» EN HOLLANDE, ON CHERCHE TOUJOURS LA PETITE BÊTE « 

Les Pays-Bas, actifs vendredi passé face à la France et, hier, contre l’Angleterre, seront les grands absents de l’EURO 2016. Mais que se passe-t-il donc avec l’équipe orange ? Le sélectionneur, Danny Blind, se veut pragmatique.  » Pensez-vous que les Italiens ou les Espagnols se soucient du style de jeu de l’équipe nationale ?  »

C’est avec un immense sentiment de déception que le sélectionneur national néerlandais, DannyBlind, a fêté l’arrivée de 2016.  » L’objectif était de se qualifier pour le Championnat d’Europe en France et nous n’y sommes pas parvenus « , dit-il. Après le départ anticipé de GuusHiddink, Blind (54 ans) a repris le flambeau, mais le nouveau coach n’a pas réussi à conduire son équipe à l’EURO.

L’équipe nationale néerlandaise a- t-elle joué en surrégime à la Coupe du Monde au Brésil, ou a-t-elle complètement loupé le tournoi de qualification pour l’EURO 2016 ? En d’autres termes : quel est le niveau réel des  » Oranje  » ?

DANNYBLIND : Structurellement, nous ne pouvons pas rivaliser avec les tout meilleurs. A côté des belles prestations livrées lors des deux dernières Coupes du Monde, nous avons très mal joué à l’EURO 2012 et lors des qualifications pour l’EURO 2016. Lorsque tout tourne bien, nous sommes capables de jouer un rôle dans un grand tournoi. Mais ce n’est pas pour rien que nous nous sommes efforcés de masquer nos lacunes au Brésil. Cela avait déjà été le cas à la Coupe du Monde sud-africaine, lorsque Bert van Marwijk avait formé un bloc défensif dans l’entrejeu avec Mark van Bommel et Nigel de Jong. Ce sont des choix qu’il avait posés pour renforcer le collectif. Et ils reflètent l’évolution de ces dernières années. A l’échelle européenne, les clubs néerlandais sont de moins en moins compétitifs. Parce que les meilleurs joueurs partent à l’étranger de plus en plus jeunes. En outre, nos centres de formation n’ont pas réussi à produire une nouvelle génération du niveau des Wesley Sneijder, Arjen Robben, Robin van Persie et autres Rafaël van der Vaart. C’est une question de cycle, mais nous devons aussi faire notre autocritique. C’est bien qu’une discussion ait été entamée à propos de l’avenir de notre football. Nous sommes un petit pays, et pour réussir, nous devons faire preuve d’inventivité.

 » À QUOI SERT LA POSSESSION DU BALLON SI L’ON N’EN FAIT RIEN ?  »

Et avoir une identité propre. Est-il encore réaliste de jouer  » à la hollandaise  » ?

BLIND : C’est quoi, jouer  » à la hollandaise  » ? Certains médias s’accrochent à cette fameuse école hollandaise. Mais ce n’est pas blanc ou noir, il faut apporter des nuances. On peut être très offensif en 5-3-2 et très défensif en 4-3-3. Tout dépend des intentions. Le PSV joue un autre 4-3-3 que l’Ajax. Alors que, sur papier, les deux systèmes sont identiques. Comment se comporte l’équipe lorsque l’adversaire est en possession du ballon, à quel endroit du terrain exerce-t-on un pressing, surveille-t-on certains joueurs ou pas : tout cela peut différer. Le seul trophée que nous avons remporté l’a été sans ailiers spécifiques. C’était lors de l’EURO 88, lorsqu’Erwin Koeman a joué en soutien à gauche et Gerald Vanenburg à droite. A ce moment-là, personne n’a évoqué l’école hollandaise, que je me souvienne. Nous ne demandons pas mieux que de proposer un style de jeu reconnaissable et attractif. De devenir champion du monde en jouant comme lors de la Coupe du Monde 1974. Mais nous devons rester réalistes. Si l’on joue avec des ailiers et qu’on est battu, on en déduit que l’on a joué de façon naïve, en utilisant un système dépassé. Mais si l’on gagne en adaptant notre style de jeu, on nous reproche d’avoir bafoué les principes de l’école hollandaise. Ce n’est jamais bon. Nous cherchons toujours la petite bête. Je lis partout qu’au niveau européen, nos clubs n’en touchent plus une, et que nos internationaux ne jouent plus dans des clubs de pointe, mais malgré toutes ces constatations, on attend de nous que nous jouions dans un style reconnaissable et dominateur. Il faut être conséquent. En tant que coach, il ne faut pas prêter attention aux attentes qui se basent sur des réalités d’il y a 40 ans. Il faut tenir compte du statut de notre pays sur le plan footballistique, du niveau actuel de nos joueurs, de l’évolution du football.

