Le gars du coin

L’ex-adjoint de Jos Daerden relève la délicate mission de sauver son club.

A quatre journées du terme, la direction montoise a pris le pari d’effectuer un dernier changement à la tête de l’équipe pour s’assurer son maintien. L’avenir nous dira si cela s’avéra judicieux… Exit Jos Daerden, coupable d’avoir eu un échange verbal poussé avec le président Dominique Leone. Pour le remplacer, la direction a opté pour la carte Michel Wintacq.

A 49 ans, ce Borain a tout connu avec son club. Il a repris le groupe à la trêve en D2 avant de céder le relais à Marc Grosjean au moment d’entamer le tour final de la montée. Adjoint, au début de la première saison en D1 il se retrouva entraîneur des jeunes, avant de revenir dans l’ombre de Sergio Brio et Jos Daerden. Samedi, il inaugurait sa carrière d’entraîneur de D1 au GBA, aux côtés d’Olivier Suray, promu coach de la Réserve et entraîneur adjoint. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fut servi. Avec un schéma tactique innovant (un 5-4-1 avec Marc Schaessens en libero, Alain Behi en récupérateur et le seul Aliyu Datti en pointe), Mons n’a strictement rien montré et s’est logiquement incliné 2-0. Deux actions offensives (une occasion trois étoiles de Datti en tout début de match et une dans les cinq dernières minutes) et un manque d’agressivité coupable, symbolisé par la présence sur le terrain d’Alessandro Cordaro et en deuxième mi-temps de Martin Miguel Cortes, deux poids plumes bien peu indiqués pour une lutte à couteaux tirés.

Cette équipe-là avait le visage de celle – fantomatique – de l’ère Brio. Les Montois ont choisi un bien mauvais moment pour renouer avec leurs démons. Résultat : le retour de la lanterne rouge au stade Tondreau.

Michel Wintacq : Il ne faut pas oublier que l’on se ménage la première occasion de la rencontre. Mais Datti arrive en fin de course et manque de fraîcheur. Pour le reste, il faut stigmatiser l’oubli défensif sur le premier but et le recul systématique en première période. Nous avons donné trop d’espace à l’adversaire. Je ne sais pas si c’est à cause du remaniement mais c’est vrai qu’en début de match, le marquage ne fut pas toujours efficace. Néanmoins, il faut continuer à y croire « .

Mais pourquoi avoir accepté de plonger dans cette galère ?

Pourquoi aurais-je refusé. Ce n’est pas la première fois que le président me demande de dépanner puisque lorsque l’on était en D2, j’avais remplacé Thierry Pister, parti à Beveren à la trêve. Je suis un employé du club. Je sais qu’il s’agit d’une mission délicate – certains disent même dangereuse pour mon avenir -, mais je n’avais pas le droit de refuser.

Le club a agi dans l’urgence et s’est tourné vers une solution interne. Pompier de service avant de retourner dans l’ombre ?

Beaucoup prétendent que cette décision était la meilleure pour le club. Quand on fait venir un entraîneur de l’extérieur, il lui faut toujours une période d’adaptation. Or, nous n’avons pas le temps pour cela. On a donc privilégié une solution interne. Il s’agit en fait du même système que celui prôné par Anderlecht : l’adjoint qui devient entraîneur principal et un joueur qui s’empare du poste d’adjoint. La comparaison avec les Mauves s’arrête là…

Pourquoi avoir choisi Olivier Suray pour vous seconder ?

C’est un joueur que j’ai toujours apprécié. Il a son franc parler, il est honnête et il suit les cours d’entraînement à l’Union Belge avec moi. Il sait aussi que sa carrière est davantage derrière lui que devant. Or, le train ne passe parfois qu’une fois et il faut savoir le prendre.

Plus de physique…

Quelle est la griffe Wintacq ?

Quelques retouches car on possède toujours ses propres idées mais je m’installerai dans la continuité de Jos Daerden. Je ne le salirai pas car c’est quelqu’un qui ne le mérite pas et avec qui j’ai pris du plaisir à travailler. Je n’ai pas bouleversé le planning d’entraînement. J’ai simplement supprimé le jour de congé hebdomadaire car ce n’est plus le moment. En concertation avec Claudy Degrève, le préparateur physique, on a conscientisé les joueurs en leur montrant qu’il leur manquait certaines choses. L’objectif consiste à leur démontrer ces manquements afin qu’ils puissent corriger le tir tout de suite. Dans cette optique, je n’hésite pas à interrompre souvent l’entraînement. J’ai voulu également intensifier le travail physique afin que l’on voie un peu plus d’agressivité car on joue comme on s’entraîne.

Mais comment sortir ce club des profondeurs dans lesquelles il végète depuis deux saisons ?

Il faut d’abord rechercher une certaine stabilité. L’image type doit être celle du Club Bruges qui table sur la continuité. Depuis deux ans, on a utilisé 40 joueurs et on ne sait rien construire comme cela. Ce que l’on fait au mercato depuis deux saisons, c’est ingérable. Le club est jeune et a certainement grandi trop vite. Le président a compris ses erreurs et il tente de rectifier la donne. Le club a un besoin urgent de se structurer. Il faut travailler et placer les bonnes personnes aux bonnes places en mettant sur pied une véritable cellule sportive et administrative. Un club pro ne peut plus être dirigé par des bénévoles. Mais je le répète, je crois que le président a compris beaucoup de choses cette saison.

Comme ?

Il sait que le club doit encore se doter de certaines choses. Ce n’est pas normal de ne compter cette semaine que sur un terrain d’entraînement disponible, ce n’est pas normal de ne pas voir de jeunes percer en équipe première…

Vous êtes satisfait du mercato ?

