» Défenseur dans ma tête « 

L’international belge, un des piliers de l’équipe qui affrontera Anderlecht, dispute peut-être sa dernière saison à Amsterdam.

Quelques jours avant la reprise européenne, le centre d’entraînement de l’Ajax, surnommé de Toekomst, à 1 kilomètre à peine du stade, ressemble à une enclave belge. On y croise Wamberto revenu dans le club de son c£ur, mais aussi Gilles Van Binst, en visite de courtoisie.  » Vertonghen ? Il est temps qu’il parte de l’Ajax. D’ailleurs, je crois que c’est dans ses projets « , lâche Van Binst.  » Défenseur central ? Oui, mais pas back gauche. Même s’il fait mieux que Ciman à droite « , continue l’ancien Anderlechtois en référence au match amical Belgique-Finlande.

Quelques minutes plus tard, Vertonghen débarque. Egal à lui-même. Disponible et ne cherchant pas à éluder les questions plus délicates. En trois ans, Vertonghen s’est affirmé dans le club néerlandais. D’abord comme médian défensif, ensuite comme défenseur central. Mais surtout comme leader, rôle taillé pour lui. Il est le nouveau vice-capitaine de l’Ajax, derrière le gardien Maarten Stekelenburg.

Qu’est-ce qui a changé à l’Ajax depuis le dernier match contre Anderlecht, la saison passée ?

Jan Vertonghen : Par rapport à l’année passée, il y a eu deux grands changements : on a un autre entraîneur, Frank de Boer et un de nos plus importants joueurs, Luis Suarez est parti. Sans compter le départ d’Urby Emmanuelson à l’AC Milan.

Cela signifie que l’Ajax est plus faible ?

Non, pas plus faible car des jeunes joueurs ont pris de l’envergure mais Suarez était un joueur extraordinaire. Il savait tout faire. Pour le moment, on pêche à la concrétisation mais les jeunes, Lorenzo Ebecilio et Siem de Jong disposent d’assez de qualités pour le remplacer.

Quelle est la grande différence entre l’Ajax de Jol et celui de de Boer ?

Quand Jol était entraîneur, il construisait son système autour de Suarez. Tout tournait autour de lui. On sent, aujourd’hui, que de Boer a voulu que cette équipe dépende moins de Suarez. Avec ou sans lui, le système ne variait pas. C’est donc plus facile maintenant qu’il est parti. On joue en 4-3-3 et même s’il y a des suspendus ou des blessés, les joueurs changent mais pas le système. Il y a également beaucoup de mouvement dans le jeu. Nos adversaires éprouvent beaucoup de difficultés à défendre.

Frank de Boer trouvait que plusieurs joueurs dont toi avaient tendance à arrêter de jouer une fois le ballon perdu…

C’est vrai que depuis son arrivée, on travaille beaucoup la perte de balle lors des entraînements. On axe beaucoup le jeu sur les combinaisons. Toutes proportions gardées, on veut jouer de la même manière que Barcelone. En perte de balle, en six secondes, on doit se replacer ou presser pour récupérer le ballon. On travaille également beaucoup la construction du jeu à partir du gardien. Et c’est vrai qu’à l’époque de Jol, on ne se focalisait pas assez sur ces points-là.

Est-ce que son limogeage t’a surpris ?

Oui. J’étais à la maison et j’ai reçu un coup de téléphone du manager. Je n’en revenais pas. Vous savez, moi, je n’aime pas trop avoir un nouvel entraîneur en pleine saison. Mais dès le premier jour de de Boer, on a été rassuré. Tout le monde se sent bien et avec le recul, je pense qu’il s’agissait d’un bon choix. Certains avaient tendance à s’endormir et cela a remis de la concurrence et de l’envie dans le groupe. Avec Jol, les titulaires étaient sûrs de leur place. Avec de Boer, quand tu ne joues pas bien, il en met un autre à ta place. Cela interdit toute forme de relâchement.

Peut-on parler d’échec en ce qui concerne Jol ?

