Louis-le-Grand

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le nouvel attaquant sénégalais de Mons avait déjà fait escale chez nous avant un épisode de trois ans en Allemagne.

L’immense Louis Gomis (1m93) se pointe au rendez-vous avec une heure de retard. Mais comment lui en vouloir quand il arbore un large sourire de grand gosse insouciant au moment où il descend de sa voiture ? C’est aussi cela, l’Afrique… On apprécie ces footballeurs fantasques sur les pelouses, il faut donc accepter également leurs côtés imprévisibles en dehors des terrains.

Ce Sénégalais n’est pas inconnu pour ceux qui suivent le foot belge de près. En 1999-2000, Louis Gomis (28 ans) porta le maillot de Lommel. Sans y laisser, toutefois, un souvenir impérissable : deux petits buts en 20 matches, ce n’est pas une moyenne extraordinaire pour un attaquant de pointe ! Mais qui sait s’il n’a pas, entre-temps, effectué des progrès fulgurants dans le rude football allemand ? Il revient chez nous après des excursions à Nuremberg et à Duisburg.

Club Sportif Sfaxien et Etoile du Sahel en Tunisie, Lommel en Belgique, Nuremberg et Duisburg en Allemagne, Mons à présent : cela vous fait six clubs depuis 1997 !

Louis Gomis : C’est vrai que j’ai pas mal bougé depuis quelques années (il se marre). Chaque fois, j’ai profité des opportunités qui se présentaient. Mais ma décision la plus importante fut sans aucun doute mon départ de l’Etoile du Sahel pour Lommel : j’arrivais enfin en Europe. A ce moment-là, je ne savais pas que l’apprentissage du foot de ce continent allait être aussi compliqué. Entre l’Afrique et l’Europe, il y a peu de points communs. Ici, tout est plus rapide, plus tactique, plus physique, plus discipliné, plus axé sur la concentration et la progression collective. Bref, c’est un autre monde.

Vous voulez dire que vous débarquiez d’un football purement amateur ?

On a beau retourner le problème dans tous les sens : sur presque tous les plans, l’Afrique est inférieure à l’Europe. Vous savez ce que ça signifie, la discipline, en Afrique ? Là-bas, les joueurs ont l’habitude de se pointer au stade à l’heure où l’entraînement est censé commencer. Les coaches ferment les yeux et, les amendes, on ne connaît pas. Au niveau de la diététique aussi, c’est complètement amateur. Les footballeurs africains qui jouent dans leur pays ne cherchent qu’une chose : ne pas être gravement blessés. Pour le reste, ils se laissent vivre. Le suivi médical est du même niveau. Et la notion de solidarité est plutôt abstraite : on essaie avant tout de se mettre en valeur.

Etes-vous musulman, comme la plupart des Sénégalais ?

Non, je fais partie de la toute petite minorité catholique : 7 % de la population est de cette religion, et les autres Sénégalais sont musulmans. Je n’y peux rien, ce sont mes parents qui ont choisi pour moi (il rit). Mais ces deux cultures cohabitent sans aucun problème dans mon pays. Quand vous croisez un Sénégalais en rue, vous ne savez pas dire de quelle confession il est. Par contre, son prénom veut tout dire : chaque religion a des prénoms qui lui sont propres. Louis, c’est typiquement catholique.

N’y a-t-il pas un autre Louis Gomis qui joue au foot ?

Tout à fait. Même prénom, même nom, même nationalité. Je crois qu’il est quelque part en France. C’est marrant, non ?

 » Je refuse qu’on me compare à Roussel  »

Vous avez été le coéquipier de Timmy Simons à Lommel : aviez-vous repéré en lui un futur grand du football belge ?

J’en garde le souvenir d’un footballeur sérieux qui aimait son métier, ne cherchait pas les problèmes, parlait beaucoup avec ses partenaires et faisait sans arrêt des commentaires sur le jeu de l’équipe. C’est clair qu’il avait quelque chose en plus que les autres. Quand un seul joueur de Lommel parvenait à tirer son épingle du jeu dans des conditions de match très difficiles, c’était toujours Simons.

Le rendement et le positionnement d’Eric Joly ne vous rappellent-ils pas Timmy Simons ?

