La mode est à LA BISE

Voici trente ans, je bisais déjà mes potes, mais c’était mal vu footeusement : un de tes équipiers t’apercevait en train de dire bonjour à un autre mâle autrement qu’en lui serrant virilement la pince, et le milieu du ballon rond te classait illico hippie, gauchiste, inverti et fumeur de joints. Avoir les tifs plus longs que la moyenne et embrasser un homme qui n’était pas ton frère ou ton cousin, hop : tu devenais footballeur marginal, limite Brigades Rouges ou Bande à Baader ! C’était l’époque.

Elle a changé. Aujourd’hui, au foot et ailleurs, la bise d’homme à homme va croissante et quel que soit l’âge : en salle de presse, les journalistes sportifs, jeunes et moins jeunes, se bisent comme jamais ! Nous nous latinisons,… j’ignore si ça signifie que nous sommes moins machos qu’hier ! Mais même MichelVerschueren, je parierais qu’il bisoute RaymondGoethals ou MarcelVan Langenhove lorsqu’il les croise ! C’est une mode partie des jeunes, qui me semble avoir investi le microcosme footeux voici six ou sept ans, et qui m’a (ré)investi comme les autres. Je me rappelle, Bruno (devenu flic depuis !) est arrivé un soir l’un des derniers avant l’entraînement, il a fait le tour du vestiaire en faisant smack/smack à tous ses copains ; j’étais en fin de parcours, il a continué sur sa lancée en smackant aussi le coach, c’est-à-dire le vieux, et en rigolant : tout le monde a rigolé, Bruno a remis ça la fois suivante, les autres ont suivi, l’habitude était prise. Pourquoi pas ?

Pourquoi pas si tu mets bien les choses au point… ce que j’ai fait en début de saison dans mon nouveau club, je suis un maniaque des détails ! Un, en rappelant que la bise n’exclut pas le rapport hiérarchique normal et nécessaire entre entraîneur et entraînés. Deux, en laissant chacun agir à sa guise : celui qui préfère biser bise, celui qui préfère la franche poignée de main poigne franchement ! Trois, en soulignant que tu n’établis aucune échelle affective selon que l’un te tend la joue et l’autre la paluche. Et quatre, surtout, que celui qui a opté au départ pour la bise au coach, mais qui repasse au shake-hand à partir du moment où il tire la gueule parce qu’il est sur le banc… là, tu précises clairement que ça te foutra en rote ! !

J’ai fait mes stats de fin de saison : concernant la bise au coach et les 23 joueurs réguliers cette année à l’entraînement, ça donne un petit panel de sociologie footeuse de bazar en trois catégories !

Catégorie A, ceux qui me l’ont faite depuis le début (15) et d’ailleurs jusqu’à la fin quels que soient les scores et les humeurs, ce dont je leur sais gré : ils confirment la tendance générale en étant largement majoritaires, et sont en moyenne plus jeunes que ceux de la minorité.

Catégorie B, ceux qui ont préféré toute la saison le classicisme de la poignée de mains (4) au coach : j’ai remarqué qu’ils ne bisaient pas tous leurs équipiers systématiquement, mais grosso modo 75 % de ceux-ci !

Catégorie C, ceux qui m’ont fait le contraire de ce que je redoutais (4) en passant du shake-hand à la bise en cours de saison : comme si le coach, parce que nouveau ou parce que coach, impliquait une période d’observation avant décision éventuelle de passage à bise !

Tout ça pour l’anecdote mais pas rien que pour elle, faut rien négliger de tout ce qui est relationnel dans un groupe ! Ceci dit, de quoi demain sera-t-il fait dans nos buvettes : dans 30 ans, continuerons-nous de nous faire la bise entre mecs, tandis que nos gonzesses se serreront la main et nous la serreront ? ! Va-t-en savoir avec ce monde qui bouge…

Une chose me paraît en tout cas hautement improbable : qu’un jour tous les joueurs fassent la bise à l’arbitre à la fin de chaque match ! Même si ce serait chouette…

par Bernard Jeunejean

 » Et si tous les joueurs faisaient la bise à L’ARBITRE à LA FIN DE CHAQUE MATCH ? »

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