Il a connu une très bonne saison. On a failli décrocher le titre (NDLR : Après un deuxième tour de folie, l’Ajax a terminé à un point de Twente). Or, à l’Ajax, devenir champion devient une obsession. Cela fait sept ans qu’on n’a plus été sacré. La pression était donc trop forte.

Il n’a pas réussi à remotiver cette équipe après avoir échoué si près du titre ?

Non, on ne peut pas dire cela puisqu’on a réussi à se qualifier pour les poules de la Ligue des Champions. Mais les joueurs importants comme Suarez, Demy de Zeeuw ou Grégory van der Wiel étaient fatigués de leur Coupe du Monde. Le Camerounais Eyong Enoh et le Danois Christian Eriksen revenaient aussi d’Afrique du Sud. Tous ces éléments-là n’ont pas eu assez de récupération. Les deux semaines de repos pendant la trêve hivernale ont d’ailleurs fait énormément de bien au groupe tant sur le plan physique que mental.

Qu’a déjà apporté de Boer ?

On ne sent pas qu’il s’agit de sa première expérience comme entraîneur car il est très bien entouré par les expérimentés Danny Blind et Hennie Spijkerman. Il veut revenir à ce qui a fait le succès de l’Ajax. Il veut que toutes les formations évoluent en 4-3-3 en passant par les flancs. De plus, il a le soutien de tous les dirigeants du club. Cette donnée est très importante. C’est très difficile de réussir à entraîner l’Ajax quand tu viens de l’extérieur car tu dois composer avec les avis de Johan Cruijff et de tous les anciens joueurs.

Est-ce que tous ces avis et ce poids de l’histoire pèsent également sur les joueurs ?

Moins. C’est surtout pour l’entraîneur que c’est compliqué même si, à l’intérieur, le poids de la tradition est quand même palpable. On parle de l’Ajax comme d’un club froid mais je ne suis pas d’accord. L’Ajax, c’est un peu une famille. Lors du dernier match, on alignait 10 joueurs issus du centre de formation. Tout le monde se connait depuis longtemps et a appris, dès le plus jeune âge, que la technique primait sur tout. Par contre, je comprends que certains joueurs étrangers ne s’adaptent pas. Regardez Sonck, Van Damme et Soetaers ! Même Ibrahimovic a mis deux ans avant de comprendre la philosophie et son rôle d’attaquant esseulé.

As-tu une relation particulière avec de Boer ?

Oui, car c’est un ancien défenseur central. Il m’apporte des informations très importantes. Il me corrige dans mon placement, dans ma couverture, dans ma façon de regarder l’adversaire. Il me donne des tuyaux sur les attaquants. Blind a aussi joué à ma position. Je ne pouvais pas rêver de meilleurs entraîneurs pour moi.

On dit que l’Ajax sans Suarez est plus faible que ses concurrents, le PSV et Twente ?

Le PSV a également perdu Ibrahim Afellay et Jonathan Reis sur blessure. Twente peut, par contre, compter sur plus de stabilité. Les trois équipes sont très proches les unes des autres.

Comment le noyau vit-il le départ de deux titulaires alors que l’équipe revenait bien sur les leaders ?

C’est la réalité économique actuelle de l’Ajax. Je comprends Suarez et Emmanuelson d’accepter des offres de Liverpool et de l’AC Milan.

Comment juges-tu Anderlecht ?

Il survole le championnat belge. Offensivement, il fait très mal avec Lukaku, Legear et Boussoufa. Et derrière, il n’a pas pris un but pendant sept matches !

Plus fort que l’Ajax ?

Non, je ne pense pas. Même si les deux équipes sont très proches.

 » Quand un club se renseigne auprès de mon manager, ce n’est pas pour me faire jouer back ou médian « 

Dans Sport/Foot Magazine, on avait affirmé que tu étais le nouveau de Boer… avant que celui-ci ne devienne ton entraîneur…

C’est vrai qu’il y a des ressemblances entre son jeu et le mien. On veut toujours privilégier la construction. Même si je suis plus grand, il avait également un jeu de tête percutant.

En équipe nationale tu évolues comme médian défensif ou back gauche alors que depuis deux ans, tu joues arrière central en club.

