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« CE QUE WEILER FAIT À ANDERLECHT, UN BELGE PEUT LE FAIRE AUSSI ! « 

La Gantoise, qui a perdu plusieurs joueurs importants, entame une semaine cruciale avec un match d’Europa League et un déplacement au Club Bruges. Pour l’entraîneur, c’est le moment de recadrer les ambitions : passer l’hiver en Coupe d’Europe et terminer dans le top 3 en championnat. Sans oublier de faire quelques suggestions pour l’avenir : l’arbitrage-vidéo, un championnat à douze et la suppression de la Coupe de Belgique.

Les plans du nouveau centre d’entraînement de La Gantoise sont sur son bureau. Il les a dessinés en 3D avant de demander à un architecte de mettre tout cela sur papier. Il espère que l’inauguration pourra avoir lieu le 15 juin prochain car à Gand, tout va plus vite qu’à Bruges. Il sait que le temps sera compté mais Hein Vanhaezebrouck (52 ans) n’aime pas que les choses traînent. C’est ainsi qu’après avoir fêté le titre, il a permis à son équipe de passer l’hiver en Champions League. Cet été, il a perdu ses trois internationaux belges et c’est à d’autres joueurs qu’il doit confier la tâche de défier les deux plus grands clubs du pays. Tout cela en construisant à Oostakker, tout près du port, un nouveau centre d’entraînement avec un espace détente, une salle de fitness, une grande cuisine et même des chambres qui permettraient à l’équipe de se mettre au vert.

Où en est votre équipe ? Elle entame un nouveau chapitre ?

VANHAEZEBROUCK : Nouveau, c’est un grand mot car pas mal de gars sont toujours là, certains étaient même là au tout début. Il faut essayer d’intégrer les nouveaux. Le nouveau défi consiste à rester dans le groupe de tête sans les trois internationaux belges mais je m’y attendais, je ne suis jamais parti du principe qu’un seul d’entre eux resterait, même si la chance que Sven Kumsreste s’est présentée car il n’y avait pas beaucoup de mouvement.

Vous n’avez pas réussi à le convaincre ?

VANHAEZEBROUCK : Je pouvais difficilement le retenir. J’ai tellement bien travaillé avec lui et il m’a tellement apporté que je ne pouvais pas lui refuser cette chance. Il avait le sentiment que c’était sa dernière chance. Moi, je me disais qu’il pouvait rester encore un an et qu’il aurait peut-être l’occasion d’aller ailleurs.

Lequel des trois a été le plus facile à remplacer ?

VANHAEZEBROUCK : C’est très difficile à dire. En dehors de la personnalité et de la place du joueur qui s’en va, on est toujours dépendant des arrivées. Nous devions trouver un gardien pour remplacer Matz Sels et ce ne fut pas facile. Yannick Thoelen a progressé mais il n’est pas encore prêt à jouer une saison complète. C’était peut-être le plus grand risque car à ce poste, on ne peut pas se tromper. Pour Laurent Depoitre, nous avions une solution. Nous savions que nous pouvions compter sur Kalifa Coulibaly mais aussi que nous ne pouvions pas le laisser se débrouiller seul en pointe pendant un an. Le plus difficile à remplacer fut peut-être Sven. Nous avions deux jeunes mais ils n’étaient pas encore tout à fait prêts. C’est pourquoi nous avons transféré deux joueurs, d’autant que nous cherchions depuis longtemps une alternative pour le cas où nous devrions nous passer de Neto. Mais il n’était pas facile de trouver un joueur qui réunisse autant de qualités que Sven : un capitaine, un leader sur le terrain, un chef d’orchestre, un récupérateur, un joueur qui porte l’équipe et qui ne se cache pas dans les moments difficiles… Nous avons des jeunes qui possèdent certaines de ces qualités, un gars comme Anderson Esiti est très fort à la récupération. Reste à voir s’il pourra le faire lors de chaque match, deux fois par semaine comme Sven le faisait. Ibrahim Rabiu nous apporte de la créativité, il demande beaucoup de ballons. Mais il faudra que d’autres joueurs se révèlent car on ne peut pas attendre de Rob Schoofs, Hannes Van Der Bruggen, Rabiu ou Esiti qu’ils remplacent Kums à eux seuls. Ce n’est pas possible. A nous, dès lors, de faire les bons choix en fonction des rencontres. Les joueurs qui les entourent devront reprendre une partie des tâches de Sven : secouer l’équipe, prendre l’initiative. Je compte sur Nana Asare, Danijel Milicevic, Rami Gershon, Stefan Mitrovic. Des gars d’expérience. Car nous n’avons pas de véritable leader. Nous n’en avons jamais eu. Même Sven était plutôt du genre silencieux.

