Le jeune homme censé faire tourner Anderlecht et l’équipe nationale est sous le feu de la critique. Ses parents et son manager le défendent.

Une simple maison ouvrière à Clabecq, dans une rue inconnue du GPS. Une artère oubliée, un quartier perdu, dans l’ombre des Forges, jadis la fierté de la région.

Acteurs principaux : Adolorata Brancia. Dora pour les amis. D’origine napolitaine, petite, sèche, décidée. La mère. Gianni Baseggio. Né à Halle, famille originaire de Vénétie, plus calme, plus introverti. Le père.

Le fils aîné, Antonio, joue au club local, en 4e Provinciale, où le père et la mère donnent un coup de main. La famille Baseggio lit les journaux tous les jours.

Et la presse néerlandophone?

Gianni: Pas nous mais j’ai de la famille à Zwartberg, près de Genk, qui nous signale ce qui se passe en Flandre.

Dora: Au moins, son entraîneur le défend. Je trouve ça bien. Bertrand Crasson aussi, comme tous les joueurs. Je voudrais bien dire un mot aux journalistes flamands qui nous infligent ça, car ça nous fait mal.

Gianni: Je suis plus serein. La critique existera toujours mais on l’oublie.

Dora, avec feu: Peut-être. Je me soucie sans doute trop de tout ça mais pourquoi est-ce que tout retombe toujours sur le dos de Walter?

Gianni: Il a pourtant effectué un bon début de championnat? La critique a commencé après La Gantoise. J’y étais. Tout le monde a mal joué mais on a retiré Walter du lot.

Dora: Nous allons toujours le voir à domicile. Avant, nous effectuions aussi les déplacements mais à Bruges, il y a eu des incidents et des sièges lancés m’ont frôlée.

Gianni : C’était affreux.

Dora: Walter a marqué, dans ce match, mais nous n’avons même pas vu son but: nous étions en train de plonger pour éviter les sièges.

Vous avez assisté au match contre la Bulgarie?

Gianni:: Les Bulgares méritaient la victoire. Ils ont joué en un temps, ce que les nôtres ne savent pas faire. Walter bien mais les autres? Je trouve qu’il faut accorder du crédit à ces jeunes. Il est clair que ça ne marche pas encore.

Dora: Je ne sais pas si vous avez bien vu cette rencontre. Il n’y a pas de groupe sur le terrain et les autres n’ont guère joué avec Walter. Tout était si prévisible.

Votre fils se sent-il bien en équipe nationale?

Gianni: éa n’a encore jamais marché alors qu’il sait quand même bien jouer. Il est capable de donner un ballon dans les pieds, des 30 ou 40 mètres, souvent en un temps. C’est son atout.

Dora: Il s’y sent moins bien qu’à Anderlecht, c’est un fait. Je ne sais pas pourquoi? Je sais qu’il est jeune mais ils doivent l’accepter dans le groupe. Ce n’est pas la faute de Walter car il n’a pas le gros cou. Au contraire, il est gentil. Trop bien élevé?

Peut-être trop?

Dora: Doit-il devenir un sauvage? Peut-être l’avons-nous trop bien éduqué. Et voilà qu’on nous le reproche! Notre gamin ne mérite pas ça.

Gianni: Je le trouve trop gentil sur le terrain, certainement à Anderlecht. Le numéro 10 doit commander et diriger les autres, je trouve. Or, il ne le fait pas.

Dora: Il doit faire comprendre aux autres qu’il est là mais ça dépend aussi de la mission qu’il reçoit. S’il ne peut pas monter, ça ne marche pas.

Gianni: Walter écoute l’entraîneur. Beaucoup de gens me demandent pourquoi il ne monte pas mais tout ce que je peux répondre, c’est que l’entraîneur ne veut pas. Or, Walter est obéissant. On ne peut pas lui reprocher qu’il y ait un espace derrière l’attaquant. Mais avez-vous remarqué que cet espace est moins grand à Anderlecht que chez les Diables?

Dora: Il est difficile de s’en mêler. Comme mon mari le dit, tout dépend des consignes de l’entraîneur. Broos estime autrement que nous les qualités de Walter. Je lui dis de temps en temps qu’il devrait être plus agressif. Il répond : -Pourquoi? Je suis comme je suis.

Est-il sensible à la critique?