Cela revient toujours dans le débat ( Il rit). Ma position préférée reste défenseur central mais tout le monde sait qu’en équipe nationale, il y a pléthore de bons joueurs à cette place. Regardez : Kompany, Van Buyten, Lombaerts, Vermaelen, Alderweireld ! Moi, ce qui m’importe, c’est de jouer. Et si je ne sais pas jouer en défense centrale, je suis prêt à évoluer n’importe où.

N’as-tu pas peur que les acheteurs potentiels ne sachent plus à quelle position tu évolues ?

Tous les clubs savent que je suis défenseur central. Et quand un club se renseigne auprès de mon manager, ce n’est pas pour me faire jouer au milieu ou au back.

Donc, tu n’es pas le remplaçant naturel de Simons non plus ?

Dans ma tête, je suis maintenant un défenseur. Pour jouer dans l’entrejeu, il te faut une condition physique irréprochable. Et pour l’acquérir, il faut enchaîner les matches à cette position. C’est la raison principale pour laquelle le sélectionneur ne me fait pas jouer médian défensif. Après 1 h en amical contre la Bulgarie, j’étais cuit. Or, l’entraîneur a besoin de quelqu’un capable de tenir 90 minutes. Et je ne suis pas en mesure de le faire si je reste défenseur central à l’Ajax.

N’as-tu pas l’impression que la concurrence t’a rattrapé alors qu’il y a deux ans, tu étais considéré comme incontournable ?

Peut-être. Je ne suis plus le premier choix mais quand tu joues à City, Arsenal ou Bayern Munich, tu es moins facilement mis sur le côté par l’entraîneur que quand tu joues à Anderlecht ou l’Ajax. A ce niveau-là, ce serait pour moi important d’évoluer dans un plus grand club.

Qu’est-ce qui te manque pour faire partie des meilleurs défenseurs du monde ?

Pas grand-chose niveau football. Je dois peut-être devenir un peu plus killer comme Kompany ou Vermaelen qui mangent les attaquants. J’ai besoin d’être concentré 90 minutes. C’est pour cette raison que je regarde beaucoup de matches espagnols et anglais et que je me focalise sur le travail des défenseurs.

Cela fait deux ans qu’on te cite dans l’Europe entière mais tu es toujours à l’Ajax…

… C’est ce que je souhaitais. Je ne voulais pas partir trop tôt. Cet été, ce sera la première fois que je vais vraiment envisager un départ. Je suis ambitieux mais je voulais être prêt avant de partir car j’ai aussi vu beaucoup de joueurs s’en aller à l’étranger trop rapidement.

Le départ de Vermaelen ne t’a pas incité à revoir ton jugement ?

Il a réussi tout de suite mais je ne me dis pas que j’ai raté quelque chose. Je n’ai que 23 ans et tout le temps de penser à un transfert. Maintenant, si Arsenal ou Milan viennent, je suis prêt.

 » C’est normal que Kompany et Van Buyten disposent d’un statut spécial « 

Après ton erreur contre la Turquie, tu as été écarté contre le Kazakhstan et on t’a vu pester contre cette décision. Pourquoi ?

J’étais malheureux. C’était la première fois en deux ans que je n’étais pas aligné en équipe nationale. Mais Georges Leekens a motivé sa décision et je l’ai acceptée. Je ne devais m’en prendre qu’à moi-même : c’est moi qui avais commis cette faute contre la Turquie.

Après la bévue de Van Buyten contre l’Allemagne et l’exclusion de Kompany en Turquie, Leekens a publiquement maintenu sa confiance en ces deux joueurs. Comment expliques-tu que tu n’aies pas bénéficié du pareil traitement ?

C’est normal que Van Buyten et Kompany disposent d’un statut spécial. Je n’ai que 23 ans et je joue à l’Ajax. Eux ont beaucoup plus d’expérience. Van Buyten a disputé la finale de la Ligue des Champions et Kompany est peut-être actuellement le meilleur défenseur du monde.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » Kompany est peut-être actuellement le meilleur défenseur du monde.  »  » Cet été, ce sera la première fois que je vais vraiment envisager un départ. A 23 ans, je suis prêt pour un grand club. « 

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