Et le foot de papa?

Il balaye 21 années de professionnalisme et ne reconnaît plus le football de ses débuts.

On ne reverra plus son charisme, sa créativité et son pied gauche magique sur un terrain. Entre le 10 janvier 1982 (avec Liège contre le RWDM) et le 22 février 2002 (La Louvière-Gand), Ben a disputé près de 400 matches de D1 belge et française.

Au moment de tourner la page, il analyse ce qui a changé dans le football professionnel depuis ses débuts. Un fameux programme!

Les règlements et les finances

Benoît Thans: « J’ai connu l’époque où les footballeurs étaient soumis au bon vouloir de dictateurs et n’avaient rien à dire. Certains dirigeants ne voulaient plus vous voir et vous auraient expédié sur la lune pour être sûrs d’être débarrassés de vous. D’autres vous retenaient envers et contre tout alors qu’un club concurrent vous faisait la proposition de votre vie. J’ai parfois été victime de ces pratiques. Lucescu comptait sur moi au Standard. Mais, la veille de la clôture des transferts, il a annoncé qu’il ne viendrait pas. Les dirigeants m’ont dit qu’il serait remplacé par Haan, qui n’avait pas besoin de moi. Il me restait quelques heures pour trouver une destination et c’est comme ça que je me suis retrouvé à l’Antwerp. Cela n’arriverait plus aujourd’hui car on peut changer de club tout au long de l’année. Quand je suis revenu au Standard, un an plus tard, Haan m’a dit qu’il allait miser sur moi. J’ai toutefois compris ses vraies intentions quand il m’a laissé à la maison pour un match européen en début de saison. Il avait 16 joueurs valides, dont aucun gaucher. Mais il n’avait pas besoin de moi. Je suis parti me refaire une santé en Suisse.

Les règlements ont complètement changé. Aujourd’hui, certains gagnent très bien leur vie et d’autres sont très mal payés. Il n’y a plus de juste milieu. C’est moins bien équilibré qu’il y a 20 ans. Une conséquence de l’arrêt Bosman. Moi, j’ai joué avec Jean-Marc mais je n’ai pas profité de son arrêt… Je n’ai pas réalisé un coup financier sensationnel comme beaucoup d’autres joueurs. Après 21 années de professionnalisme, je ne pourrais pas me permettre de ne plus travailler.

J’ai aussi assisté à l’entrée en scène des managers. Aujourd’hui, ils sont pour ainsi dire aussi nombreux que les joueurs et vous font miroiter des sommes folles. Il y a 20 ans, tout était beaucoup moins structuré, plus vague. Pendant mes deux premières saisons dans le noyau A de Liège, je gagnais 12.000 francs par mois. Du brut! Mon salaire est ensuite passé à 30.000 francs. Le club savait qu’il me tenait de toute façon par la jambe. Je me souviens de mes négociations avec deux émissaires de Chelsea: dans mon salon, avec Fernand Goyvaerts qui me conseillait. Je demandais 40% d’augmentation par rapport au salaire que je touchais à Liège. Je n’avais pas l’impression d’être trop gourmand mais les Anglais me trouvaient beaucoup trop cher. En fait, ils parlaient d’un salaire à la semaine alors que j’avançais un salaire mensuel…

Aujourd’hui, tout le monde est bien renseigné. N’importe quel gamin de 18 ans sait ce qu’un pro gagne au PSG ou à Blackburn. Et tous les joueurs s’intéressent désormais à la problématique des droits d’image, une notion qui n’existait pas quand j’ai débuté ».

La médiatisation

Benoît Thans: « Quand j’ai débuté à Liège, la télé belge diffusait quelques images de nos matches. Ça s’arrêtait là. Maintenant, le jeune qui marque un beau but est repéré directement dans les grands pays du football. Parce qu’il y a Eurosport, la télévision par satellite, Internet, etc. Tous ces médias multiplient par 100 les qualités des footballeurs! On interpelle facilement les managers, les entraîneurs et les dirigeants. Si un jeune de La Louvière joue un bon match, ça se sait à Valence dans l’heure qui suit. Il y a une structure médiatique mondiale avec des ramifications partout. Le revers de la médaille, c’est que les joueurs sont devenus impatients. Ils n’acceptent plus de raisonner à moyen ou à long terme. Ils veulent que tout aille très vite. Ils montent, ils montent, puis… paf. Le football peut alors générer des déceptions terribles, dont il est difficile de se remettre. On parle beaucoup de quelques jeunes qui émergent chaque saison, mais il n’est jamais question des dizaines d’autres qui avaient tout misé sur le football et n’ont subitement plus d’horizon.

Je n’aurais peut-être pas fait mon trou en D1 s’il y avait eu la même médiatisation à l’époque. Vu que Liège n’avait pas des contacts partout en Europe et ne savait pas ce qui se passait dans les autres pays, il était obligé de faire confiance à des jeunes du cru. Henrotay et Wintacq m’avaient repéré chez les jeunes et avaient convaincu Takac de me mettre en équipe Première ».

Les infrastructures et la préparation médicale

Benoît Thans: « Là aussi, j’ai vu des changements spectaculaires. J’ai vu arriver les terrains synthétiques, les loges, les business seats, les panneaux rotatifs. Mais surtout des chaussures et des ballons deux fois moins lourds qu’il y a vingt ans.

J’ai constaté une forte évolution du football belge au niveau physique. Pour survivre, il faut être de plus en plus complet et se soigner de mieux en mieux. Les tests physiques sont parfaitement structurés et les blessés bénéficient d’un matériel de pointe pour leur rééducation. Quand j’ai débuté, on était plâtré six semaines après une opération du ménisque. Maintenant, on ne reste que deux heures à l’hôpital. Et Wilmots rejoue même après 15 jours! Le suivi médical a carrément explosé. C’est encore beaucoup plus spectaculaire dans les pays voisins. Ici, les clubs n’ont pas encore compris qu’il vaut mieux engager deux joueurs en moins mais travailler avec un staff médical plus complet.

Au niveau du suivi psychologique aussi, j’ai assisté à de gros progrès. On nous a appris à gérer le stress, la concurrence, l’importance des matches, la presse, les différentes mentalités qui doivent cohabiter dans un groupe. Je me souviens de séances de psychologie uniques à Liège à l’époque de Waseige. Machiels était le plus timide de la bande, il avait peur de son ombre et rentrait continuellement la tête dans les épaules. Le psy l’obligeait à monter sur la table et à hurler: -Je suis le plus fort! Incroyable!

La psychologie côtoie parfois le médical plus traditionnel. Je connais beaucoup de joueurs qui se confient à des rebouteux, des guérisseurs. Je l’ai fait aussi. Ils nous imposent les mains, nous demandent de prendre des potions magiques (je me vois encore avaler un thé au miel et aux orties) et de prier. Plusieurs noms circulent dans le monde du foot. Quand plus rien ne va, on a tendance à aller chez ces gens-là. Un jour, je suis allé trouver un homme qui passait aussi pour un voyant. J’étais blessé et je n’arrivais pas à remettre mon commerce. Il m’a dit que j’allais guérir et que je saurais remettre mon établissement, mais qu’à côté de cela, il allait m’arriver un grand malheur. Quelques jours plus tard, ma mère décédait dans un accident de voiture ».

Pierre Danvoye, ,

« J’ai joué avec Bosman mais je n’ai pas profité de son arrêt »

« Mon plus grand regret? Ne pas avoir eu un bon pied droit! »

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