L’énergie du désespoir

Crise ou pas ? Avec ou sans Riga ? Jeu déprimant ou flamboyant ? Le Standard ne sait toujours pas choisir.

Après les défaites à Charleroi et Courtrai, le mot crise a été ressorti des armoires (où il n’était pas resté longtemps). Les chants anti-Duchâtelet étaient de retour, les mines renfrognées, les propos de José Riga et Axel Lawarée durs vis-à-vis de joueurs peu concernés. Bref, Sclessin était parti pour vivre un enterrement de première classe face au leader brugeois que les bookmakers continuent de désigner comme champion probable. Riga avait même mis sa démission dans la balance –  » s’il faut cela pour ramener un climat serein à Sclessin et propice à de bons résultats « .

Et puis voilà qu’une nouvelle fois, le phénix liégeois renaît de ses cendres. Comme en phase classique, à Anderlecht. Comme dans ces play-offs contre Anderlecht. A chaque fois qu’on le dit mort ou terne, il frappe fort et offre du jeu. Car, contre le Club Bruges, non seulement, le Standard a gagné mais il a produit un jeu de qualité, digne d’un champion. Comme face à Anderlecht. Une nouvelle fois, ce Standard brouille les pistes et soulève de nouvelles questions.

Riga est-il le problème ?

Contrairement à ce qui a été annoncé, il n’y a pas de cassure irrémédiable entre le groupe et son entraîneur. Certes, les trois défaites d’affilée avaient plombé l’ambiance et écorné le statut de Riga mais pas au point de casser le lien entre l’entraîneur liégeois et son noyau. Contre Bruges, comme deux semaines auparavant contre Anderlecht, on a vu une équipe qui avait du talent, de l’organisation et de l’envie. Pas une formation moribonde qui voudrait lâcher son entraîneur. Pourtant, en annonçant qu’il prendrait ses responsabilités en cas de défaite, Riga avait fourni le bâton pour qu’on le batte et surtout une excuse pour ses joueurs en cas de contre-performance.

Après la rencontre, Riga a minimisé cette petite phrase lancée en conférence de presse, la veille du match.  » J’ai voulu créer un contexte qui permette aux joueurs d’évoluer de façon favorable, comme apparemment c’était ma personne qui était la source de tous les maux. Je sais aujourd’hui que je négocierai les matches futurs en tant qu’entraîneur du Standard.  » Pourtant, un mauvais match contre le Club et c’était Riga qui en payait les pots cassés. En résumé, si les joueurs avaient voulu lever le pied sans être pointés du doigt, ils en avaient la possibilité.

Quoi qu’il en dise, Riga a très mal vécu les trois derniers matches, même si pour lui, chaque rencontre a son histoire. Il isole ainsi la prestation fantomatique à Courtrai des deux autres rencontres lors desquelles, avec un brin de chance (Gand) et d’efficacité (Charleroi), le Standard aurait pu revendiquer davantage. Il a mal vécu également les critiques sur ses changements.  » Ma carapace, ça va, elle tient le coup mais je pense aussi à celle des autres « , a-t-il lâché, évoquant sa famille. Entraîneur du Standard est certes plus compliqué qu’ailleurs en Belgique mais cela l’est encore plus pour Riga, considéré par les fans comme une marionnette de Roland Duchâtelet pour lequel il a travaillé à trois reprises.

Dès son intronisation, il a insisté pour dire qu’il avait accepté la mission, convaincu par Bruno Venanzi et Axel Lawarée et pas par Duchâtelet qu’il avait quitté en léger froid après sa non-prolongation de contrat à Charlton. Il a rappelé avant les play-offs que les contacts avec le président Duchâtelet étaient rares, sinon inexistants, et que ses interlocuteurs se nommaient Venanzi et Lawarée. A chaque fois, il doit donc insister et prouver son détachement par rapport à Duchâtelet, preuve que cela ne coule pas de source dans l’esprit des gens. Or, tout ce qui est apparenté au président du Standard entre directement en disgrâce auprès des supporters.

