» Quand il se fâche, c’est pas du cinéma ! « 

Le coach brugeois fait l’unanimité d’un point de vue sportif. Mais quel genre d’homme est-il ? Jeroen Simaeys et Geert De Vlieger nous l’expliquent.

La découverte

Jeroen Simaeys : Nous avons rapidement compris qu’Adrie Koster ne correspondait pas à l’image que nous avions des Néerlandais. Il est doux, convivial, spontané, agréable. On raconte souvent que les entraîneurs néerlandais ont une grande gueule et ne suivent que leur propre conception du jeu mais notre coach est ouvert au dialogue.

Geert De Vlieger : J’ai joué aux Pays-Bas et les prototypes décrits par Jeroen n’y manquent pas mais il y a une grande différence entre les Néerlandais issus du Brabant ou du Nord, et ceux de la région d’Amsterdam, au-delà de la Meuse. Koster y a certes travaillé mais il n’en a pas la mentalité. Il est zélandais et ces gens-là sont à moitié belges, même s’ils n’aiment pas se l’entendre dire. Je n’ai pas été réellement surpris car ce que j’avais appris sur son compte correspondait à l’entraîneur qui s’est présenté et qui n’a pas dérogé à ses principes. Au début, il a réalisé des essais, il nous a évalués puis a évolué. La maîtrise du ballon, la qualité de la relance ont été ses principaux chantiers, et ils nous ont posé problème. Je pense que ce fut une des plus mauvaises préparations du Club.

Simaeys : On dit que ça n’a pas d’importance à ce moment-là de la saison mais gagner est quand même plus sympa.

De Vlieger : Nous devions jouer de manière plus dominante, progresser et suer.

Simaeys : Chacun est reparti à zéro, a été évalué, y compris les joueurs auxquels on avait retiré leur chance. Cela n’a pas favorisé la stabilité ni la création d’un schéma fixe. A l’entraînement, les aspects qui lui tenaient à c£ur étaient manifestes. Séance après séance, nous effectuions des exercices de relance, toujours les mêmes. Il fallait être bouché pour ne pas comprendre…

De Vlieger : Indépendamment du nouvel entraîneur, le groupe a accueilli des joueurs de qualité. Nous avons obtenu des renforts qui nous ont fait progresser collectivement et qui ont aussi eu un impact sur l’entraîneur. Je le remarque à ceux qui sont à côté de moi sur le banc. De ce point de vue, avoir réalisé une mauvaise préparation n’a peut-être pas été négatif. Je suppose que l’entraîneur a plus facilement obtenu certaines choses.

Les relations

Simaeys : Koster est très équilibré. Il se comporte toujours de la même façon du début à la fin.

De Vlieger : Au début, par ignorance sans doute, on lui a collé une fausse étiquette, celle d’un homme dépourvu d’expérience, et on l’a remis en question. Or, le Koster que nous connaissons n’a pas changé depuis des années : il a sa conception du football et la communique. Surtout, il continue, que ce soit bon ou mauvais. J’apprécie ce trait. Il y a toujours des hauts et des bas, ne serait-ce qu’à cause de facteurs externes comme les arbitres et les adversaires, mais il persévère dans la même voie, sans jamais douter.

Simaeys : Il a essayé d’appliquer sa tactique de prédilection, le 4-3-3, mais ce n’était pas la meilleure pour ce noyau et il l’a adaptée. Cependant, par sa manière de travailler, de dispenser les entraînements, il a clairement montré ce qu’il estimait important. Il est large d’esprit. J’ai eu deux entretiens individuels avec lui et j’ai constaté qu’il écoutait vraiment ce qu’on lui disait. Il ne se contente pas de suivre sa propre idée, il réfléchit à notre situation et il n’hésite pas à dire : -Tu as raison. Il suffit de lui demander pourquoi on ne joue pas, il l’explique. Il ne se contente pas de vagues explications sur les choix à opérer : il expose pourquoi il juge avoir davantage besoin de tel footballeur.

La discipline

De Vlieger : Malgré un noyau très étoffé, il n’y a pas eu beaucoup de problèmes.

Simaeys : Il est le premier à prendre des sanctions effectives contre les joueurs moins disciplinés. Je comprends que ce n’est pas si évident que ça car souvent, ces joueurs apportent une plus-value au groupe. Ceux qui abordent la vie avec plus de nonchalance suscitent problèmes et agacement mais leur imprévisibilité constitue un plus sur le terrain. Koster leur a montré à plusieurs reprises qu’ils pouvaient s’écarter de la ligne d’un centimètre mais pas de quatre. Il a suspendu certains pour une ou deux semaines quand il le fallait. Il ne faut pas faire un foin d’un écart d’un millimètre mais il ne faut pas non plus laisser tout faire.