Gianni: Non, ça ne le tracasse pas trop. J’ignore ce qu’il ressent au plus profond de lui-même car il n’en trahit pas grand-chose.

Dora: Walter est un garçon sensible mais il ne le montre jamais, même pas à nous.

Un transfert en Italie constituerait-il la solution?

Gianni: Selon le planning, il doit rester un an ici, encore. Ensuite, nous verrons. Tout dépend de sa saison à Anderlecht.

Dora: Walem a été très critiqué ici, mais en Italie, d’un coup, ça a été mieux.

Gianni: La progression de Walter est stoppée. Peut-être pourra-t-il relancer sa carrière à l’étranger.

Dora: A condition qu’il puisse jouer. Il ne faut pas qu’il fasse banquette, il est tellement nerveux!

Depuis son mariage, vous ne voyez plus beaucoup votre fils. Vos liens se distendent?

Gianni réfléchit : Il y a aujourd’hui huit jours que nous ne l’avons plus vu. Il téléphone de temps en temps.

Dora: Je le comprends. Le football l’accapare. Il y a les clubs de supporters, aussi. Ces garçons n’ont pas beaucoup de temps.

Gianni: Quand nous le voyons, c’est pour discuter de football. C’est son boulot. Je ne vais pas lui faire la leçon.

Dora: On nous reproche de le surprotéger. Ce n’est pas vrai. En football, nous sommes critiques. Même quand il joue bien, nous relevons ce qui n’est pas bon. Il se fâche et nous demande ce que nous y connaissons.

Gianni: Antonio est très critique.

Dora: Même ici, dans son propre village, il est critiqué. J’ai déjà dû me fâcher. Influencé par certains événements

La vérité est parfois dure. En trois ans, il a disputé 12 matches en équipe nationale. C’est trop peu pour un joueur qui fait figure de grand espoir depuis des années.

Gianni: C’est à cause de ses blessures. Chaque fois qu’il devait participer à un tournoi, il se blessait. Il a raté le Mondial des Espoirs, en Malaisie, à cause d’une opération aux adducteurs. Cette fois, il a été touché au genou. Anderlecht le sait. Cette opération aurait dû avoir lieu plus tôt. D’autres internationaux, également blessés, n’ont rien dit.

Dora: Walter est trop honnête. Il a dit la vérité au sélectionneur quand celui-ci l’a pris à part. Le football est un monde à l’envers: plus vous êtes honnête, moins bien on vous traite. Il semble qu’il faille constamment mentir. Un journaliste a même osé écrire qu’il avait quitté sa femme.

Pas qu’il était séparé mais qu’il y avait des problèmes.

Dora: Non, non, non!

Mais il y a un problème: elle n’aime pas leur nouvelle maison.

Dora: Elle est peut-être un peu isolée. Elle était habituée à voir beaucoup de gens. Elle travaillait, elle était entourée par sa famille et elle se retrouve seule.

Gianni: Ils habitent près d’autres villas mais loin de leur famille. Dans les champs.

Dora: Elle est toute la journée à la maison et les voisins travaillent mais ce n’est pas un problème: en un instant, elle est chez sa mère, qui habite ici au coin. Le monde change: après son mariage, une jeune fille se retrouve seule, elle doit s’y faire. Mais la quitter? Il l’aime trop. Elle aurait souhaité continuer à travailler pour voir des gens mais ça ne plaisait pas à Walter et je le comprends. On me pose souvent la question: pourquoi travailler quand ton fils joue à Anderlecht? J’y suis habituée. Il y a un an, j’ai eu le cancer, une tumeur située entre la gorge et le cerveau. J’ai été entre la vie et la mort. J’ai passé un an à la maison, en alternance six jours à l’hôpital et trois semaines ici. Je devenais folle! Je suis heureuse de retravailler. Peut-être ma maladie a-t-elle eu une influence sur Walter l’année dernière.

Walter habitait encore à la maison. Un principe italien…

Dora: Ici, personne ne quitte la maison sans être marié. Je ne suis pas partisane de la cohabitation ni de tout ça. Antonio est parti en homme marié, Walter aussi. Notre fille a 18 ans mais elle les imitera.

Et son poids?

Dora: Walter aime manger mais il a appris à contrôler son poids. Il n’a plus de problème de ce côté-là.

Peter T’Kint

« En football, il semble qu’il faille tout le temps mentir » (son père)

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