Passe-partout

Le défenseur belgo-ghanéen retrouve le club où il a été formé puis délaissé car il manquait de talent !

Denis Odoi est le premier transfert entrant d’Anderlecht. Le Belgo-Ghanéen, qui fêtera ses 23 ans le 27 mai prochain, a été acquis pour 1,5 million d’euros à Saint-Trond. Le Standard était disposé à en déposer 500.000 de plus mais le joueur a préféré revenir à ses premières amours dans un club où il avait effectué ses classes entre 1998 et 2004.

Denis Odoi :  » Je n’étais pas chaud à l’idée de rallier Sclessin car j’avais gardé un souvenir très mitigé de mes tractations avec la direction liégeoise lors du mercato d’hiver 2010. A l’époque, les Liégeois avaient fait de moi leur priorité en cas de départ de Marcos Camozzato. A ma grande surprise, c’est Laurent Ciman qui fut engagé. Je croyais que ma chance était passée mais Pierre François m’avisa que le Carolo avait été transféré dans l’optique d’une place en défense centrale. D’après lui, tout restait ouvert au back droit, mais il fallait que je patiente afin de faire baisser le prix. Au bout de trois semaines d’attente, c’est finalement Daniel Opare qui fut transféré. J’avais été tenu en haleine pour rien. Et je n’étais pas arrivé au bout de mes surprises. Cette saison, après le match Standard-Saint-Trond, le directeur général des Rouches me croisa à un moment donné dans le couloir et me dit : – On s’est déjà vus, non ? Rappelez-moi votre nom ? Il savait très bien qui j’étais et j’ai trouvé son attitude complètement déplacée. Pour moi, un ressort s’était cassé à ce moment-là.  »

Anderlecht a été plus classe ?

Denis Odoi : Autant le Standard m’a considéré comme un moins que rien, autant la direction du Sporting m’a fait comprendre que mon profil l’intéressait au plus haut point. Comme je peux évoluer indifféremment au latéral droit ou gauche, je fais figure de solution supplémentaire pour eux dans ces secteurs. Sans compter que je suis capable de tirer mon épingle du jeu à d’autres places. Au cours de la phase classique du championnat, j’ai également joué comme meneur de jeu face à Courtrai au Stayenveld, et comme médian défensif contre le Club Bruges. Contre Anderlecht, j’ai été chargé de museler Romelu Lukaku dans l’axe. En réalité, j’ai déjà évolué partout. A mes débuts, au Stade Louvain, j’opérais sur le flanc de l’attaque ou comme centre-avant. Chez les jeunes Mauves, j’ai commencé devant avant de reculer dans le jeu. Quand il n’y avait pas de doublure au poste de gardien, c’est moi qui faisais l’affaire. J’ai été mis à toutes les sauces et cette polyvalence m’a servi. Guido Brepoels, qui m’a déjà eu sous ses ordres à Oud Heverlee-Louvain, m’a toujours surnommé Passe-partout. Dès qu’il avait un problème à résoudre, c’était moi son bouche-trou. Je lui dois une fière chandelle. Sans lui, je n’aurais jamais atteint mon niveau actuel. D’ailleurs, si j’étais resté au RSCA autrefois, je n’y aurais jamais abouti en Première.

Jamais de récompense individuelle avec les jeunes

Aux dires de votre ancien entraîneur à Neerpede, Albert Martens, vous n’étiez pas un grand talent…

C’est vrai. Sur le plan qualitatif, je ne pouvais pas rivaliser avec mes coéquipiers Dries Mertens, Sven Kums et Joeri Dequevy. C’étaient toujours ces trois-là qui accaparaient toutes les distinctions individuelles. Une seule fois, j’ai eu droit à un accessit : lors du tournoi Sljivo, où j’étais deuxième sur le podium derrière Sven. A défaut de prix personnels, je me suis rattrapé avec les titres. Durant ces six années, j’ai été champion chaque année. J’ai vécu l’âge d’or du RSCA à tous niveaux car l’équipe-fanion avait fière allure aussi durant ces années-là, avec des Alin Stoica, Walter Baseggio, Bertrand Crasson ou Bart Goor. Je me souviens notamment d’une rencontre européenne entre Anderlecht et la Lazio Rome en Ligue des Champions en 2000-2001 où j’étais ramasseur de balles. Le 1-0 de Tomasz Radzinski sur une passe de Besnik Hasi restera à tout jamais gravé dans ma mémoire. J’étais encore attaquant à ce moment-là et son déboulé m’avait marqué.

Dans quelles circonstances aviez-vous reculé dans le jeu ?

