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L’ENFANT DU PAYS NOIR

Les clubs aiment les success stories où un enfant du centre de formation devient un titulaire. Comme un symbole des tribunes envoyé sur le terrain. C’est l’histoire de DorianDessoleil. Un conte de fées qui aurait pu ne jamais avoir de deuxième chapitre.

Au bout de ses négociations avec Philippe Emond, Mehdi Bayat finit par lâcher un peu d’argent et une phrase souriante :  » C’est fou, on paie pour un joueur qu’on a formé chez nous.  » Deux ans après son départ du Pays Noir, Dorian Dessoleil revient à Charleroi par la grande porte. La direction sportive zébrée cherchait un remplaçant pour Sébastien Dewaest, alors sur le départ après une saison folle qui avait emmené le Sporting en play-offs 1.

Fidèle à sa politique, Mehdi Bayat se tourne vers l’antichambre de l’élite pour y puiser du talent bon marché, et cherche les bons tuyaux chez un ancien de la maison carolo. Frank Defays, l’entraîneur de Virton, n’hésite pas.  » Si je suis revenu, c’est grâce à Frank « , raconte aujourd’hui Dorian Dessoleil.  » Mehdi et lui ont de bonnes relations. Il lui a demandé qui était le meilleur défenseur central de D2, et Frank a répondu que c’était moi.  »

Dorian retrouve un stade qu’il connaît par coeur. Enfant, il profite de l’abonnement offert aux enfants de l’école zébrée pour s’installer tous les quinze jours dans les tribunes, en compagnie de son père.  » Pouvoir jouer sur ce terrain un jour, c’était un rêve « , poursuit le défenseur carolo. Le 6 avril 2013, Yannick Ferrera titularise Dessoleil, et écrit le début d’une histoire qu’aiment raconter tous les clubs : celle d’un gamin de la ville qui sort du centre de formation pour se faire une place de titulaire dans son club.

À nouveau aligné d’emblée à domicile une semaine plus tard, Dessoleil n’imagine pas que ce match de play-offs 2 face à Waasland-Beveren sera son dernier au Mambour avant un seizième de finale de Coupe de Belgique contre Walhain, 893 jours plus tard.

DEUX ANS EN D2

Le conte de fées ne dépasse donc pas le premier chapitre. Mehdi Bayat n’est pas un éditeur sentimental, et envoie la suite du roman de son enfant du pays s’écrire ailleurs. À la tête de Tubize, Dante Brogno se renseigne. L’ancien buteur du Pays Noir connaît bien Dorian, car son fils Loris le côtoyait sur les terrains de Marcinelle, dans une génération exceptionnelle à l’échelle carolo puisqu’elle contenait aussi Bryan Verboom (ex-Zulte Waregem) ou Megan Laurent (Tubize).

Les pères Brogno et Dessoleil multipliaient les kilomètres et les cafés ensemble, au bord du terrain, pour suivre leur progéniture aux quatre coins du pays. Dante marque même un virage décisif dans la carrière du Zèbre lors de sa période à la tête des U21 :  » Dorian, il jouait dans le secteur offensif, mais sans vraiment trouver sa place. Dans un premier temps, on l’a donc repositionné à l’arrière gauche. Et puis, avec sa taille, sa stature, on a décidé de le placer en défense centrale. Un gaucher, à ce poste-là, c’est rare, et donc c’est précieux.  »

Finalement, c’est comme adversaire que Dante Brogno retrouvera Dessoleil, qui poursuit sa carrière à Saint-Trond, où il retrouve Yannick Ferrera. L’année se termine avec 25 matches au compteur, une montée ratée de peu, et un paquet d’expérience.  » Ce passage en D2, ça m’a permis de mûrir « , confie aujourd’hui le Carolo.  » Ce n’est pas le même football que la D1, c’est un championnat où il faut plutôt rentrer dedans et jouer avec des longs ballons. J’ai gagné de la maturité dans les duels, ce qui manque souvent au développement des jeunes joueurs. Parce qu’en réserve on joue souvent contre de petits gabarits…  »

L’expérience trudonnaire tourne court, suite à des relations compliquées avec Ferrera et une partie du vestiaire. Seulement aligné pendant une heure lors du tour final, Dessoleil décide d’aller voir ailleurs. Et ailleurs, c’est plutôt loin.  » C’est son agent, Kismet Eris, qui me l’a présenté « , se rappelle Philippe Emond, qui voit DD débarquer dans son club de Virton.

 » Pour un club comme le nôtre, c’est ce qu’on peut appeler une très bonne pioche : un jeune formé en D1, avec un gros potentiel, qui comprend que Virton est un club qui a déjà servi de tremplin vers l’élite pour beaucoup de joueurs, et qui est prêt à venir jusque tout en bas de la Belgique pour poursuivre sa carrière.  »

EN CONFIANCE

Dans l’anonymat de la Gaume, Dessoleil devient rapidement une valeur sûre en défense centrale. Il gagne des duels, plante des buts importants sur penalty et est l’un des artisans de la saison folle de Virton, qui croit longtemps au tour final. Philippe Emond dégaine les compliments sans hésiter :  » Un défenseur central gaucher avec une telle présence, c’est rare. Franchement, si on avait dû faire le portrait-robot de la recrue idéale pour Virton, ça aurait été une photo de Dorian.  »

Parfois malmené par le trash-talk de la méthode Ferrera, Dessoleil s’épanouit avec Frank Defays puis Felice Mazzù,  » des coaches qui avaient plus de recul et qui cherchent toujours à sortir le positif de tes prestations.  » Un paramètre important pour un joueur qui est  » un grand costaud, mais aussi un grand sensible « , se rappelle Dante Brogno.  » En fait, on peut dire de lui que pendant les matches, il était toujours par terre, mais il se relevait toujours « , confirme Philippe Emond.

Dessoleil ne peut qu’abonder, lui qui n’avait pu retenir ses larmes la saison dernière, quand deux erreurs en huit minutes face à Lokeren en play-offs 2 avaient offert un doublé à Hamdi Harbaoui. Mazzù l’avait alors remplacé à la mi-temps, pour mieux le remettre dans le onze la semaine suivante.  » C’était un signe de confiance important de la part du coach « , se souvient Dorian, qui se présente comme  » quelqu’un qui se pose beaucoup de questions. Quand je ne joue pas pendant deux ou trois mois, je me demande si j’ai encore le niveau.  »

Les doutes ont donc été nombreux cette saison, lors d’un premier tour conclu avec une seule minute au compteur. Mais le passage à une défense à trois lui permet d’être un incontournable du sprint final zébré, dans un rôle central où sa gestuelle et sa posture rappellent Laurent Ciman, un autre enfant du Pays Noir.

 » C’est agréable d’être comparé à un joueur comme lui, qui a fait une très grande carrière « , conclut Dessoleil.  » Mais faire l’ensemble de ma carrière à Charleroi, ce serait déjà un rêve. Je viens de cette ville, je joue dans mon stade. Si je devais réussir quelque part, c’était ici.  »

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

 » Je viens de cette ville, je joue dans mon stade. Si je devais réussir quelque part, c’était ici.  » – DORIAN DESSOLEIL

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