Certains ont répondu à l’attente, d’autres pas. La plus grosse réussite demeure Cédric Berthelin qui s’est érigé en leader et en patron du vestiaire. Pour le moment, dans l’équipe que je forme, il n’y a que lui qui est incontournable.

Vous voulez de la stabilité mais que le club chute en D2 ou pas, il va falloir tout rebâtir une nouvelle fois…

Si on descend, il faudra réagir tout de suite en tentant de mettre sur pied une équipe pour remonter assez vite. Si on se maintient, on aura la chance d’être secondé par Stéphane Pauwels qui possède une grande connaissance du marché et on pourra reconstruire une équipe solide car on aura tenu compte des erreurs du passé. La prochaine fois, on ne pourra plus tabler sur du court terme. Il faudra cibler juste et s’attacher les services de garçons qu’on pourra conserver quelques années.

Comment allez-vous procéder pour ne pas commettre les erreurs de vos prédécesseurs ?

Sergio Brio n’a pas su s’adapter à la réalité belge. Il a cru qu’il allait mettre tout le monde au pas. Il a impressionné le club grâce à sa carte de visite et a réussi sa première mission surtout grâce à Wamberto, qui a pris 50 % du sauvetage à son compte. Il a également été bluffé par Giacondo Martorelli, son homme de confiance. Il faisait venir des garçons inconnus et quand on demandait des renseignements, on n’obtenait jamais rien. On nous répliquait que ces joueurs n’étaient pas chers mais en définitive, c’était loin d’être vrai. Et puis, un entraîneur malin est un entraîneur qui sait être bien avec la presse et là, Brio s’est complètement planté. Il croyait qu’il pouvait faire ce qu’il voulait avec les médias. On a essayé plusieurs fois de le ramener à la raison mais en vain.

Daerden ? Un gros travailleur

Et Jos Daerden ?

Il avait rétabli le dialogue après l’épisode Brio. Il avait des projets dans l’intérêt du club mais on ne lui a pas laissé l’occasion d’aller jusqu’au bout. C’était un gros travailleur. Il avait pris le bateau à la dérive et a essayé de modifier la trajectoire à la trêve en faisant venir de nouveaux joueurs. Cependant, il n’a pas obtenu les noms qu’il désirait. Certains n’ont pas accepté de relever ce challenge. Et puis, on lui a reproché de na pas insuffler assez de caractère à cette équipe. Tactiquement, il a toujours mis en place ses éléments et psychologiquement, il a toujours bien préparé son groupe.

Pourtant, le président Leone n’a plus cru en lui après la première mi-temps contre Westerlo et le clash de la pause…

J’avais déjà eu des échos défavorables mais aucun entraîneur ne fait l’unanimité. Le président subit une énorme pression de l’extérieur et a agi avec détermination. A la mi-temps, Daerden voulait toujours avoir cinq minutes de calme avec ses joueurs pour leur permettre de faire le vide. Dominique Leone a voulu remonter les bretelles à certains et Jos a essayé de postposer la venue du président qui l’a mal pris. C’était son droit de rentrer dans les vestiaires pour pousser une gueulante mais c’était aussi le droit de Daerden de demander un peu de calme. A partir de ce moment, on a senti les joueurs un peu déboussolés. L’autorité de Daerden sur le groupe en avait pris un coup. On a senti que le lien s’était fissuré mais on pensait qu’avec la victoire, tout rentrerait dans l’ordre.

Pourtant, on chuchote que le président a voulu modifier la composition d’équipe…

( Catégorique). Jamais, jamais, le président ne s’est investi dans la composition d’équipe. Il faisait tout au plus ses commentaires à l’issue de la rencontre, comme tout un chacun. Mais cela s’arrêtait là.

Toute cette histoire ne risque-t-elle pas de déstabiliser le groupe dans la dernière ligne droite ?

Cela a choqué certains joueurs mais il faut tourner la page. Le maintien dépendra de leur comportement. Rater une passe fait partie du jeu mais ce qui importe, c’est la réaction qui suit cette perte de balle. Il faut que chacun se mobilise pour retrouver le ballon perdu par un coéquipier. Il faut former un bloc sur le terrain. Et ça, ce sont les joueurs qui en décideront. Car le staff ne sait pas transformer un cheval de bois en cheval de course.

Vous tablez sur combien de points pour garder Mons en D1 ?

Six ou sept. On dit toujours qu’il faut 32 points pour assurer sa survie mais je ne crois pas que cela sera d’office nécessaire cette saison.

En cas de réussite, vous imaginez une carrière comme entraîneur principal ?

C’est un métier de fou. Je suis avant tout au service de mon club et si on me demande de poursuivre, peut-être que j’accepterais mais nous n’en sommes pas encore là. Je mets toute mon énergie à le sauver. Nous n’avons même pas évoqué l’aspect financier de mon changement de statut. Pour le moment, nous devons uniquement nous focaliser sur le maintien. Tout sera plus facile si on reste en D1 que ce soit au niveau du sponsoring ou des jeunes. Alors, vous savez, ma petite personne… Mais quoi qu’il en soit, j’aurai la conscience tranquille car si j’avais refusé ce défi, j’aurais fui mes responsabilités.

Stéphane Vande Velde

 » Un entraîneur malin sait être BIEN AVEC LA PRESSE. Et là, Brio s’est complètement planté  »

 » CE QU’ON FAIT AU MERCATO depuis deux saisons, c’est ingérable  »

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