Guy Luzon avait déjà vécu cela. Riga l’expérimente aujourd’hui même si le fait qu’il soit liégeois, et sa communication, lui permettent quand même de jouir d’une plus grande popularité que l’entraîneur israélien (en même temps, ce n’est pas difficile) ! Cependant, il est loin de jouir de la cote de sympathie d’un Mircea Rednic, d’un Michel Preud’homme, d’un Laszlo Bölöni pour citer les intouchables, voire même d’un Ivan Vukomanovic qui passait très bien malgré son passé d’adjoint de Luzon.

Que reproche-t-on à Riga ?

Outre sa proximité (qui n’en est donc plus vraiment une) avec un Duchâtelet plus malaimé que jamais, les supporters lui reprochent également des choix et des changements bizarres. Pourquoi avoir fait descendre Adrien Trebel à Charleroi (et de surcroît pour un ailier, Yuji Ono) ? Pourquoi avoir titularisé Damien Dussaut à Courtrai alors qu’il ne faisait même pas partie des 18 lors des derniers matches ?

Certes, Milec était blessé mais n’y avait-il pas moyen de faire coulisser un arrière central ? A contrario, on pourrait rétorquer que ne pas faire confiance à Dussaut, véritable arrière droit et considéré comme le numéro deux à ce poste, quand le numéro un est absent, consisterait à le tuer. Pourquoi avoir opté pour un 4-5-1 à Courtrai et laissé Igor de Camargo sur le banc ? Pourquoi avoir placé Trebel sur un côté à Gand ?

Mais c’est surtout la rotation instaurée dans l’axe central qui a focalisé l’attention. Parce que Jorge Teixeira et Alexander Scholz risquaient tous les deux une suspension en cas de carton jaune et que Riga ne voulait pas qu’ils prennent ce carton dans le même match au risque de se retrouver privé de ses deux arrières, l’entraîneur liégeois a décidé de placer Scholz et Teixeira sur le banc respectivement à Charleroi et à Courtrai.

 » Dino n’est pas la cause de tous nos problèmes « , s’est défendu encore une fois Riga après Bruges en évoquant la titularisation de Dino Arslanagic lors de ces deux rencontres.  » Que du contraire, je trouvais qu’il avait fait des matches très solides à mon arrivée et son niveau est très proche de celui de Scholz et Teixeira. A Charleroi et à Courtrai, nous avons failli collectivement, pas à cause de la défense.  »

Si c’est vrai à Courtrai, on peut quand même considérer que la défense en général (et Arslanagic en particulier) a une grande part de responsabilité dans le but carolo.

Riga a voulu jouer la carte de la fraîcheur après la défaite contre Gand (qu’il a prise pour une alerte) et face à des oppositions considérées moins ardues que Bruges et Anderlecht. Mais cela a foiré. Et comme les échecs marquent davantage que les réussites, on en oublie certains choix gagnants (relancer EyongEnoh dans les play-offs à la place de Julien de Sart) et certains changements gagnants (l’entrée de de Sart et Jonathan Legear à Courtrai, celle de Ricardo Faty buteur décisif au Cercle, celle de Jiloan Hamad, buteur égalementface à Waasland-Beveren).

Néanmoins, en modifiant son onze de base contre Gand, et en instaurant la rotation défensive à Charleroi, Riga a brouillé les repères que les joueurs avaient enfin pris, et a cassé une dynamique instaurée après les deux excellents matches d’ouverture des play-offs. Car, même si le déplacement à Bruges s’était soldé par une défaite, il avait boosté la confiance du noyau et l’avait rassuré sur sa compétitivité face aux grands.

La victoire contre Bruges peut-elle changer la position de Riga ?

A court terme, oui, puisqu’il avait lié son destin au résultat. Il devrait terminer les play-offs, à moins d’une révolution (et on sait qu’à Sclessin, on s’en est fait une spécialité et que la vérité d’un match n’est pas celle du suivant). Mais quid pour 2015-2016 ? Son annonce avant Bruges prouve qu’il a compris qu’il ne sera plus l’entraîneur du Standard la saison prochaine. Il a voulu prendre les devants. Et son plaidoyer d’après-match montre qu’il est déjà dans la défense d’un bilan et d’un style de jeu tout en sachant bien que cela ne devrait pas modifier les plans de la direction (ni l’approche des supporters à son égard).