Revenez avec votre question dans six mois…

Au moment où vous étiez à Lommel, on a annoncé votre transfert à Dubaï mais vous vous êtes finalement retrouvé en Allemagne !

L’entraîneur qui avait travaillé avec Rivaldo au Brésil me voulait à tout prix, mais mon manager m’a fait comprendre que je n’avais pas intérêt à choisir une destination pareille en début de carrière.

Que retenez-vous de vos deux années à Nuremberg ?

Globalement, de bons souvenirs. J’y ai travaillé sous les ordres d’un tout grand entraîneur : Klaus Augenthaler. La première année, nous avons été champions en D2. Un an plus tard, le club est redescendu. Mais je ne peux certainement pas dire que j’ai perdu mon temps là-bas. J’ai marqué dix buts lors de ma saison en D1, en jouant 24 matches. Pour moi, c’est un bilan très positif. En Allemagne, j’ai aussi appris à me battre. Quand j’ai signé à Nuremberg, j’étais le sixième centre-avant du noyau. Mais je me suis quand même imposé.

Deux buts avec Lommel, dix en Bundesliga : c’est bizarre…

Le rôle que j’avais à Nuremberg était complètement différent de celui qu’on m’avait confié à Lommel.

Des mensonges. Le vrai problème, c’est que j’étais le seul Africain du noyau. Et vous savez quand même qu’il y a des régions d’Allemagne où les étrangers sont mal acceptés, non ? Chapeau à Augenthaler : il s’est moqué des critiques du public et a continué à m’aligner.

Comment avez-vous réagi à l’intérêt de Mons ?

Je me suis directement dit que tout deviendrait plus facile pour ma famille si je signais en Belgique, dans un club francophone. En Allemagne, c’était très difficile pour ma femme. Elle ne parvenait pas à nouer le contact avec cette population très froide. La mentalité des Allemands est complètement différente de celle des Africains. Et, quand ma famille n’est pas heureuse, je suis aussi malheureux.

Etes-vous conscient qu’on vous attend comme le Messie à Mons ? Vous êtes censé faire oublier Roussel…

Je veux que les choses soient claires dès le départ : je suis Louis Gomis, pas Cédric Roussel. On ne m’a pas dit que je devais le remplacer et je ne veux pas de comparaisons. A chacun son style. Roussel a bien fait son travail dans ce club et je suis ici, aujourd’hui, pour faire correctement le mien. Les similitudes doivent s’arrêter là.

 » La prison ? Pourquoi ? »

Pouvez-vous devenir le buteur de cette équipe ?

Tout est possible… si le système de jeu me convient.

Serez-vous aussi présent que Roussel dans les deux rectangles ?

Vous pensez que je suis incapable de revenir en défense sur les phases arrêtées adverses ? J’ai fait cela pendant trois saisons en Allemagne. Dans ces cas-là, c’est clairement un inconvénient d’être grand (il rit).

Vous comptez 28 sélections en équipe du Sénégal mais on ne vous a plus vu dans le noyau depuis un bon bout de temps.

C’est vrai. Depuis près d’un an, je n’ai plus été convoqué. J’ai deux grands objectifs cette saison : m’imposer à Mons et retrouver ma place en sélection.

On a lu dans la presse, la semaine dernière, que vous étiez sur le point d’être emprisonné suite à un accident de la route en Allemagne !

Des bêtises.

Vous n’avez pas eu d’accident ?

J’ai simplement frôlé une voiture.

Frôlé ?

Allez, je l’ai un peu touchée (il rit).

Etiez-vous assuré ?

Oui.

Pourquoi l’Etat allemand vous réclame- t-il de l’argent, alors ?

Je n’en sais rien.

18.000 euros ?

C’est personnel…

Y a-t-il eu des blessés dans l’accident ?

Ma voiture était bien blessée (il rit), mais tous les passagers s’en sont sortis sans une griffe.

Est-il exact que Volkswagen vous a attaqué en justice ?

Ce qu’on a écrit m’étonne vraiment… surtout que je roulais en Opel.

Risquez-vous la prison ?

Je ne vois pas pourquoi on m’emprisonnerait.

 » Je peux devenir le buteur de Mons… si le système me convient « 

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