Vous en avez vraiment besoin ? Car si c’est le cas, vous auriez pu en chercher un lors des mercatos précédents ?

VANHAEZEBROUCK : Ce n’est pas si facile à trouver. On peut chercher un leader mais s’il n’a pas le niveau de l’équipe, ça ne sert à rien. Une des questions que j’ai posées aux joueurs, c’est : qui se sent capable de continuer à diriger même s’il est dans un moins bon jour ? Il m’a suffi de regarder leurs têtes. Renato Neto pourrait devenir un leader mais ce n’est pas encore le cas. Quand il joue moins bien, il se concentre avant tout sur son jeu. Asare en est capable parce qu’il est constant et que, même quand il joue moins bien, il continue à tenter des choses, à demander le ballon et à diriger.

C’est pour ça qu’il est capitaine ?

VANHAEZEBROUCK : Oui. Et c’est pour ça qu’il était vice-capitaine l’an dernier. C’est un choix réfléchi, on ne fait pas de cadeau. Ma deuxième question, c’était : Pensez-vous que si vous livrez un mauvais match et que vous faites une remarque, les autres l’accepteront ? Là aussi, j’en ai vu qui baissaient la tête. Alors oui, il y a des mercatos. Mais rien ne garantit qu’on y trouve quelqu’un qui puisse remplir ce rôle directement.

Peut-être avez-vous manqué d’ambition en matière de transferts ?

VANHAEZEBROUCK : L’an dernier, nous avons transféré Mbark Boussoufa, un grand nom. Difficile de faire mieux mais aujourd’hui, tout le monde pense que c’était une erreur. Moi pas. Je dis juste que nous n’étions pas prêts à l’accueillir mais il a montré qu’il avait des qualités. Il manquait juste de constance mais c’était logique car il n’avait plus joué depuis longtemps. C’est quelque chose qui ne se rattrape pas en quelques mois. Je crois que nous ne pouvons rien reprocher à Bous’. Il a affiché une bonne mentalité et il a été accepté comme leader. Mais quand on n’est pas titulaire, c’est difficile.

Hormis Schoofs, les joueurs transférés cet hiver ont disparu de la circulation.

VANHAEZEBROUCK : C’est un peu notre faute. Le staff a proposé certains joueurs qui ne sont pas venus et nous avons accepté un peu vite les joueurs proposés par le club, même si nous avions des doutes. Nous savons désormais que le staff doit se montrer plus intransigeant. Cet été, nous l’avons été mais le club a bien entendu ses limites. Contrairement à d’autres grands clubs, La Gantoise n’a jamais dépensé plus de deux millions d’euros pour un transfert entrant (Kums, ndlr). A ce prix, il est difficile de trouver un joueur qui a fait ses preuves. Ce n’est pas un obstacle, les joueurs ne doivent pas coûter cher, pour être bons mais il faut parfois oser franchir le pas sans se dire que le joueur plus onéreux ne peut absolument pas échouer. Anderlecht achète parfois des joueurs de cinq ou six millions et s’ils se plantent, ils se plantent. Nous n’avons pas encore acquis cet état d’esprit.

Peut-être est-ce dû au fait que le club a vécu des moments difficiles.

VANHAEZEBROUCK : Oui, bien sûr… Mais ça met de la pression. Cela veut dire qu’on n’est pas encore prêt à franchir un pas. Car un transfert peut toujours échouer.

Et comme vous êtes ambitieux, ça vous énerve ?

VANHAEZEBROUCK : M’énerver… J’ai toujours travaillé avec des moyens limités. Je bosse désormais dans un grand club mais nous travaillons toujours à notre façon, modestement. Le défi consiste à montrer que nous pouvons rivaliser avec les clubs qui dépensent beaucoup d’argent. C’est le boulot du coach.