Idéalement, la direction aurait voulu bâtir une équipe avec Riga à sa tête. Lui-même rêve de pouvoir prouver ses compétences aux commandes d’une équipe du top sur deux ans. Mais la direction était également consciente de l’impopularité du licenciement de Vukomanovic et de la nomination de Riga et qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur. Or, les résultats des play-offs et la vindicte populaire croissante ne lui laissent pas le choix. Il faudrait que Riga signe quasiment un parcours sans faute pour être reconduit.

Cependant, Riga ne doit pas servir de bouc émissaire. Il est loin d’être le seul responsable. Il aurait voulu étoffer son staff puisqu’au départ, il était prévu que Vukomanovic reste et que le Serbe a finalement décidé de partir, mais sa demande n’a pas été rencontrée.

Les dirigeants sont également confrontés à leur campagne de transfert. Le noyau du Standard n’est pas assez équilibré. Le mercato estival est un fiasco sans nom. Mais ni Lawarée, ni Venanzi n’étaient présents à l’époque. Ils n’ont pu boucler que le mercato hivernal, réussi puisque Scholz et Ezekiel prestent. Toujours est-il que pour la saison prochaine, ils devront faire une grande lessive, renforcer l’équipe tout en espérant que les leaders actuels ne partent pas. On sait pourtant que garder Ezequiel est compliqué et on voit mal Geoffrey Mujangi-Bia continuer à jouer dans un stade qui ne l’aime pas.

Que vaut ce Standard ?

Difficile à dire tant il alterne le bon et le moins bon. Quand il faudra tirer le bilan de Riga, il ne faudra pas oublier que les deux meilleurs matches du Standard cette saison (contre Anderlecht et le Club Bruges) ont été joués sous sa houlette. Quand il se met à jouer juste, le quatuor offensif composé de Geoffrey Mujangi Bia, Mehdi Carcela, Igor de Camargoet Imoh Ezekielrenverse tout et n’importe quel adversaire sur son passage.

Bia réalise la saison la plus aboutie de sa carrière ; Carcela, quand il met le turbo, est sans doute le joueur le plus talentueux de notre compétition ; de Camargo, à défaut d’être élégant, est un point d’appui sous-estimé, tant il ouvre des espaces, et un combattant valeureux, tant il défend et arrache des ballons. Quant à Ezekiel, sa vitesse fait mal à chaque opposant.

Mais ce quatuor est frappé du sceau de l’inconstance et coule comme les autres joueurs en pleine tempête.  » Anderlecht et Bruges, cela reste des affiches « , a expliqué Riga.  » C’est moins sexy d’aller jouer à Courtrai et Charleroi. Peut-être qu’on a commis des erreurs dans l’approche de certains joueurs. Je dis on, sinon on va dire que je critique les joueurs.  »

Riga tente de les protéger mais n’y arrive pas vraiment. Il a tenté de les bousculer en critiquant leur nonchalance après Gand et Courtrai (certains lui reprochent d’avoir trop exposé ses joueurs après ces rencontres mais force est de constater que cette approche a eu l’effet de les piquer dans leur orgueil). Ces artistes n’ont pas la même implication dans tous les matches et cela se voit. Et on ne peut pas évoquer un manque d’expérience tant ces éléments sont désormais routiniers de notre compétition.

De plus, derrière le onze de base type dégagé par Riga, il n’y a pas grand-chose. A part de Sart (et dans une moindre mesure Arslanagic), le banc n’arrive pas à la cheville du onze. Peut-être Riga a-t-il voulu se persuader du contraire mais les défaites à Charleroi et Courtrai, lors desquelles il avait voulu opérer quelques roulements, ont servi de piqûre de rappel.  » Il y a des matches où il faut faire parler l’expérience et d’autres où il faut faire parler la fraîcheur « , a-t-il affirmé. A moins que le onze de base arrive à fournir la même qualité de football face à Courtrai que face à Bruges… ?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

Derrière le onze de base, il n’y a pas grand-chose.

C’est compliqué d’être entraîneur au Standard mais cela l’est encore plus pour Riga, tant il est perçu comme une marionnette de Duchâtelet, même s’il a prouvé son détachement.

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