De Vlieger : S’il n’était pas intervenu, il se serait senti mal sans sa peau. Il n’a rien à faire des remarques du style : -Vous affaiblissez votre propre équipe. Or, cela devient de plus en plus difficile au fil des ans. Avant, il y avait deux ou trois joueurs indisciplinés par équipe. Aujourd’hui, ces joueurs se multiplient et il faut augmenter un peu la tolérance. Dans le vestiaire, un grand panneau explique les règles à respecter. Le comportement normal en fait partie. Il le répète régulièrement.

Simaeys : Il n’explose pas quand on fait une bêtise. Il reste calme et humain dans son approche. Il expose ce qui doit changer, sans jamais insulter le fautif. Cela ne l’empêche pas de dire qu’un match était franchement mauvais.

De Vlieger : Parfois, il affiche ouvertement sa déception. C’est typiquement néerlandais. Il ne tient jamais de discussion d’après-match en termes généraux et nous ne devons pas nous demander s’il nous vise ou pas. Avec lui, on sait exactement où le bât a blessé et ce qu’il aurait fallu faire. Il opère un constat et propose une solution.

Simaeys : Quand Courtrai a été réduit en infériorité numérique le 31 mars dernier, il a continué à jouer normalement. Il a évolué car il y a quelques mois, il serait certainement intervenu et aurait joué avec trois hommes derrière alors que maintenant, il se dit que les occasions se présenteront d’elles-mêmes. Son temps de réflexion est plus important.

Le gouffre mauve

Simaeys : Je pense que Koster est satisfait de cette saison et que peu de joueurs l’ont vraiment déçu.

De Vlieger : Nous ne manquons certainement pas de talent ni de qualités mais nous avons un problème de rendement. Nous devons l’améliorer. Quand vous voyez le peu d’occasions qu’Anderlecht gaspille, même dans les moments difficiles… Avec nos qualités, nous pouvons mieux faire. Mieux relancer, passer le ballon à un partenaire au lieu de tirer au but soi-même. Parfois, nous avons gagné grâce à notre force de travail mais dans d’autres matches, nous n’avons pu faire la différence. Il suffit de perdre quelques fois des points de cette façon pour en arriver à un gouffre pareil car il n’était pas manifeste dans nos duels. C’est sur l’ensemble de la saison que cela se paie.

Simaeys : La grande différence, c’est l’aisance avec laquelle Anderlecht s’impose face à des petits clubs. Nous avons réalisé une bonne saison, en championnat comme en Coupe d’Europe mais Anderlecht a été super.

De Vlieger : la qualité qui distingue le joueur d’un grand club est d’apporter ses qualités à chaque match, même deux fois par semaine. Certains, comme Perisic, sont en train de franchir ce cap. Tout dépend aussi des blessures. Dirar et Vargas ont besoin d’être en pleine forme pour être vraiment performants alors qu’ils ont été blessés.

Simaeys : J’espère que ce n’est qu’une question de temps. Boussoufa réalise ses actions pratiquement chaque semaine. Koster insiste pour que nous passions ou tirions plus vite mais chaque joueur doit avoir un déclic.

De Vlieger : Un joueur finit par le comprendre, d’autant que le Club a la possibilité d’effectuer des changements. Koster peut se permettre de remplacer ceux dont le rendement est insuffisant. C’est ainsi qu’il nous motive : -Tu en es capable, tu dois apporter plus. Tu ne peux jamais te dire que tu es tranquille quelques semaines après avoir livré un bon match.

L’humour

Simaeys : Son humour continue à me surprendre. A l’entraînement, il lui arrive de rire un bon coup, quand quelqu’un se plante, par exemple.

De Vlieger : On comprend qu’il s’amuse réellement en le voyant rire. Mais quand il est fâché, ce n’est pas du cinéma non plus. Je préfère un entraîneur comme lui que quelqu’un à l’humeur changeante.

Simaeys : J’apprécie d’avoir un entraîneur différent, issu d’un autre type de football, car j’ai eu beaucoup de coaches qui insistaient sur l’effort physique, le travail et l’esprit d’équipe, ce qui est typiquement belge, en fait.

De Vlieger : Il ne passe pas inaperçu. Ceux qui pensent qu’il est une souris grise devraient apprendre à le connaître. Ce genre de remarques illustre sans doute les crispations de notre football, renfermé sur lui-même : que veut nous apprendre ce Hollandais, qu’a-t-il prouvé ? Parfois, il faut accorder une chance aux gens, leur accorder le bénéfice du doute.

par peter t’kint

« Il suffit de lui demander pourquoi on ne joue pas et il l’explique. » Simaeys

« Tu ne peux jamais te laisser aller après un bon match. » De Vlieger

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