ROTATION ET DÉCOMPRESSION

Plusieurs options pour remplacer Kums, plusieurs options en défense et en attaque… Votre noyau est large.

VANHAEZEBROUCK : Si nous livrons un bon match à Braga avec cette équipe et que nous faisons aussi bien à Anderlecht avec quatre joueurs différents, je peux dire : OK, je peux compter sur ces gars-là. Je sais que je peux switcher régulièrement.

Faire tourner davantage votre équipe, c’est la leçon de la saison dernière ?

VANHAEZEBROUCK : C’est la leçon de nombreuses années. Je lis que je suis devenu un coach qui fait tourner alors que, quand j’étais à Courtrai, personne ne faisait tourner autant que moi. Parce que j’avais un groupe de joueurs complémentaires et très proches les uns des autres. Je n’ai rien inventé et je ne tente pas de copier le Club Bruges.

Mais la saison dernière, vous n’avez pas fait tourner.

VANHAEZEBROUCK : Nous avons élevé notre niveau. Nous avons fait des transferts mais les titulaires ont élevé leur niveau, si bien que les autres n’ont pas pu les rattraper. Marko Poletanovic est parti à Zulte-Waregem, Nermin Zolotic est allé à Roulers. Je me suis retrouvé avec 14 ou 15 joueurs. J’espérais trouver une solution au problème en janvier mais ce ne fut pas le cas.

C’est à cause de cela que vous avez loupé vos play-offs ?

VANHAEZEBROUCK : C’est une des raisons, certainement. Pendant longtemps, nous avons gagné. Jusque fin janvier, tout allait bien, nous poursuivions sur la lancée du titre. Nous n’avons perdu pour la première fois que lors de la quinzième journée et nous avons livré un parcours fantastique en Champions League. Nous n’avons commencé à perdre plus régulièrement qu’en fin de phase classique et la tendance s’est poursuivie au cours des play-offs. Nous avons perdu Brecht Dejaegere, Nana a eu des problèmes de dos, Hannes n’était pas en condition… Je n’avais pas vraiment de possibilités.

Après le titre, vous aviez conservé votre équipe-type. Comment vous y êtes-vous pris pour éviter une décompression identique à celle que connaît actuellement le Club Brugeois ?

VANHAEZEBROUCK : C’est un point que j’ai évoqué dès la première journée. J’ai ramené tout le monde les pieds sur terre de façon assez brutale. Ils étaient tous mes amis, je leur étais reconnaissant de m’avoir offert le titre mais c’était du passé. Nous avons commencé très fort, j’ai parlé de renouvellement. Physiquement, nous avons travaillé encore plus dur que l’année précédente. J’en avais parlé avec le préparateur mental. Les coaches de basket qui ont réussi disent toujours que le plus dur est de reprendre après un titre. Le moindre laisser-aller peut être fatal. Je dois féliciter le groupe qui a suivi le mouvement. Je leur ai dit qu’il n’avait pas encore atteint le sommet et cela s’est avéré exact car, en Champions League, ils ont encore haussé leur niveau. La Ligue des Champions est un incentive, elle permet d’être encore plus exigeant envers les gens mais il faut veiller à ce que les matches qui précèdent et qui suivent soient bons aussi.

Vous avez également augmenté les primes de victoire.

VANHAEZEBROUCK : C’est ce qu’on m’a dit. Je dois vérifier mais si c’est exact, c’est bien vu. Maintenant, je ne pense pas que ce que nous avons fait en Champions League était exceptionnel. Mes joueurs ont juste atteint leur niveau, ils ont tous progressé mais ils ne se sont pas surpassés. Notre force, c’était le collectif, nous n’avions pas de grosse individualité. »

JOSÉ MOURINHO

Comment s’est passée la réunion avec les coaches de l’élite ? Vous étiez à la table de Mourinho, Wenger…