L’approche réaliste de Phillip Cocu avec le PSV en Ligue des Champions doit-elle être citée en exemple ?

BLIND : Absolument. Le PSV laisse régulièrement l’initiative à l’adversaire afin de procéder par des reconversions rapides. Cela ne correspond pas à l’image que l’on se fait du football néerlandais, mais je trouve cela très malin. Pour exercer un pressing comme le fait le FC Barcelone et le Bayern Munich, il faut avoir suffisamment de qualités dans ses rangs. Avec une jeune équipe comme l’Ajax, c’est compliqué d’être compétitif en Europe en utilisant un système aussi vulnérable. Nous devons nous demander si nous, Hollandais, ne nous sommes pas obstinés à vouloir maintenir à tout prix un style de jeu basé sur la possession du ballon et la domination. A quoi sert-il d’avoir la possession du ballon si l’on n’en fait rien ? Nous devons nous dire que procéder par des reconversions rapides n’est pas nécessairement négatif. Pensez-vous que les Italiens ou les Espagnols se préoccupent du style de jeu de leur équipe nationale ? Non, ils se félicitent de leurs titres mondiaux. A raison.

 » LE 5-3-2 UTILISÉ AU BRÉSIL ÉTAIT L’IDÉE DE VAN GAAL  »

Dans quelle mesure avez-vous contribué au passage du 4-3-3 vers le 5-3-2, lors de la Coupe du Monde au Brésil ?

BLIND : L’idée est venue de Louis van Gaal. Quelques semaines après le match amical perdu contre la France, Louis m’a demandé si je voulais analyser des rencontres de l’Italie et la Juventus. Louis voulait savoir si ce style de jeu pourrait convenir à notre groupe de joueurs. Les matches de l’Italie contre l’Espagne lors de l’EURO 2012 ont été pris comme référence. En finale de ce Championnat d’Europe, l’Italie s’est départie de son système et a encaissé un sévère 0-4 face à l’Espagne. Nous avons aussi relevé des points intéressants dans les rencontres de la Juventus. La Vieille Dame utilisait cependant un triangle d’entrejeu avec la pointe vers l’arrière, avec Andrea Pirlo devant la défense. Alors que nous, nous avons toujours conservé un système avec un numéro 10, afin de pouvoir exercer une plus forte pression vers l’avant, grâce aussi au soutien de nos arrières latéraux à vocation offensive et d’un défenseur central qui s’avance. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’avec le matériel joueurs dont nous disposions, nous pouvions utiliser le système italien à notre façon. En gardant toujours, au fond de la tête, la possibilité de revenir vers le style de jeu qui nous est familier, avec des ailiers. C’est en fonction de ces deux systèmes que nous avons procédé à la sélection des joueurs pour la Coupe du Monde.

Après une Coupe du Monde réussie au Brésil, le début des qualifications pour l’EURO sous Guus Hiddink a été marqué par les hésitations entre les deux systèmes. Pourquoi n’a-t-on pas fait directement un choix ?

BLIND : Au départ, nous voulions revenir au système habituel. Mais, contre la République Tchèque, nous avons de nouveau opté pour une défense renforcée, afin de contrer leurs arrières latéraux offensifs et leurs ailiers qui rentraient dans le jeu. Après le match à Prague, nous sommes revenus à l’ancien système.

Avez-vous hésité à prendre la succession de Hiddink en cours de campagne ?

BLIND : Non. C’eût été plus pratique pour moi de prendre un peu de recul et de recommencer en 2016 avec une page blanche. Mais je n’ai jamais considéré cette possibilité comme une option. Tout ne s’emboîte pas toujours comme on le souhaiterait. Je ne crains pas la difficulté.

Avez-vous craint d’être rapidement démis de vos fonctions, après l’élimination des Pays-Bas pour le Championnat d’Europe ?

BLIND : Non, pas du tout. Je ne m’en suis jamais inquiété. En dix ans, j’ai changé, tant comme coach que comme être humain. J’ai appris à me distancier de choses sur lesquelles je n’ai aucune prise. Durant la suite de ma carrière, je ne veux faire que ce qui me tient à coeur. Et, lorsque mon job ne me plaira plus ou lorsque mon employeur trouvera que je n’ai pas les compétences requises, je ferai autre chose. Ou rien. Je suis plus indépendant qu’autrefois.

PAR SIMON ZWARTKRUIS – PHOTOS BELGAIMAGE

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