MARCHE ARRIÈRE

Pour oublier à quel point trouver le chemin des filets est difficile, Charleroi a décidé de devoir marquer le moins possible. Et si la meilleure attaque, c’était la défense ?

Les accolades chaleureuses, accompagnées par la musique stridente des sifflets de Sclessin, ne trompent pas. S’il ne ramène qu’un point de son déplacement dans la Cité ardente, le Sporting carolo est bien le vainqueur moral de l’affiche du football wallon. Le miracle zébré semble de retour, parce que les départs de Dieumerci Ndongala et de Jérémy Perbet ne semblent pas avoir altéré la machine à accumuler des points précieux.

Vue des tribunes, cette équipe de Charleroi est pourtant loin de danser au rythme de la fin de saison dernière. À l’image de ce partage en terre liégeoise, elle laisse toujours un goût de trop peu.  » C’est vrai qu’on part d’ici avec la sensation qu’on aurait pu avoir un petit quelque chose en plus « , admet Javier Martos, un capitaine fier de ses troupes qui sont  » onze à travailler défensivement « .

 » On a été très sérieux « , enchaîne Nicolas Penneteau. Trop sérieux, peut-être, pour réellement mettre toutes les chances de victoire de son côté face à un Standard malade.  » On fait un début de saison mature « , conteste le gardien de but. Pour poursuivre son accession à l’âge adulte, le Sporting a décidé d’oublier ses folies de jeunesse pour en revenir aux fondamentaux. C’est Francis N’Ganga, autre voix qui pèse dans le vestiaire, qui résume le tout :  » Le mot d’ordre de l’année, c’est d’être en place tactiquement.  »

LE 4-2-3-1 SANS PERBET

Ce nouveau bébé carolo plein de maturité a justement poussé son premier cri à Sclessin. La saison dernière, en fin de phase classique, c’est un Charleroi encore en lice pour le top 6 qui débarque à Liège avec un 4-4-2 audacieux, dans lequel Damien Marcq et Sotiris Ninis prennent en charge l’entrejeu. Les Zèbres prennent trois coups dans le buffet, et ne se relèveront qu’une fois les play-offs 2 bien entamés.

 » L’année passée, ici, on n’était pas bien organisé « , affirme aujourd’hui Christophe Diandy, grand bénéficiaire de ce changement de cap. Le retour en 4-2-3-1 installe les jambes interminables du Sénégalais aux côtés de Marcq devant la défense, exonérant ainsi Ninis – loin d’être au point physiquement – d’une partie du sale boulot tout en maintenant la ligne arrière sous haute protection.

Seul devant, la saison passée, Jérémy Perbet semble avoir oublié qu’il a toujours préféré les systèmes à deux attaquants. Le Français mange tous les ballons qui passent dans le rectangle et marque treize fois lors des treize dernières rencontres de la saison. Le plan de bataille défensif devient alors une arme offensive redoutable. Presque par surprise.

 » À la base, le coach est revenu à ce système pour retrouver une assise défensive, parce qu’on prenait trop de buts « , reconnaissait d’ailleurs le buteur français la saison dernière. Perbet gomme les inconnues de l’équation carolorégienne, et joue aux multiplications pour faire grimper son capital buts jusqu’au Taureau d’or.

Et puis, le Français s’en va. Comme prévu, mais laissant Charleroi là où il l’avait trouvé à son retour au Mambour la saison dernière : sans repères offensifs. Avant le 13 septembre et la première rose de Perbut contre Saint-Trond, les Zèbres affichaient ainsi un total peu glorieux de quatre buts marqués après six matches de championnat.

Quatre buts et autant d’histoires folles entre la dernière réalisation carolo de Neeskens Kebano, l’unique but de la carrière carolo de Damien Marcq, une tête victorieuse de Ndongala et une rose plantée par l’insouciant nouveau venu Roman Ferber. Perbet a permis aux Zèbres de gagner du temps et des matches, mais le nouvel attaquant gantois semble avoir embarqué les buts dans ses valises.

FELICE L’ITALIEN

Charleroi repartirait donc une nouvelle fois de zéro ? Pas vraiment. Parce que les Zèbres, qui ont déjà affronté Gand et le Standard, signent leur meilleur départ depuis l’arrivée de Felice Mazzù au Pays Noir avec un 8/12 qui surclasse largement les trois exercices précédents (3, 4 et 5 points). Un départ réussi qui fait écarquiller les yeux, tant on prédisait les pires difficultés à ces Carolos qui semblaient incapables de marquer des buts pendant leur préparation estivale.

La phrase de Mazzù était presque devenue un gimmik, tant le coach devait systématiquement expliquer aux journalistes qu’il préférait affronter des équipes de plus gros calibre plutôt que  » gagner 8-0 contre une équipe de provinciale, avec tout le respect que j’ai pour eux.  » Difficile de nier, cependant, que Benjamin Boulenger a été le premier buteur d’une préparation chaotique pour les attaquants.

Mais le transfert-panique n’est pas encore au programme quand le championnat démarre avec un David Pollet diminué à la pointe de l’attaque.  » Nous ne sommes qu’au début du mois d’août « , tempère alors Mehdi Bayat, qui laisse à ses hommes de rectangle  » un mois pour faire leurs preuves.  » Mais dans une lutte pour la sixième place qui peut se jouer au moindre faux pas pour les Zèbres, un mois, c’est très long.

