Comprendre le buteur

Le Croate est une énigme pour beaucoup de gens. Mais une énigme qui marque !

A deux reprises, son téléphone sonne pendant l’interview. Le premier interlocuteur est Niko Kovac, le capitaine de l’équipe nationale croate. Balaban (28 ans) :  » C’est le joueur le plus important de Salzbourg mais il est blessé et a manqué les deux derniers matches. J’avais essayé de le joindre ce matin pour prendre de ses nouvelles « .

Le second est un Ivan Leko soucieux. Balaban rit :  » Il veut savoir où je m’attarde car l’entraînement commence dans une demi-heure…  » Un quart d’heure plus tard, le buteur s’en va mais ne s’entraîne pas. Il est légèrement blessé ! Balaban n’est pas une bête d’entraînement mais bien une machine à buts : 25 cette saison.

Bruges a vécu une saison dramatique mais vous n’avez été aussi productif.

C’est faux. Cette saison est un scandale ! Nous sommes sixièmes et même pas qualifiés pour l’Intertoto. Mes buts ne représentent strictement rien cette année. Même si j’en avais marqué 30, je ne serais pas content. Par contre, je signerais des deux mains pour que Bruges joue le titre, même si je ne devais pas marquer. Je me suis fait de la pub cette saison mais si je ne puis montrer ce dont je suis capable en Coupe d’Europe la saison suivante, c’est sans intérêt.

Savoir que vos buts sont si décisifs pour le cours d’un match n’est pas pesant ?

C’est un problème. Si je ne marque pas, il y a de fortes chances que nous ne gagnons pas. Manaseh Ishiaku et JeanvionYulu-Matondo ont inscrit quelques buts mais ce n’est pas la tâche des seuls attaquants. Dans les grandes équipes, tous les joueurs sont en mesure de marquer. Les buts ne constituent pas le seul problème. Nous en avons dans toutes les lignes : le gardien, la défense, l’entrejeu et l’attaque. Nous n’avons certainement pas une équipe du top.

Quand l’avez-vous compris ? Pendant la préparation ?

Non, les deux ou trois premiers matches étaient bons. Nous avons disputé une série de bons matches cette saison contre Anderlecht et le Standard à domicile et celui à Genk. Cependant, c’est dans les matches moindres et surtout en déplacement qu’une équipe solide se distingue. Quand nous avons perdu ce type de matches durant les premiers mois, je l’ai su : nous n’étions pas assez forts.

La saison dramatique du Club serait donc la conséquence logique de son manque de talent ?

La qualité fait le résultat. Si nous avions obtenu des résultats, nous aurions toujours le même entraîneur et le même directeur sportif. Une équipe moins solide peut prester, à condition de former un groupe soudé, sur le terrain et en dehors. Nous n’avions pas un tel bloc. Nous n’avons pas de bol, nous avons moins de talent qu’il y a trois ans et notre esprit de groupe n’était pas suffisant pour compenser cette carence. Cela ne fera pas plaisir à tout le monde, mais c’est la vérité.

Mais vous pouvez rectifier le tir en finale de la Coupe.

C’est le match le plus important de la saison. Il peut nous permettre d’oublier tous nos malheurs. Ce n’est pas facile : si nous perdons, nous ne serons pas européens. Nous en discutons beaucoup entre nous. Nous n’avons plus rien à perdre.

Son avis sur le Standard

Quelle impression vous a faite le Standard en championnat, il y a quelques semaines ?

Il n’a pas été spectaculaire. Il a marqué un but sur hors-jeu et nous avons été en infériorité numérique, suite à l’exclusion de Joos Valgaeren. Nous n’avions plus rien à perdre ni à gagner en championnat. En Coupe, c’est différent. Ce match nous a aussi permis de jauger les points forts et les points faibles du Standard.

Avez-vous relevé des carences chez les arrières centraux Mohammed Sarr ou Dante ?

Pour être franc, je ne m’attarde jamais sur les qualités de mes adversaires directs. J’estime être le meilleur. Si je suis en forme et que l’équipe tourne bien, je réussirai toujours quelque chose. Même en Coupe d’Europe, je ne sais rien de la défense adverse. Trois minutes me suffisent pour voir si quelqu’un est rapide ou a un bon jeu de tête. J’essaie de dribbler et j’ai mes réponses.

Que redoutez-vous le plus à Bruxelles ? Milan Jovanovic ou la pelouse du stade Roi Baudouin ?

J’ai vu la pelouse à la télévision et les internationaux belges m’ont dit qu’elle était atroce. Peut-être est-il possible d’y remédier, même s’il ne reste plus beaucoup de temps. Milan est un des meilleurs avants de Belgique. Il est très vif mais doit mieux conclure les occasions qu’il se forge. Je le connais de nom depuis ses débuts en Serbie, à Vojvodina Novisad. Nous avons bavardé après le match à Bruges.

Allez-vous marquer en finale ?

Je ne peux même pas prédire si je jouerai bien, sans même parler de but. A moins que je ne bénéficie de cinq coups francs dans les parages du rectangle…

Vous bottez moins bien les penalties, ces derniers temps.

