La force du GROUPE

Ottmar Hitzfeld et sa palette de stars doivent gagner : ils sont le dos au mur.

Peu de clubs peuvent exhiber le palmarès du Bayern. Recordman du nombre de titres en Allemagne, il est présidé depuis juillet 1994 par Franz Beckenbauer (58 ans). Il a été champion à 18 reprises et est un habitué du bal des champions. Ces dix dernières années, il s’est qualifié à sept reprises pour la Ligue des Champions. Avec, la Juventus, Barcelone et l’Ajax, il émarge au groupe restreint de ceux qui ont gagné les trois coupes européennes. La dernière victoire de la fierté de la Bavière remonte à 2001, en LC. L’équipe d’ Ottmar Hitzfeld a battu Valence aux penalties. Son statut place la barre plus haut. Il y a donc de l’électricité dans l’air, alors même qu’Anderlecht se déplace à Munich pour un duel capital.

La semaine dernière, c’est le président lui-même qui a déclenché une nouvelle tempête. Le Kaiser, qui a successivement été joueur, entraîneur, sélectionneur et qui vient d’être réélu président du Bayern à une majorité écrasante (1.265 des 1.302 voix de l’assemblée générale), pour un quatrième mandat de trois ans, a secoué ses hommes par l’intermédiaire de son éditorial dans le Bild-Zeitung. Il y a particulièrement fustigé ses vedettes grassement payées.

 » C’est comme s’ils n’étaient plus capables de courir « , a fait remarquer Beckenbauer il y a dix jours, après un décevant match nul 2-2 contre le FC Cologne, lanterne rouge de la Bundesliga.  » Ils se connaissent depuis longtemps. Ils devraient être en mesure de jouer ensemble mais ils se contentent de trottiner en rond. Je ne décèle aucune énergie, aucune volonté, aucun mouvement, rien. Nous avons besoin de passion. Si la situation ne change pas rapidement, notre saison pourrait s’achever en décembre. Nous sommes face aux semaines de la vérité, avec des matches contre Anderlecht et le VfB Stuttgart. Il est grand temps que certains aillent brûler une chandelle à l’église ou fassent une neuvaine « .

Voilà qui est révélateur de l’ambiance qui règne pour l’instant au FC Hollywood, comme le surnomment volontiers ses adversaires.

Le Bayern ne peut se permettre une élimination prématurée, pas plus qu’un repêchage en Coupe UEFA, via une éventuelle troisième place. Il ne le peut ni financièrement ni sportivement. Il a publié il y a deux semaines le bilan comptable de la saison 2002-2003. Son budget est passé de 176 à 162,7 millions d’euros mais son bénéfice a chuté de 9,8 millions à 400.000 euros. Les raisons en sont simples : la crise du groupe Kirch, la diminution des droits TV et une élimination au premier tour de la Ligue des Champions, l’automne dernier. A titre de comparaison, après son triomphe en Ligue des Champions, il avait réalisé un bénéfice record de 28,5 millions en 2001.

Pour beaucoup d’autres clubs, ces résultats moins florissants entraîneraient des réactions de panique mais pas au Bayern. Ce club de tradition est un des rares en Europe à réaliser un bénéfice saison après saison. Il sait pouvoir compter sur le soutien indéfectible de multinationales comme Opel, Siemens, Sony, Coca Cola et Adidas. La marque aux trois bandes possède d’ailleurs depuis deux ans 10 % des parts du club. Elle a pour cela allongé 75 millions d’euros. Entre-temps, elle a également prolongé son contrat de sponsor technique, qui court depuis 37 ans déjà, jusqu’en 2010. On estime la valeur du contrat à 10,2 millions.

Des investissements ont été réalisés en prévision de la construction d’un autre stade, l’ Allianz Arena, qui pourra accueillir 66.000 spectateurs. Le Bayern et Munich 1860 y disputeront les matches à domicile au terme du Mondial 2006.

Une cascade de forfaits

Sur le terrain, les soucis ne manquent pas. Ottmar Hitzfeld dispose d’une sélection très large mais ces dernières semaines, elle est accablée par des forfaits en cascade. Parmi les absents, des valeurs sûres comme Sebastian Deisler (admis en clinique psychiatrique suite à des symptômes de dépression), Mehmet Scholl (touché au dos puis au tibia droit), Alexander Zickler (victime d’une fracture du tibia puis opéré de la tyroïde), Willy Sagnol (opéré au genou droit et touché aux adducteurs), Bixente Lizarazu (adducteurs), Markus Feulner (déchirure musculaire) et Jens Jeremies (tibia).

La tactique a été critiquée, on a remis en question la rotation pourtant habituelle au Bayern et la presse allemande s’est empressée de qualifier le Bayern de champion de la médiocrité. Le manager Uli Hoeness a remis de l’huile sur le feu lors d’une émission de la ZDF en se posant des questions quant à la forme de Michael Ballack, ardemment courtisé depuis quelque temps par Roman Abramovich, l’excentrique président russe de Chelsea. Le médian offensif, élu Joueur de l’Année en Allemagne deux saisons d’affilée, a rapidement contré les remarques qu’on lui adressait :  » Je suis en pleine forme et je veux faire de mon mieux pour le Bayern. Le reste n’est que spéculation. Pourquoi suis-je venu ici ? Pour gagner des trophées et évoluer à un très haut niveau. Rien de plus. Je ne comprends pas ce qui se passe. Assumer mes responsabilités ne me pose pas le moindre problème. On attend de moi que je fasse mieux tourner l’équipe. Je m’y emploie. Je ne serai pas satisfait de ma saison si nous ne rééditons pas le doublé tout en nous qualifiant pour le deuxième tour de la Ligue des Champions « .

