. Je sais gré à l’entraîneur, Manu Ferrera, qui m’a rendu totalement confiance depuis son arrivée. En vérité, je suis quelqu’un qui marche très fort au moral. Avec Wim De Coninck, ma foi s’était quand même quelque peu ébranlée, même si mes obligations scolaires ne me facilitèrent pas la vie. Avec le nouvel entraîneur, j’ai été directement remis en selle. Je sens qu’il m’apprécie au plus haut point, et je le lui rends bien. Mes coéquipiers aussi, par ailleurs. Pour nous, Manu Ferrera est un cadeau du ciel. A force d’entendre des discours défaitistes, tous les joueurs ont longtemps broyé du noir, à Alost, ces dernières années. Alors que le pessimisme était peut-être de mise cette saison, puisque tout le monde faisait de nous un candidat tout désigné à la descente, le bonheur a voulu que Manu Ferrera n’ait jamais attaché d’importance à toutes ces considérations. Et il nous a finalement entraînés dans ses certitudes. Si l’Eendracht réussit au-delà des espérances, c’est dans une large mesure à lui qu’il le doit. Et cette réflexion vaut pour moi aussi. Si je me sens pousser des ailes depuis le début de la saison, c’est par la justesse de son approche envers moi. Je lui en serai éternellement reconnaissant ».

Bruno Govers

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