Hurlu Bafana

Arrivé en Belgique en 2002 dans le cadre d’une collaboration avec le FC Fortune, le petit ailier sud-africain a fondé une famille dans la cité des Hurlus.

En 2002, l’Excelsior Mouscron signait un accord de collaboration avec le FC Fortune, club sud-africain de D2 réputé pour la qualité de son travail de formation. Trois jeunes joueurs débarquaient au Canonnier, en provenance du Cap : l’attaquant GiovaneRector, le défenseur BevanFransman et le flanc gauche AsandaSishuba.  » Je ne savais pas trop à quoi m’attendre « , se souvient ce dernier.  » Pour moi, c’était surtout l’occasion de mettre les pieds en Europe et de tenter ma chance sur le Vieux Continent « .

Si ses deux condisciples n’ont pas fait de vieux os dans la cité des Hurlus, Sishuba y a trouvé son bonheur. Et pas uniquement sur le plan footballistique.  » C’était le vendredi 27 septembre 2002 « , se souvient CapucineDufloucq, à l’époque encore étudiante et supportrice de l’Excel.  » On avait congé à l’école, et avec quelques copines, nous étions allées voir l’entraînement. Les joueurs effectuaient des tours de terrain, et chaque fois qu’il passait devant moi, Asanda faisait un clin d’£il. Il y avait une jolie blonde à côté de moi et je me disais : – C’estsûrement àellequ’ils’adresse ! Je n’osais imaginer que je lui avais tapé dans l’£il, et pourtant…  »

Cela aurait pu être un flirt d’un jour.  » On s’est parlé après l’entraînement « , poursuit Capucine.  » J’ai donné mon numéro de téléphone, mais Asanda, qui venait de débarquer, n’avait pas encore de GSM. Je me suis dit que notre relation allait en rester là. Mais Asanda m’a rappelé « .

Ils n’allaient plus se quitter.  » Après un an, Asanda est parti à l’Antwerp. Il avait son appartement dans la Métropole et je le rejoignais le week-end. La maman d’Asanda est venue lui rendre visite en Belgique, mais il n’a pas osé lui avouer que j’étais enceinte de quatre mois. J’ai dû insister : – Ilfaudraitpeutêtreledire, danscinqmoisj’accouche…  »

Il y a trois ans, est né un petit AyendaJeanBernard. Une petite s£ur est attendue pour le mois de juin. Une belle histoire.

 » Dribbler, dribbler et encore dribbler « 

Asanda se souvient de ses débuts dans le football belge.  » L’entraîneur, à l’époque, était LorenzoStaelens. Il m’avait vu jouer en Afrique du Sud et croyait en moi. Il voulait faire de moi un grand joueur et était disposé à me laisser le temps nécessaire à mon adaptation. A mon arrivée en Belgique, il m’a dit que je ne devais pas changer mon jeu, mais le discipliner. Je ne savais faire que dribbler. Dès que j’entrais en possession du ballon, je dribblais. Avec, parfois, un bel assist au sortir de mon dribble, mais il ne fallait pas me demander de défendre « .

On se souviendra malgré tout d’un match mémorable face à Genk, lorsque Mouscron était mené 1-3 à cinq minutes de la fin et parvint à égaliser à 3-3 grâce à deux accélérations de Sishuba.  » Des moments d’extase « , reconnaît Asanda.  » Malheureusement, la saison de l’Excel fut globalement assez moyenne et Staelens fut destitué au profit de GeorgesLeekens. J’ai quitté Mouscron, mais après quelques semaines de vacances en Afrique du Sud, je suis revenu en Belgique. Entre autres, pour revoir Capucine. L’Antwerp m’a tendu la perche. Le GreatOld évoluait encore en D1, mais allait descendre au terme de la saison. Sportivement, ce ne fut pas une période très heureuse pour moi. Une blessure au genou m’a contraint à quatre mois d’inactivité. Moralement, j’étais dans le trou. J’avais aussi espéré quitter Mouscron d’une autre manière. Je pensais que l’Excel allait me servir de tremplin pour rebondir dans un club prestigieux, et subitement, j’ai découvert que le chemin d’un footballeur était parsemé d’embûches. Lorsque j’ai quitté l’Afrique du Sud, tout le monde m’avait dit : – Félicitations, tuvasfaireunegrandecarrière ! Staelens m’avait tenu le même discours : – Tuasénormémentdequalités ! m’avait-il confié. J’en avais accepté l’augure, je m’étais imaginé que la voie royale était toute tracée pour moi. Je me suis retrouvé en D2. Je jouais, mais dire que j’étais heureux sur la pelouse, était exagéré. Heureusement, il y avait Capucine « .