Après mes deux ratés contre le Brussels, je ne peux plus m’en charger. J’aimerais bien mais le coach me l’a interdit. Francesco Totti en a raté quelques-uns à l’AS Rome mais il continue à les botter et à les rater. L’exercice est plus difficile qu’il n’y paraît, surtout face à un bon gardien. Quand vous voyez Reina, à Liverpool… Il intercepte le ballon si facilement.

La finale de la Coupe est-elle votre dernier match sous le maillot brugeois ?

Je ne sais pas. Je ne m’occupe pas de ça. Je me concentre sur cette finale, pour bien jouer et marquer. Je dois être honnête : je n’ai pas non plus d’options concrètes et de toute façon, c’est le club qui décidera. Je suis sous contrat pour un an encore mais la direction doit reformer une équipe. C’est à elle de voir si Balaban doit en faire partie ou non. Nous n’avons pas encore eu d’entretien. Tout dépendra de ce que le nouvel entraîneur veut.

Une saison de plus à Bruges ne vous rebuterait pas ?

Je ne sais pas… Si nous avons une meilleure équipe, pourquoi pas ? Mais c’est difficile à juger. Cette année aussi, nous avons effectué des transferts. Je le répète, c’est Bruges qui décide. Que puis-je faire puisque je suis toujours sous contrat ? Les grands clubs discutent d’une prolongation un an et demi avant l’expiration du bail mais peut-être est-ce la façon de faire du Club. Il préfère peut-être que ses meilleurs joueurs s’en aillent gratuitement, qui sait ? Je ne peux rien vous dire, puisque je ne sais rien.

Etes-vous content de vos trois saisons et demie au Club Bruges ?

Oui. J’ai inscrit une soixantaine de buts en plus de cent matches. J’ai reçu ma chance et j’ai marqué. Je n’avais pas joué un seul match à Aston Villa mais le club m’avait dit que je n’étais pas assez bon. J’ai apporté quelque chose à Bruges et j’en suis heureux.

Quel est le meilleur défenseur que vous ayez affronté ?

Le Gantois Dario Smoje est très bon. C’est mon ami mais il est vraiment fort. Je l’avais recommandé à Bruges avant son arrivée en Belgique mais certains estimaient qu’il ne convenait pas à notre équipe. Entre-temps, d’autres sont arrivés mais certains auraient quand même bien fait de m’écouter.

Les préjugés sur Superbosko

Passons en revue quelques préjugés sur Balaban. Un : il est la force et la faiblesse du Club Bruges.

(Il éclate de rire). Je ne sais pas si c’est vrai mais les gens parlent trop, surtout après une défaite. Je n’écoute pas ce que les gens racontent à mon sujet, j’essaie simplement de faire mon métier. Je comprends qu’on parle davantage de moi que d’un jeune et je sais que je serai toujours controversé. D’ailleurs, il ne faut pas être aimé de tous. Ce n’est pas bon.

Deux : Balaban n’est jamais meilleur que quand il est très critiqué.

(Sec) Comme je le disais, je ne prête pas attention à ce qu’on dit de moi. Je ne peux donc pas savoir quand on me critique.

Trois : Balaban choisit les matches où il va briller.

Ceux qui prétendent ça n’y connaissent rien en football. Comme si on pouvait dire à l’avance : – Aujourd’hui, je vais briller ou : – Aujourd’hui, je me repose. J’entame chaque match avec la même mentalité, la même ambition. D’accord, j’ai livré pas mal de mauvais matches, comme le reste de l’équipe. Je ne suis pas Diego Maradona. Si j’avais été la révélation de chaque match cette saison, je ne serais certainement plus à Bruges la saison prochaine. Prenez Ronaldinho. Une fois, il est brillant, une fois il est invisible. C’est inhérent au football.

Assez de critiques, place aux compliments. Comment êtes-vous devenu un spécialiste des coups francs ?

Simplement en m’exerçant. Pas jour et nuit mais vingt minutes après chaque entraînement. J’essaie des tas de trucs différents. Où frapper le ballon, quel coin viser. Tout dépend du type de ballon.

Connaissez-vous la différence entre un ballon Adidas et un Nike ?

Evidemment. Vous connaissez bien la différence entre les différents ordinateurs portables, non ? A force de réaliser des tests, je constate comment tel ballon vole. Il n’y a pas de procédure standard pour un bon coup franc. Il faut adapter sa puissance et le point de contact à la situation. Ce sont des changements très subtils.

Et votre fameux sens du but ? L’avez-vous acquis ou est-il instinctif ?

Les deux. Un attaquant doit sentir où le ballon va tomber. You need to feel it in the air. Il ne faut pas bien jouer pour marquer. Un brin de chance suffit parfois. Je ne joue pas en fonction de mon seul instinct. Je consacre les premières minutes de jeu à chercher les points faibles de la défense. Où dois-je me placer pour forcer une action ? J’essaie de courir un peu entre la défense et l’entrejeu. Quel médian reçoit le ballon ? Est-ce Van Heerden, Blondel ou Leko ? Nous nous entraînons ensemble. Je sais donc quelle passe attendre de chacun. C’est un élément important. Il faut beaucoup réfléchir en football, vous savez. On ne peut pas monter sur le terrain comme ça et se contenter de courir. La course, c’est bon pour les chevaux.

par jan-pieter de vlieger – photos : belga

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