L’enjeu a tué le jeu

7 raisons qui expliquent pourquoi les Mauves sont devenus cette saison si ennuyeux à regarder…

En raison des engagements, l’été passé, de Mbark Boussoufa, Mémé Tchité et Ahmed Hassan, qui faisaient suite à l’acquisition de Nicolas Frutos à la faveur du mercato 2006, beaucoup s’accordaient à dire qu’Anderlecht disposerait, cette saison, d’une attaque mitraillette. A quelques encablures de la fin du championnat, ceux-là doivent toutefois déchanter. Car avec 60 buts inscrits après 31 journées, le Sporting, souvent en pole-position des goals marqués ces dernières années, n’occupe cette fois que le deuxième strapontin dans cette hiérarchie, derrière Genk (69) et à égalité avec le Standard).

1. Les joueurs de la saison sont défensifs

Si Tchité peut toujours espérer finir meilleur buteur et si ses trois autres compères, à l’exception de Boussoufa peut-être, n’ont pas manqué de mérite tout au long de cette campagne, aucun d’entre eux n’entre réellement en ligne de compte pour le titre symbolique de joueur de la saison. Cet honneur-là, au bout de l’exercice 2006-07, devrait plutôt revenir à Olivier Deschacht, de loin l’élément le plus régulier chez les Mauve et Blanc depuis l’entame de la compétition. Voire Daniel Zitka qui a accumulé durant tout ce temps les bonnes prestations entre les perches.

Deux footballeurs de l’arrière-garde en guise de modèles dans un club qui a toujours fait la part belle à un jeu bien léché, ponctué tantôt par des artistes au pied léger ou par des goleadors à la frappe très lourde : c’est plutôt surprenant, chacun en conviendra. 2006-07 ne s’inscrit nullement dans cette lignée, tant s’en faut. Que du contraire, elle contraste singulièrement avec les bonnes notes accumulées par le RSCA au cours des dix dernières années.

2. Un nombre anémique de buts

A titre d’exemple, on signalera que le total de 60 goals paraphés pour le moment est loin, très loin même, des 78 que les Sportingmen avaient réalisés au même stade de la compétition en 1999-2000. Jamais encore, non plus, après 31 matches, les pensionnaires du Parc Astrid ne s’étaient montrés si peu en verve dans leurs installations : 26 roses à peine. En 2000-01, la paire constituée de Jan Koller et Tomasz Radzinski en avait planté 49 au même moment ! Et que dire du nombre de rencontres gagnées par un seul et maigre petit but d’écart. Anderlecht en est à 11 alors qu’au cours de la campagne 1999-2000, ce chiffre s’élevait à 4. Jamais, non plus, les gars de Frankie Vercauteren n’ont totalisé autant de victoires sur des scores Arsenal (1-0 ou 0-1) : 7 ce coup-ci pour 0 lors des campagnes 1998-99 et 1999-00.

3. La meilleure défense de l’élite

Tout n’est évidemment pas négatif, sans quoi les Mauve et Blanc ne se retrouveraient évidemment pas aux premières loges. En regard de leur manque de percussion offensive, il convient évidemment de relever aussi la solidité de leur bloc défensif : avec 26 buts encaissés, l’arrière-garde du RSCA est tout simplement la plus solide de l’élite, devant celle de ses poursuivants immédiats Genk (32) et le Standard (35). Par rapport aux années précédentes, elle figure aussi dans le top-3 des plus fiables. Il n’y a, en effet, qu’en 2000-01 et 2003-04, qu’elle a pris moins de goals à l’occasion du même bilan intermédiaire : 24. Reste que les données chiffrées interpellent, cette fois, davantage qu’au préalable, d’un tour à l’autre. Après les matches aller, Anderlecht affichait un average de 33 buts pour et 17 contre. Depuis la reprise, il en est à 27 goals marqués et seulement 9 encaissés en l’espace de 14 rencontres au deuxième tour. Sous cet angle-là, jamais il n’a été aussi performant.