La meilleure période d’Asanda se situa à Saint-Trond, sous la houlette de HenkHouwaart.  » Un entraîneur tourné vers l’offensive, dont le style me convenait à merveille. Je me souviens d’un match, au début de son mandat. J’avais réceptionné le ballon et je m’étais mis à dribbler, comme j’en avais l’habitude. Mais j’ai perdu le ballon. Houwaart m’a dit : – Cen’estpasgrave, réessaye ! J’ai réessayé, mais j’ai encore perdu le ballon. – Réessaye encore ! m’a crié Houwaart. Nouvelle perte de balle. Arrive la mi-temps. Houwaart me prend à part dans le vestiaire. Je pensais qu’il allait me remplacer, car je ne réussissais aucun de mes dribbles. Il m’a dit : – Continue, celavafinirparpasser ! Je n’en ai pas cru mes oreilles. J’étais heureux à Saint-Trond. Les supporters canaris m’ont même élu Joueur de la Saison. J’avais trouvé de très bons automatismes avec LandryMulemo sur le flanc gauche. Je m’entendais aussi très bien avec PeterVanHoudt, à qui j’ai délivré de nombreux assists « .

 » Je dois encore faire mes preuves avec l’Excel « 

Mais l’histoire s’est mal terminée.  » A l’époque de Houwaart, on m’avait proposé un contrat de quatre ans, mais la signature a traîné. Je suis repassé à table en décembre 2007. La direction m’a fixé une date-butoir pour me décider : le 20 janvier. A mon retour de vacances, l’entraîneur avait changé. DennisvanWijk avait succédé à PeterVoets. A priori, c’était une bonne chose pour moi, car Van Wijk avait déjà voulu m’attirer à Willem II lorsqu’il entraînait le club de Tilburg. Mais les conditions financières que me proposait Saint-Trond ne me convenaient pas. Le 20 janvier, j’ai donc signifié aux Canaris que je ne resterais pas. Je me suis retrouvé dans le noyau B « .

Mouscron, qui s’était déjà intéressé au petit Sud-Africain en fin de saison dernière, a sauté sur l’occasion. La perspective de se rapprocher de sa belle-famille n’était pas pour déplaire à Asanda.  » Je voulais aussi démontrer aux supporters hurlus que je valais mieux que l’image que je leur avais laissée lorsque j’ai quitté le club, par la petite porte, en juin 2003. A Saint-Trond, j’ai fait mes preuves. A Mouscron, pas encore. Cela m’a aussi motivé pour revenir « .

 » Mon père, lui, était un peu… déçu « , rigole Capucine.  » Car il est désormais privé de… restaurant ! Lorsqu’on habitait dans le Limbourg, mes parents faisaient la route le vendredi soir et logeaient chez nous avant d’assister au match du samedi. Pour ne pas nous importuner, ils se payaient un petit resto. Aujourd’hui, mon père doit se contenter des petits plats préparés par ma mère, à la maison. Il le regrette un peu « .

Sportivement, Asanda a directement été titularisé par EnzoScifo, mais il ne s’est pas d’emblée révélé complémentaire avec GonzagueVandooren. La paire était un peu trop offensive.  » Gonzague aime attaquer, comme moi « , reconnaît Asanda.  » Je dois donc me forcer à jouer contre nature. Cela ne me dérange pas d’inverser de temps le temps les positions, afin de couvrir Gonzague lorsqu’il monte, mais le problème, c’est qu’il le fait souvent… jusqu’à la ligne de fond. Or, défendre, je le répète, ce n’est pas mon point fort « .