C’est le hasard qui l’a voulu. A l’occasion du Mondial Pupilles de Plomelin, en Bretagne, l’équipe était privée de back droit. Le père de Dries Mertens, Herman, conseilla à l’entraîneur de m’essayer dans ce rôle. Il était d’avis que j’étais plus fort avec le ballon devant moi. C’était une petite révolution car j’avais toujours évolué devant le ballon. Pour une première, je m’étais bien débrouillé face à un gars du Stade Rennes qui faisait pourtant une tête de plus que moi. Même topo par la suite face au FC Nantes et en finale contre le Dinamo Moscou, battu 2-0. Du coup, j’avais trouvé ma voie. Je ne remercierai jamais assez papa Mertens d’avoir eu le bon feeling. C’est lui aussi, en sa qualité de régent en éducation physique, qui m’a aiguillé par la suite vers le sport-études de Louvain avant que je ne me lance dans les mêmes études supérieures que lui… Ludo Kums, le papa de Sven, a été très important pour moi aussi. Quand on partait en tournoi, je logeais toujours chez lui, à Dilbeek.

Pourquoi avoir quitté Anderlecht en 2004 ?

L’entraîneur des U15, Frédéric Peiremans, ne croyait pas en moi. Avec lui, je devais quasi toujours faire banquette. J’en avais assez et désirais vivre autre chose. A l’époque, Steven Defour et David Hubert avaient profité de la faillite de Malines pour mettre le cap sur Genk. Comme nous étions dans la même classe, à Louvain, ils m’ont conseillé de leur emboiter le pas. Ce que j’ai fait. Je n’en ai jamais voulu à Fred. Avant lui, d’autres coachs m’avaient déjà réduit à un rôle de réserviste. Ce n’était donc pas une surprise pour moi. A l’école, on ne voyait pas, non plus, de la bonne graine de footballeur en moi. Deux de mes professeurs, Michel Bruyninckx, l’inventeur du fameux Soccerpal et Ann Noé, ex-coach de l’équipe nationale féminine, se demandaient s’il y avait réellement une place pour moi au plus haut niveau. D’après eux, indépendamment de mes bons potes Defour et Hubert, ça ne faisait pas de doute pour Faris Haroun, Frank Boeckx ou Jérôme Vanderzijl. Mais moi… A l’époque, je m’étais progressivement fait à l’idée que le foot en D1 n’était pas fait pour moi. Je n’en faisais pas un plat. A la limite, combiner le ballon rond à l’étage inférieur avec un autre emploi pouvait faire mon bonheur aussi. Après une année à Genk, j’ai d’ailleurs mis le cap sur Oud Heverlee-Louvain afin de mieux me consacrer à mes études. Le professionnalisme était loin de mes pensées. Et pourtant, c’est là que tout a débuté, grâce à Brepoels qui m’a aligné dès le début de la saison 2006-2007 au back droit.

Merci Guido Brepoels

Au bout d’une saison, vous étiez désigné meilleur arrière latéral droit de l’EXQI League !

C’est fou, j’avais 18 ans et je me suis senti progresser de match en match grâce à la confiance de l’entraîneur. Tout n’a pas toujours été parfait mais il me maintenait dans l’équipe, malgré tout. Plus tard, c’est sur ses recommandations que j’ai pris le chemin de Saint-Trond. Avec une chouette récompense à la clé là aussi puisque j’ai été nommé récemment le joueur le plus méritant de la saison. Cette désignation, c’est à lui que je la dois. Il m’a rendu meilleur, à l’image de ce qu’il avait fait pour Simon Mignolet, il y a un an. Si les Canaris ont reçu 1,5 million d’euros pour nos transferts respectifs, ils peuvent en ristourner aisément le tiers au coach pour la manière dont il nous a formés.

N’est-ce pas un comble qu’Anderlecht ait dû débourser tout cet argent pour un joueur qui a transité jadis par son école des jeunes ?

Non. Barcelone a dû dépenser bien plus pour garder au Camp Nou des garçons comme Andres Iniesta, Xavi ou Lionel Messi, qui ont été formés à La Masia ! Tout le monde ne peut pas prétendre à une place en équipe première au Sporting. Le plus important, c’est d’en être conscient. Je l’ai mesuré très tôt et j’ai pris les dispositions qui s’imposaient. A un âge où certains jeunes se demandent de quoi leur avenir serait fait au Sporting, moi j’étais titulaire en D2. Cette expérience-là est beaucoup plus intéressante que des matches avec les Espoirs des Mauves. Mais elle a son prix, bien sûr : 1,5 million pour moi et 7 pour Dries Mertens qui s’est épanoui au FC Utrecht. Voilà qui situe bien la différence de valeur entre nous ( il rit).