4. Le changement de cap de janvier

A y regarder de plus près, à l’analyse des premier et deuxième tours, d’autres détails sont frappants. A pas moins de quatre reprises, lors des matches aller, le Sporting a réussi à faire trembler quatre fois les filets adverses : à Saint-Trond (2-4, journée 1), à Westerlo (3-4, journée 3), à Zulte Waregem (0-4, journée 9) et contre l’AEC Mons (4-1, journée 17). Au total, il a donc marqué 16 buts en ces diverses circonstances mais il a aussi encaissé 6 goals. Autrement dit les deux tiers de ceux qu’il a concédés sur l’ensemble du second tour, jusqu’à présent. Une période au cours de laquelle, hormis les six buts empilés à Genk en Coupe de Belgique, il n’a atteint que deux fois la barre des quatre buts inscrits en championnat : au Lierse (1-4, journée 27) et dimanche passé à Roulers (0-5, journée 31). En vérité, d’un demi-championnat à l’autre, on peut sans doute parler d’un changement de cap. Au premier tour, compte tenu d’une défense pour le moins friable, le coach du Sporting a manifestement tablé sur l’attaque pour faire la différence. Sa meilleure défense, c’était donc l’attaque au cours de cette période de la saison. Mais dès l’instant où le RSCA a gagné en compacité derrière, en raison de l’imbrication du Polonais MarcinWasilewski au back droit notamment, l’accent a été mis très clairement sur l’arrière-garde et ce, au détriment de la production offensive.

5. Wasyl a tout bétonné

Parmi tous les défenseurs répertoriés au sein du noyau du RSCA, Olivier Deschacht aura été le seul à tirer son épingle du jeu en toutes circonstances avant la trêve. Et ce, tant en sa qualité de back gauche, une position qu’il a occupée les trois quarts du temps, que dans un rôle de stopper où il a dû quelquefois coulisser, en raison d’un démarrage supérieur à celle de son compère Jelle Van Damme, qui s’est partagé lui aussi entre les deux postes, mais avec moins d’éclat.

Au centre, durant cette période, Frankie Vercauteren a dû multiplier les essais, parfois contraint et forcé, avant de pouvoir enfin dégager la paire idéale. Il avait entamé la campagne avec le duo formé de Van Damme et Roland Juhasz dans l’axe, mais dut rapidement changer son fusil d’épaule suite au renvoi du terrain du jeune international belge, dès le match d’entrée à Saint-Trond. Blessé jusqu’alors, Nicolas Pareja s’installa au milieu de la défense, d’abord au côté du Hongrois puis, suite à son indisponibilité, en association avec Deschacht puis Mark De Man. L’Argentin, qui avait pourtant donné pleine satisfaction à son poste de prédilection au c£ur de l’arrière-garde fut amené, en fin de premier tour, à glisser sur le flanc droit. Lors du match à domicile contre Roulers (3-2, journée 14) notamment. En cause : le problème posé par l’absence d’un véritable back droit de formation. AnthonyVanden Borre avait été utilisé dans cette attribution en début de campagne mais, à l’instar de Van Damme, puni d’une carte rouge au Staaienveld, il fut expulsé dès le premier match à domicile contre le Germinal Beerschot. Dans un premier temps, Lucas Biglia et Jonathan Legear prirent sa relève comme arrière latéral. Plus tard, De Man fut à son tour essayé dans ce rôle, au Brussels notamment (0-1, journée 16) mais sans réel succès. Pour compenser l’absence d’un back droit, le coach tenta bien l’une ou l’autre variante. En plaçant Vanden Borre au milieu latéral, par exemple. Ce fut le cas contre le Lierse (2-0, journée 10) ou à La Gantoise (2-1, journée 13). Mais le Sporting avait beau tabler sur un 4-4-2, un 4-3-3 ou un 3-5-2, un problème d’équilibre se posait toujours sur le terrain.

Durant la trêve hivernale, la direction se mit donc en quête du chaînon manquant. Au Brésil, Werner Deraeve, responsable de la prospection, mit le grappin sur le jeune Felipe. Agé de 19 ans à peine, Vercauteren estima toutefois qu’il manquait de planche pour faire l’affaire. Aussi, après diverses touches avec son quasi homonyme Filipe, de Braga, un back droit fut finalement engagé en la personne du Polonais Marcin Wasilewski. Arrivé en retard conditionnel du Lech Poznan, au c£ur de l’hiver, Wasyl fut aligné pour la première fois au Germinal Beerschot (1-3, journée 19) Et, d’emblée, ce fut un coup dans le mille car outre son intransigeance défensive, le joueur fit également montre de son habileté sur les phases arrêtées, en plantant le troisième but, sur un heading consécutif à un coup franc qui laissa le gardien Luciano complètement pantois.