Une constatation qui n’a pas échappé à Scifo : MustaphaOussalah a effectué son retour sur le flanc gauche, au détriment de Sishuba, jusqu’à sa suspension de samedi passé contre Charleroi.  » Dans la situation où l’Excel se trouve au classement, je comprends qu’il faille d’abord assurer ses arrières « , rétorque Asanda.  » Je me sacrifie donc dans l’intérêt de l’équipe « .

 » Une taxe sur les poubelles, quelle horreur ! « 

Capucine n’avait jamais mis les pieds en Afrique avant de faire la connaissance d’Asanda.  » Je ne m’étais jamais déplacée plus loin que l’Espagne. Puis, en 2005, j’ai fait 13 heures d’avion pour présenter le petit Ayenda, alors âgé de dix mois, à ma belle-famille dans un bidonville du Cap. J’ai fait la connaissance des parents, des frères et s£urs, des oncles et cousins. Des gens très chaleureux, qui m’ont très bien accueilli. Pour tout dire, je n’ai pas vraiment ressenti le choc des cultures. Ou alors, c’était dans un sens positif. On a un peu visité la région : la Montagne de la Table, la Route des Vins, l’île aux pingouins. Magnifique ! Et dangereux ? Je n’ai pas eu cette impression, mais il faut dire que j’étais toujours aux côtés d’Asanda. On ne m’a jamais importuné. Je n’ai pas pris le risque de me balader seule « .

Asanda se considère comme un privilégié :  » J’ai eu de la chance, mais il faut dire que je l’ai forcée. Mes beaux-parents belges m’ont beaucoup aidé. A un moment donné, mon manager sud-africain a voulu me placer en Allemagne, mais j’ai refusé. Seule la Belgique m’intéressait « .

Il y a découvert une autre vie :  » Je n’étais pas malheureux en Afrique du Sud, mais c’était un autre contexte. Mes parents ont divorcé lorsque j’avais deux ans. Ma mère a élevé, seule, ses six enfants. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de débouchés pour les enfants d’un ghetto. Ma mère était institutrice et m’a donné une bonne éducation. J’ai terminé mes humanités, tant bien que mal, mais il n’y avait pas d’argent pour m’envoyer à l’université. Il faut dire que je n’étais pas très motivé « .

Capucine confirme :  » Un jour, alors qu’Asanda était retourné en Afrique du Sud en laissant ses affaires à Mouscron, je suis tombée par hasard sur l’un de ses bulletins scolaires. Ses cotes étaient horribles ! « 

Asanda sourit :  » C’est vrai, j’étais un très mauvais élève. Je me demande ce que j’aurais fait s’il n’y avait pas eu le football. J’ai des copains d’enfance qui sont morts. Un autre m’a téléphoné, récemment, depuis une prison : il avait pris 12 ans ! En Belgique, j’ai trouvé la stabilité « .

 » Ce qui l’a le plus perturbé, ce sont les taxes « , poursuit Capucine.  » En Afrique du Sud, lorsqu’on a acheté une voiture, elle est à vous. En Belgique, il faut encore payer la TVA, la taxe de mise en circulation, etc. Pour Asanda, c’était l’horreur complète. Le pire, ce fut lorsqu’il a découvert dans la boîte aux lettres un avis l’invitant à payer une taxe sur les poubelles. Si je n’avais pas été là, il aurait déchiré l’enveloppe ! « 

Le couple compte acheter une maison à Mouscron. En attendant, Asanda est hébergé chez ses beaux-parents. A l’issue de sa carrière, s’établira-t-il définitivement en Belgique ?  » Question délicate. Mon pays, c’est l’Afrique du Sud et cela le restera. On verra au moment voulu « .

par daniel devos – photos: reporters/ mossiat

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