Lui aussi est l’objet d’une cour assidue de la part du Sporting. Crois-tu en des retrouvailles au Parc Astrid ?

Je le souhaite mais j’ai bien peur que non. D’abord, il y a le prix qui est dissuasif. Et puis, le joueur a acquis une tout autre dimension comme en témoigne l’intérêt de l’Ajax ou du Lokomotiv Moscou. Je ne sais pas non plus si un retour en Belgique est à l’ordre du jour pour lui. Après un entraînement avec les Espoirs, il m’a avoué qu’il avait une sainte horreur du jeu fermé en vigueur chez nous. Au FC Utrecht, il a toujours bénéficié d’une liberté de mouvement qu’il n’aura jamais chez nous. Dès lors, je ne pense pas qu’il reviendra à Anderlecht. A défaut de le retrouver à Anderlecht, je passerai mes vacances avec lui, ainsi qu’avec Marvin Ogunjimi, Vadis et Nacer Chadli. Début juin, nous irons tous une semaine à Miami. En principe, j’aurais dû passer des examens dans le cadre de ma dernière année en éducation physique mais je vais les postposer. Je tiens à être frais lors de la reprise des entraînements.

Quelle sera votre ambition la saison prochaine ?

La même qu’après mon passage d’Oud Heverlee-Louvain à Saint-Trond en 2009 : m’intégrer dans le groupe, m’adapter à un niveau de jeu supérieur et jouer le plus possible. Avec l’espoir de participer à la conquête de l’un ou l’autre trophée.

Que vous inspire le RSCA cette saison ?

Sa première place à la fin de la compétition régulière était méritée, même si Genk lui avait mené la vie dure. Ensuite, le club a eu la malchance de perdre quelques joueurs-clés durant les play-offs : Tom De Sutter et Lucas Biglia pour cause de blessure et Roland Juhasz pour abus de cartes jaunes. Les Mauves ont eu la poisse au plus mauvais moment.

Agressif dans le bon sens du terme

Ne retournez-vous pas à Anderlecht au bon moment ? Wasyl subit manifestement le contrecoup de sa grave blessure et Guillaume Gillet aspire à une place dans l’entrejeu ?

Je ne tiens pas trop à en parler. D’autant que je ne garde pas un bon souvenir du dernier Anderlecht-Saint-Trond. Le Liégeois m’avait effectivement poussé sur la phase qui amène le premier but de Kanu, ce qui m’avait valu une carte jaune pour rouspétances de la part de l’arbitre, Christof Dierick. Par après, celui-ci m’a exclu pour un tackle un peu trop appuyé sur l’arrière droit. Je m’attendais à autre chose pour ce déplacement au Parc Astrid ( il rit).

C’est votre quatrième carte rouge depuis vos débuts parmi l’élite !

J’ai pris chaque fois deux jaunes, souvent en retournant mon adversaire direct comme une crêpe après avoir foiré à l’anticipation. Je ne suis pas méchant mais agressif dans le bon sens du terme. Je n’aime pas m’avouer vaincu. Surtout face à une bonne connaissance. Si Defour s’est abîmé l’épaule un jour, c’était après un duel avec moi. Kums a vu jaune cette saison également après une lutte acharnée pour le ballon avec moi.

Anderlecht a besoin de joueurs de caractère. Avec vous, il est manifestement servi…

Pour survivre dans ce milieu, j’ai dû développer d’autres qualités que ceux qui, au départ, avaient plus de facilités que moi. Si j’ai une bonne détente, par exemple, c’est parce que je faisais une tête de moins que les autres en catégories d’âge. Il fallait donc bien que je travaille cet aspect si je voulais avoir du répondant sur les phases arrêtées. Aujourd’hui, je ne crains personne dans le trafic aérien.

Face au FC Malines, vous venez d’ailleurs d’inscrire votre premier but de la saison sur un coup de tête !

J’étais encore plus motivé que d’habitude. La veille, j’avais appris qu’un accord avait été conclu entre Anderlecht et Saint-Trond. Je n’avais pas du tout envie qu’en cas de non-match de ma part face aux Malinois certains se disent que j’avais déjà mes idées ailleurs. Un goal, plus un assist pour Gregory Dufer : je pense avoir démontré que les Canaris peuvent compter sur moi jusqu’au bout. Je veux mettre tout en £uvre pour terminer en beauté avec eux.

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » Si j’étais resté à Anderlecht, je n’y serais jamais arrivé en Première. « 

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