6. Un double pare-chocs devant la défense

La venue de l’international polonais aura eu, en définitive, une incidence énorme sur le jeu et les résultats engrangés par le RSCA dès ce moment. Sa titularisation a eu comme effet immédiat, notamment, la montée d’un cran de De Man au sein de l’entrejeu, déserté entre-temps par YvesVanderhaeghe, parti à Roulers. Jusque-là, le jeune produit de l’école des jeunes avait dû se contenter d’un rôle dans l’axe de la défense ou à l’arrière latéral, deux postes où il ne possédait pas la moindre expérience puisqu’il avait été formé comme médian défensif à Neerpede. Une seule fois, depuis la reprise, De Man fut encore posté à l’arrière : au Club Bruges (2-2, journée 21) lorsqu’il forma la clé de voûte d’une défense à cinq dont les autres composantes avaient pour noms, de droite à gauche, Wasilewski, Pareja, Juhasz et Deschacht.

C’est, au demeurant, la seule et unique fois au deuxième tour que Vercauteren se sera appuyé sur une arrière-garde à cinq. Contre Charleroi (3-2, journée 24), il avait opéré avec trois hommes seulement en défense mais cinq dans l’entrejeu avec, toujours de droite à gauche, Wasyl, Ahmed Hassan, Biglia, Walter Baseggio et Bart Goor. La plupart du temps, Anderlecht a évolué durant ce deuxième volet de la compétition en 4-3-3 en phase offensive mais aussi et surtout en 4-5-1 lors de la récupération du ballon. Le quatuor Wasilewski, Pareja, Juhasz et Deschacht, reconduit régulièrement entre la 22e journée (2-1 à domicile contre Mouscron) et, abstraction faite du match contre les Zèbres, la 25e (1-1 en déplacement à Genk) en aura été le fil conducteur jusqu’à ce que Max Von Schlebrügge prenne à son tour le relais de Juhasz et Pareja, successivement blessés.

Cette assise défensive, avec les quatre mêmes éléments, a aussi trouvé un prolongement dans les autres secteurs. L’introduction de De Man à côté de Biglia a, en effet, doté le RSCA d’un double pare-chocs devant l’arrière-garde. Ce duo forme depuis des semaines la base d’un triangle dont la pointe, en soutien d’attaque, est le plus souvent Hassan. L’Egyptien, fréquemment remplacé avant terme par Vercauteren au premier tour, est de ceux qui auront été mis à toutes les sauces cette saison. Médian puis ailier droit, transbahuté à un moment à gauche, le Pharaon a atteint la plénitude au Sporting dès l’instant où il a été positionné dans l’axe, en retrait des hommes de pointe. Et ce qui était inconcevable encore, aux yeux de l’entraîneur, en début de saison, est devenu subitement réalité au deuxième tour sous la forme de la titularisation, au sein du même onze de base, du quatuor Hassan-Tchité-Frutos-Boussoufa (RSCA-Westerlo, 1-0, journée 20). Il est toutefois symptomatique de constater qu’en dépit de cette richesse offensive, le seul but du match ait été inscrit d’un coup de tête par Wasilewski sur un centre de Pareja !

7. Seul Frutos ne défend pas

En réalité, si Vercauteren s’est permis de faire appel à ce que son noyau recelait de meilleur sur le plan offensif, c’est dû non seulement à un meilleur quadrillage du terrain mais aussi et surtout parce que, à l’exception de Frutos, élément le plus avancé qui se contente le plus souvent de couper les angles, les autres joueurs offensifs de l’équipe doivent mettre plus que la main à la pâte en phase de reconversion. Dans ce cas, les Hassan, Boussoufa et autre Tchité viennent tout simplement prêter main forte au tandem Biglia-De Man. Il en résulte, à l’évidence même, une formation qui cède très peu sous l’angle défensif, comme l’attestent les 9 buts encaissés au deuxième tour. Mais une équipe aussi qui lâche rarement ses chevaux devant. La preuve par les trois victoires sur le plus petit écart forgées, avant le déplacement à Roulers, contre le Standard, le Cercle Bruges et La Gantoise. De quoi engranger le maximum des points, certes, mais pour le panache, on repassera. Dans l’optique d’un doublé, toujours possible, les dirigeants ont fait savoir que le résultat leur importait davantage, pour l’heure, que la manière. Mais en 2008, l’année du centenaire du club, ils ne veulent plus s’en accommoder.  » Il sera alors grand temps de proposer enfin du football champagne « , dit le manager, Herman Van Holsbeeck, à ce propos. Vercauteren sait donc bien à quoi s’en tenir !

par bruno govers

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