VANHAEZEBROUCK : C’était chouette. Nous avons surtout parlé des changements de règlement : la suppression des prolongations ou de la prépondérance des buts inscrits en déplacement, la comptabilisation du temps de jeu réel car le temps additionnel engendre toujours des problèmes : les Allemands accordent deux minutes, d’autres dix… L’arbitrage vidéo, aussi. Je ne veux pas m’ériger en défenseur du système mais je vois que cela se fait dans tous les autres sports. Les Hollandais ont commencé et c’est toute la différence entre les Pays-Bas et la Belgique. Nous avons eu de grands arbitres mais, actuellement, ce n’est pas le cas. Ce sont des choses qui arrivent. C’est peut-être le cas aux Pays-Bas également mais eux, ils passent à l’arbitrage vidéo et la technologie sur la ligne de but va aider leurs arbitres tandis que nous préférons attendre. C’est typique.

Il faut se concerter avec les arbitres, comme on l’a suggéré récemment ?

VANHAEZEBROUCK : Je l’ai déjà dit : je ne participerai pas à des réunions de ce genre. J’ai déjà beaucoup discuté et on m’a écouté mais une fois la porte refermée, c’était oublié. Je ne joue plus à ça. Le brassard rouge de l’entraîneur, c’est ridicule. Le pire, c’est que c’est ce qui tracasse le plus le quatrième arbitre alors qu’il devrait s’occuper de ce qui se passe sur le terrain. Les arbitres me disent qu’ils ont le droit à l’erreur, que c’est inhérent au football. Eh bien, il est aussi inhérent au football que les entraîneurs crient, j’ai fait ça toute ma vie. Le quatrième arbitre ferait mieux d’aider l’arbitre principal.

Selon les médias, Weiler est un entraîneur plus audacieux. C’est bon qu’un étranger fasse souffler un vent nouveau ?

VANHAEZEBROUCK : J’ai déjà réagi lorsque les Espagnols ont envahi notre football et l’ont réinventé. Je ne suis pas immédiatement le mouvement. Un coach prometteur mais sans palmarès débarque du jour au lendemain dans le plus grand club du pays. J’ai beaucoup de respect pour chacun mais de là à en faire tout un plat… Un Belge pourrait faire aussi bien. J’espère pour Anderlecht qu’il a fait le bon choix mais je ne vois pas pourquoi nos coaches devraient faire un complexe. Je pense qu’on apprécie trop peu notre travail en Belgique. Nous avons atteint une fois les huitièmes de finale de la Ligue des Champions et j’ai senti tout de suite que, dans d’autres pays, on voulait en savoir plus sur moi et sur notre football.

Vous étiez agréablement surpris d’apprendre que José Mourinho connaissait La Gantoise.

VANHAEZEBROUCK : Je n’étais pas surpris qu’il me connaisse, je ne passe pas inaperçu. Par contre, il a directement commencé à me parler de La Gantoise et du football belge. Bien sûr ces gens ne vivent pas sur une île, ils ne suivent peut-être pas tout en détail mais tout de même : si une équipe chypriote sort des poules en Ligue des Champions, nous le constatons aussi. En Belgique, il n’y a pas que Vanhaezebrouck, Preud’homme, Maes ou Dury, il y a d’autres bons entraîneurs mais ils travaillent dans de plus petits clubs, où c’est moins évident. Nous sommes les champions du limogeage. Au cours des cinq ou six dernières années, nous avons atteint une moyenne de 50 ou 60 % d’entraîneurs virés. Aucun pays ne fait aussi bien. Je dois admettre que la formation de nos entraîneurs n’est pas bonne. Je ne dis pas que les formateurs ne sont pas compétents, j’utilise encore des choses que j’ai apprises auprès de Herman De Landsheer en matière de présentations vidéo mais, dans l’absolu, c’est insuffisant. Il n’y a pas assez de stages à l’étranger, pas assez de conférenciers internationaux connus.

PAR FRÉDÉRIC VANHEULE EN PETER T’KINT – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Le défi consiste à montrer que nous pouvons rivaliser avec les clubs qui dépensent beaucoup d’argent. C’est le boulot du coach.  » HEIN VANHAEZEBROUCK

 » Contrairement à d’autres grands clubs, La Gantoise n’a jamais dépensé plus de deux millions d’euros pour un transfert entrant.  » HEIN VANHAEZEBROUCK

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