Felice Mazzù opte alors pour une approche qu’il raconte en conférence de presse, à la veille du déplacement au Standard :  » Notre football, c’est de prendre le moins de buts possible, et d’essayer d’en mettre un de plus que l’adversaire.  » Une formule à l’italienne, qui dit poliment qu’on veut garder le zéro pour se laisser le plus longtemps possible l’opportunité d’en mettre un. Resserrer derrière, parce que marquer un but est déjà un tel exploit que devoir en inscrire un deuxième relève presque de la mission impossible.

Charleroi ferme donc son but à double tour. En 360 minutes, seul Renato Neto en a trouvé la clé, l’une des rares fois où Marcq et Diandy ont oublié de jeter un oeil à l’entrée de leur rectangle depuis le début de saison. Les années précédentes, les Zèbres encaissaient entre 5 et 11 buts lors de leur premier mois de compétition. Une façon différente de rentabiliser au mieux chaque but. Parce qu’en marquant trois fois, les Zèbres ont déjà pris huit points. Pendant ce temps-là, les quatre buts du Standard n’en ont rapporté que cinq.

LES SPRINTS DE FALL

 » Être encore invaincu après quatre journées, ça veut dire quelque chose « , reprend un Francis N’Ganga pas peu fier de ce départ canon plutôt rare chez les Hennuyers. Diandy reconnaît qu’à Sclessin, les Zèbres n’ont  » pas pris beaucoup de risques offensivement « , mais ne veut pas jeter la pierre à un secteur offensif  » qui court énormément pour nous aider à ne pas trop souffrir.  »

 » C’est un gros boulot de jouer sur le côté « , concède Amara Baby, pourtant très affûté depuis le début de la saison.  » Il faut défendre, attaquer… On est un peu crevé des fois !  » C’est pourtant sur les flancs que Felice Mazzù veut frapper, en misant sur les reconversions rapides et puissantes de Baby, mais aussi de sa nouvelle recrue Mamadou Fall.

Pour sa découverte de la Pro League, l’ailier droit fait forte impression avec des rushes balle au pied qui le rendent insaisissable. Impressionné par sa puissance, le staff du Standard avait même quelque peu adapté son quatre arrière, plaçant le robuste Corentin Fiore sur son côté. Pourtant, Fall a été la principale menace des Zèbres sur la pelouse des Rouches.

 » Si tu regardes tous les matches, même ceux des grands clubs, c’est sur les côtés que ça se gagne « , explique le Sénégalais, qui décrit ensuite sa mission :  » Être actif et créer des occasions.  » Les choix en zone de finition de ce puissant ailier tout droit sorti d’un parquet de NBA laissent encore à désirer, la faute à une qualité technique bien inférieure à celle de Didi Ndongala, son prédécesseur dans le couloir droit carolo.

 » Le dernier geste, c’est ce qui me manque pour le moment « , affirme Fall, qui est un peu l’incarnation des offensives du Sporting depuis le début de saison : souvent individuelles, au bout de longues courses tellement épuisantes qu’elles coûtent une bonne dose de lucidité à l’heure des choix les plus importants. Comme un sprinter qui irait tellement vite que ses jambes finiraient par s’emmêler.

QUI POUR MARQUER ?

Après une aventure sur le terrain de la domination, Charleroi semble avoir décidé de redevenir une équipe de contre, reprenant la formule qui lui avait offert une place en play-offs : solide derrière, virevoltant devant. Un système également censé convenir aux qualités de David Pollet, choisi comme attaquant numéro un, qui avait dépassé la barre des dix buts avant l’hiver lors de la première saison carolo de Felice Mazzù.

Mais Pollet, au-delà de son abnégation en perte de balle, déçoit plus qu’il ne marque. Quand les premiers adjectifs qui viennent à l’esprit pour décrire un attaquant sont  » courageux  » et  » travailleur « , les problèmes ne sont jamais très loin. Mazzù a pourtant tenté de gonfler la confiance de son attaquant, le laissant au jeu le plus longtemps possible contre Gand avant d’insister sur les félicitations à son égard lors de la conférence de presse d’après-match.

Il faut dire que dans le sillage du numéro 10, la concurrence ne fait pas mieux devant le but, entre un Roman Ferber qui a déjà manqué quelques buts tout faits depuis le début de saison et le nouveau venu Chris Bedia, dont le manque d’instinct de tueur rend parfois Mario Notaro fou à l’entraînement.

Charleroi pourra-t-il miser sur cette recette pour s’installer dans le haut du tableau ? Les Zèbres ne peuvent même pas se reposer sur les phases arrêtées pour arracher quelques points supplémentaires au fil de la saison, puisque Dorian Dessoleil – le meilleur dans ce domaine la saison dernière – a perdu sa place en défense centrale au profit de Steeven Willems, bien moins souvent à son affaire dans le rectangle adverse.

 » On n’a pas de techniciens magiques qui gagnent un million « , constate également Javier Martos dans les travées de Sclessin. Neeskens Kebano, qui magnifiait le jeu de contre des Carolos, n’a pas vraiment été remplacé. Cristian Benavente, qui présente le même profil que le Congolais, semble avoir du mal à s’habituer au rythme imposé par la Pro League, tandis que Djamal Bakar se cherche encore une place dans le noyau carolo. Pour l’instant, la stabilité des Zèbres semble être un avantage dans des matches qui se jouent sur des détails. Mais jusqu’à quand ?

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE

Aujourd’hui, Charleroi ferme son but à double tour. En 360 minutes, seul le Gantois Renato Neto en a trouvé la clé.

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