En petit comité

Durant la Noël 1914, les armes se sont tues çà et là sur le front. Les soldats ennemis ont spontanément entamé une partie de football. Le Westhoek et les fédérations de football fêtent le centième anniversaire de l’événement, mais sans unité.

Les superlatifs manquent pour décrire les événements qui se sont produits au front, durant le premier Noël de la Première Guerre mondiale. Alors que les attaques s’étaient interrompues, ici et là, des soldats des deux camps se sont rapprochés, à la stupéfaction des gradés. Ils ont évacué les cadavres des soldats tombés dans le no man’s land séparant leurs tranchées et ont disputé un match de football. A certains endroits, les états-majors ont eu énormément de mal à remotiver leurs troupes ensuite.

Il est difficile de situer précisément les endroits de ces matches. Outre Armentières, en France, et Comines-Warneton en Wallonie, on cite aussi Messines, en Flandre. Avec ses mille habitants, elle est la ville la moins peuplée de Belgique. Il y a quelques années, elle a rénové un terrain de football situé à proximité de l’endroit où, en 1914, des soldats ennemis auraient joué ensemble. Elle voulait organiser des projets autour de la thématique de la paix de même que fêter le centenaire de cette fête 1914 sur le terrain. Elle a fondé l’ASBL Flanders Peace Field à cette fin. Le terrain a été baptisé du même nom.

Pas de budget dégagé

Flanders Peace Field a uni ses efforts à ceux de la Football + Foundation, le pilier social du football belge. Début 2012, François De Keersmaecker s’est rendu à Messines pour donner le premier coup de pioche au terrain. Le président de la Fédération belge l’a fait en présence de Wilfried Lemke, le conseiller spécial du Sport, de la Paix et du Développement aux Nations unies. Lemke a également intégré le comité de parrainage de Flanders Peace Field, au nom de l’ONU.

Dans le courant de cette même année, Flanders Peace Field a sorti des noms encore plus prestigieux. Pelé aurait accepté le parrainage du projet et l’ancienne star brésilienne se rendrait même en Belgique à l’occasion de la fête. Flanders Peace Field songeait également à Franz Beckenbauer ainsi qu’à des footballeurs ayant disputé la finale du Mondial 1966, qui avait opposé l’Angleterre et l’Allemagne de l’Ouest, deux nations ayant joué un rôle prépondérant dans cette fête de Noël.

Les bonnes nouvelles de Flanders Peace Field ont fini par se tarir. L’organisation a pris congé du responsable du projet, Henk Van Nieuwenhove, l’ASBL connaissant des problèmes financiers, selon l’explication officielle. De fait, aucune instance publique ou fédérale n’avait l’intention de dégager un budget sérieux pour la commémoration de la fête de Noël. On s’en est rendu compte lors des festivités de vendredi à Messines. Des modestes délégations de supporters de huit pays ont disputé un tournoi, sans plus. De Keersmaecker s’est montré, en compagnie de Steven Martens, le CEO de l’UB, mais on n’a pas vu Pelé ni Beckenbauer. Le public n’a pas non plus répondu présent au rendez-vous.

Platini à Comines-Warneton

 » D’emblée, nous avons voulu une commémoration modeste « , explique Lieven Der Kinderen, de la Football+ Foundation.  » Nous n’avons donc pas parlé de ces noms ronflants. Nous voulions travailler avec les acteurs qui avaient été importants il y a cent ans, soit des gens normaux, banals. Un événement arrosé au champagne et agrémenté de caviar aurait faussé le message car ce ne sont ni les généraux ni les colonels qui ont déposé les armes pour fêter Noël.  »

D’autres activités se sont déroulées dans les alentours de Messines ces dernières semaines, comme à Ploegsteert, une entité de Comines-Warneton. Elle est située à quelques kilomètres de Messines mais de l’autre côté de la frontière linguistique. Michel Platini y a inauguré un monument. Le président de l’UEFA était accompagné de Rudy Demotte, le ministre-président wallon, et de René Collin, le ministre wallon du Sport. La Premier League anglaise a organisé son tournoi international annuel de jeunes à Ypres, au KVK Westhoek, pensionnaire de Promotion. Le centième anniversaire de cette fête n’a manifestement pas incité les différentes parties à se serrer les coudes.

 » Si chacun avait mis un tiers d’eau dans son vin, nous aurions mis sur pied un programme global « , affirme Sandy Evrard, bourgmestre de Messines.  » Mais chaque partie a tenté de tirer la couverture à soi. C’est regrettable. La cérémonie de Ploegsteert était belle, on y a inauguré un monument mais là aussi, la commémoration a été moins belle que prévue. A en croire Platini, divers présidents allaient se rendre au Westhoek et tout le monde était à ses pieds. Cet homme a une perception idéalisée de lui-même.  »

Cavalier seul de l’UEFA

Matti Vandemaele, membre de Flanders Peace Field, nuance la concurrence régnant entre les différents acteurs locaux.  » Ils ont collaboré. Par exemple, nous avons pu utiliser du matériel du KVK Westhoek pour notre tournoi. Par contre, l’UEFA a bel et bien fait cavalier seul dans cette affaire mais l’événement historique reste bien plus important que les dissensions entre les acteurs de sa commémoration. Il serait vraiment dingue de créer maintenant des conflits autour du seul moment de paix de cette guerre.  »

PAR KRISTOF DE RYCK

 » Il serait sot de créer des conflits autour du seul moment de paix de la Grande guerre.  » Matti Vandemaele, membre de Flanders Peace Field

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