C’est surtout la défense qui est friable, sans qu’on puisse adresser de reproches au gardien Oliver Kahn (34 ans). Le capitaine est un des rares joueurs à être régulier, même s’il a souffert d’une affection oculaire. L’international allemand a une inflammation de la rétine qui perturbe parfois son acuité visuelle. Il a disputé le match contre le Celtic avec un bandage pour éviter que la sueur ne coule dans ses yeux. Ce n’est pas tout. Depuis juillet, il a des problèmes aux oreilles, qui ont sans doute provoqué son inflammation oculaire.

En fait, la défense commet des gaffes incroyables. Bixente Lizarazu a eu le courage de procéder à son introspection, tout en appréhendant l’avenir immédiat avec beaucoup d’optimisme. L’international français s’est fait très ambitieux sur le site du club.

 » Nous n’atteignons actuellement que 70 à 80 % de notre potentiel « , a affirmé l’arrière gauche basque de 33 ans.  » Mais nous sommes en progrès. Nous devons faire preuve de patience, construire le jeu avec plus de calme, limiter les dégâts jusqu’à la trêve pour piquer ensuite un long sprint. Nous devons oser évoluer plus défensivement. De manière plus réaliste. C’est la recette qui nous a permis de gagner la Ligue des Champions. Nous ne sommes pas encore prêts à obtenir des résultats tout en jouant offensivement, comme le Real. Le Bayern a une culture totalement différente. Le football n’est pas seulement affaire de spectacle. Il faut aussi se battre, gagner des duels. En début de saison, nous ne jouions qu’avec un médian défensif pour aligner trois attaquants. En perte de balle, le poids du match reposait sur la défense. Nous avons rectifié notre tactique. Je suis content que Michael Ballack soit maintenant soutenu par deux médians défensifs « .

Pas besoin de chef

Lizarazu est un des aînés de cette formation multiculturelle mais il n’aime pas être considéré comme un de ses leaders.  » Je déteste ce genre de termes. Avant tout, j’essaie de bien accomplir ma tâche sur le terrain et de transmettre mon expérience aux jeunes. Je ne suis pas un homme de mots mais un travailleur. D’ailleurs, le Bayern n’a pas besoin de chef. Notre groupe recèle différentes personnalités qui doivent former un ensemble solide. Qu’apporte le fait de savoir que, par exemple, Kahn est le chef numéro un ? Rien. Zinedine Zidane est sans doute le meilleur footballeur du monde, actuellement, mais il n’exige jamais d’être le leader de l’équipe nationale. Sa modestie l’honore. Quand l’équipe ne tourne pas, il n’est pas à même d’y changer quelque chose à lui tout seul. C’est le groupe qui doit agir. Ballack ne doit donc pas s’imposer davantage verbalement sur le terrain comme certains l’ont suggéré « , a conclu Lizarazu.

Entre-temps, Ottmar Hitzfeld (54 ans) demeure serein dans la tourmente. L’ampleur que prennent les critiques ne perturbe pas le moins du monde l’entraîneur. L’ancien professeur d’éducation physique est un professionnel accompli. Il a déjà gagné la Ligue des Champions à deux reprises, la première fois avec le Borussia Dortmund en 1997. Pour évacuer le stress inhérent à son travail, il s’adonne au golf. Et il ne craint pas d’infliger des amendes colossales aux joueurs qui ne se soumettent pas à sa poigne de fer.

 » Lorsqu’on travaille dans un grand club, il faut être capable de gérer la pression « , a-t-il déclaré au Kicker la semaine dernière.  » Nous devons essayer de maîtriser nos nerfs, de muer notre stress en enthousiasme sur le terrain et de livrer ainsi de meilleures performances. Je ne me laisse pas entraîner dans toutes les supputations dont nous sommes l’objet. Je préfère m’attarder sur les points positifs que j’ai relevés ces dernières semaines « .

Il pense notamment aux progrès de Roy Makaay (28 ans), transféré cet été du Deportivo La Corogne pour 18,75 millions d’euros. Au Bayern, le Néerlandais a été confronté à l’héritage de Giovane Elber, qui a rejoint Lyon, après s’être produit de 1997 à fin août 2003 pour le Bayern et qui a marqué 92 buts en 169 matches. Uli Hoeness refuse d’admettre qu’il a pris un risque énorme en effectuant ce double transfert :  » Je le préfère mille fois à David Beckham, par exemple. Makaay a marqué 29 buts en Espagne, dans le championnat le plus dur du monde. Ça en dit long sur ses qualités. Je n’ai pas le moindre problème à assumer la responsabilité de ce transfert « .

Pour le moment, Hoeness ne doit pas se soucier de l’intégration de son achat le plus onéreux. Ailton (Werder Brême) est certes l’attaquant le plus efficace de la Bundesliga mais l’international batave ne lui est guère inférieur. Jusqu’au week-end dernier, le numéro dix du Bayern avait marqué sept buts en douze apparitions et ses automatismes avec Roque Santa Cruz et Claudio Pizarro s’amélioraient, comme le souligne Hitzfeld. Makaay n’est pas un attaquant qui participe au jeu et qui combine mais un killer, qui peut marquer des pieds et de la tête, et qui rôde dans le rectangle adverse. Makaay a l’art de jaillir derrière le dos d’un adversaire pour se démarquer. Il a également un sens incroyable de la profondeur et il retire un rendement optimal de sa vitesse. Makaay est redoutable. Une arme fatale. Anderlecht le sait.

Frédéric Vanheule

 » Nous devons oser évoluer DéFENSIVEMENT. Nous ne sommes PAS LE REAL  » (Lizarazu)

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