COUP DE RÉPARATION

Ne m’en voulez pas, je me suis un peu absenté de ma rubrique bimensuelle. Mais je reviens, comme je l’ai souvent fait dans ma carrière diront certains, et je les en remercie. De la récente actualité, hormis le dernier Bruges-Anderlecht, auquel je n’ai pas pu participer et mettre mon petit but annuel, je retiendrai surtout deux faits marquants pour tout bon Belge qui se respecte. Le procès Dutroux et le film Podium avec notre fabuleux BenoîtPoelvoorde. Invité à l’avant-première de la projection, qui rassemblait le Tout- Bruxelles et même plus, j’ai pu remarquer la présence du Prince Laurent, de Marc Wilmots, également titré Monseigneur dans certains milieux, et de bien d’autres personnalités, very important people, dont des néerlandophones qui, j’imagine, n’ont pas pu tout saisir de la subtilité des répliques – dont certaines historiques – de Ben-le-magnifique.

Etre footballeur permet d’éviter de faire la file – mais pas d’éviter les remarques à ce sujet d’ailleurs – et je ne m’en plaindrai pas. Merci aux organisateurs. J’aurais peut-être également aimé me dédoubler pour être à Arlon dans le public de ce procès, en spectateur neutre et attentif, mais bien alerte, prêt à me lever s’il le fallait, pour défendre nos enfants. Mais bon, à part une publicité négative, je n’en vois pas l’intérêt. Le foot, c’est une chose, mais l’amour et l’avenir de nos enfants en est une autre, et bien plus importante. J’aurais rêvé de Poelvoorde comme juge de ce procès, lui qui nous a montré dans tous ses films être un homme de c£ur, un homme vrai, un homme sensible. Et c’est de cela que nous avons besoin. Pas de renvois en cassation, d’audiences reportées ou de rebondissements calculés, non. Nous avons besoin qu’on nous dise la vérité, une fois pour toutes. Le rire est le propre de l’homme, et Dieu sait si Podium me l’a rappelé. Mais la vérité est la sagesse de l’homme, et nos enfants méritent ce qu’il y a de plus noble en nous, tous sans exception. J’aurais voulu que Poelvoorde enlève Dutroux et l’enferme dans sa cave, et l’humilie comme il le mérite : – Ecoute-moi bien, monsieur, j’ai une pelle et tu vas me donner des noms, bien calmement, tu vas tout m’expliquer, sinon tu vas te retrouver avec ta gamelle enfoncée dans le crâne, t’as compris ?

Bon, c’est une image bien sûr un peu osée je l’avoue, mais la cruauté de l’affaire n’exclut pas des rêves de revanches non ? Nous n’attendons pas qu’on nous dise ce que nous savons déjà. Nous attendons que justice soit faite. Maigre consolation en tout cas, pour des parents qui vivent dans un insupportable monde parallèle depuis autant d’années, une vie anéantie et errante, faite d’attentes, de révolte, de chagrin et d’injustice. Bah, le foot, vous savez, c’est un métier comme un autre, et marquer un but est une joie bien ridicule par rapport à cela. Certains voudraient punir le sinistre personnage, l’étrangler, l’affamer, lui couper la tête ou d’autres organes, mais il y a une justice, des règles, des lois à respecter. Jamais dans ce cas, la justice ne sera proportionnelle aux crimes commis, la perpétuité étant la sanction suprême. C’est comme en football, quand un tackle assassin condamne un joueur à boiter toute sa vie, jamais une suspension sportive ne pourra réparer la blessure. Mais plutôt que de réparer, tentons de prévenir, de protéger. C’est vrai que je rêve d’un monde sincère et pacifique, ou prendre le métro ou le bus ne soit pas synonyme de terreur, ou la violence, la concupiscence et le goût de l’argent ne seraient que des détails, paroles certes naïves que d’autres ont évangélisées bien avant moi. Il est temps que la haine et la trahison disparaissent et que nous puissions enfin goûter à la joie de vivre, associer la beauté de la vie à une action de ZinedineZidane : simple et tellement parfaite. Léo Ferré disait : les moments de bonheur ne sont que les repos du chagrin.

Bertrand Crasson

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