ATTAQUANT pur et dur

Bruno Govers

Hormis une interview dans la revue de son club au mois d’août dernier (il ne manquerait plus que ça…), Mbo Mpenza ne s’était guère épanché depuis son passage de l’Excelsior Mouscron au RSCA l’été dernier.

Mais au seuil du déplacement au Cercle Bruges, il est sorti une toute première fois de son mutisme, succinctement, en faveur de trois quotidiens (deux francophones et un néerlandophone), soigneusement triés sur le volet. La veille de Belgique-Bosnie, c’est à Sport/Foot Magazine qu’il s’est confié en ne lésinant nullement sur son temps.

Mbo Mpenza : Si je me suis muré dans le silence durant tous ces mois, c’est parce que je craignais tout simplement que mes paroles ne dépassent mon entendement. J’ai vécu un premier tour de championnat difficile, où j’ai conscience d’être passé à côté du sujet, au même titre que le club dans son ensemble d’ailleurs. Je ne voulais pas courir le risque de jeter de l’huile sur le feu en ventilant mes propres sentiments, forcément mitigés à ce moment-là, et c’est pourquoi je me suis abstenu de toute déclaration pendant cette période.

Est-ce à dire que vous êtes complètement rasséréné aujourd’hui ?

Non, dans la mesure où je n’ai toujours pas rang de titulaire à part entière au Sporting. Mais ma situation ne s’en est pas moins améliorée, en ce sens que je ne fais plus figure de bouche-trou comme ce fut souvent le cas lors des matches aller. Mon transfert à Anderlecht avait été assorti, en son temps, de la promesse d’£uvrer comme attaquant uniquement. L’ancien entraîneur, Hugo Broos, ainsi que d’autres personnes, s’étaient engagées en ce sens. Or, jusqu’à la trêve, aucun joueur n’avait davantage fait l’objet de permutations incessantes dans l’équipe que moi. Lors du stage hivernal à La Calla, j’avais fait remarquer au staff qu’à choisir je préférais encore être réserviste pour l’un des joueurs de pointe que titulaire à une place qui n’est pas la mienne. Ce message n’est manifestement pas tombé dans l’oreille d’un sourd car depuis le deuxième volet de la compétition, je n’ai plus été utilisé que sur le front de l’attaque. Même si je me suis plus signalé en tant que doublure que dans la peau d’un membre du onze de base. Au moins, je sais à quoi m’en tenir aujourd’hui. Il n’en était pas du tout ainsi à mes débuts, quand j’ai franchement été mis à toutes les sauces, à peu de choses près.

A combien de postes différents avez-vous été alignés ?

Cinq : de part et d’autre sur le front de l’attaque ; aux médians droit et gauche, sans compter que j’ai même officié comme authentique régisseur au côté de Goran Lovre à Ostende. Je ne cherche pas de circonstances atténuantes mais vous avouerez que pour un nouveau venu, il n’était pas évident de se montrer sous son meilleur jour dans de telles conditions. Pour moi, le degré de difficulté a été multiplié par cinq alors qu’il aurait dû se limiter théoriquement à sa plus simple expression. Ce qui n’était déjà pas mal, entendu que le décalage est quand même important déjà, en temps ordinaire, entre l’Excelsior et Anderlecht. Tout aurait sans doute été plus simple si le Sporting n’avait pas vécu une entame de saison aussi agitée, tant sur la scène nationale qu’au plan européen. De fait, j’ai peut-être abouti à Bruxelles à un mauvais moment, puisque l’équipe ne tournait visiblement pas à ce moment-là et que ses responsables techniques ont multiplié les essais afin de trouver la bonne carburation. Si j’avais pu faire partie dès le départ d’un ensemble bien huilé, ma situation personnelle aurait sans doute été tout à fait différente.

Se servir d’abord

On se trompe en affirmant que vous avez livré votre meilleure prestation sous la casaque anderlechtoise face au Club Bruges, au poste de demi gauche ?

Paradoxalement, c’est vrai que j’ai disputé à cette occasion mon match le plus abouti depuis mon arrivée au Parc Astrid. Et comme je vous sens parfaitement venir, j’admets également n’avoir jamais aussi bien joué chez les Diables Rouges qu’à la place de milieu droit contre le Brésil, lors du Mondial 2002 (il rit). Episodiquement, je veux bien dépanner à un poste qui n’est pas le mien, tant en formation de club qu’en sélection représentative. Mais il ne faut pas que cette pratique confine à l’habitude non plus. Au sein de l’équipe belge, je ne tiens pas trop à faire la fine bouche, puisque les rendez-vous y sont très épisodiques : une fois par mois en moyenne, grosso modo. En club, c’est différent. A cet échelon, il convient réellement de jouer dans son meilleur registre et, pour moi, il s’agit de l’attaque. C’est dans ce secteur que j’éprouve mes meilleures sensations. C’est là que je me suis fait un nom et un prénom en Belgique et en Europe.

Si j’ai un regret ici, à Anderlecht, c’est d’avoir accepté n’importe quel rôle au nom du collectif. J’aurais dû être d’emblée beaucoup plus strict et ne pas attendre le stage à La Calla avant d’exprimer mes desiderata. J’ai eu tort de songer aux autres au lieu de penser d’abord à moi. Or, je suis à peu près le seul à le faire. Ici, c’est chacun pour soi, et quand il y a quelque chose à partager, on se sert d’abord avant de servir les autres. C’est contraire à mes habitudes mais il a bien fallu que je m’y fasse aussi.

Depuis que Franky Vercauteren est aux commandes, il a le plus souvent opté pour un trio offensif articulé autour d’Aruna Dindane, Nenad Jestrovic et Christian Wilhelmsson. Le premier, selon ses dires, est le plus apte pour entreprendre une action et le second pour la conclure. Finalement, l’élément perturbateur, pour vous, n’est-ce pas le Suédois ?

Nos chiffres sont à peu près similaires, quoiqu’ils se déclinent autrement : huit assists et deux buts pour Chris ; six goals et trois passes décisives pour moi. A l’analyse, même si nos temps de jeu ne sont pas les mêmes, on pourrait dire que ma finition est meilleure mais que la qualité de ses services est plus pointue. Tout bien considéré, je pense que nous avons tous nos propres caractéristiques. Seul Jestro fait figure d’exception car c’est vraiment l’homme but par excellence. Avec mes qualités, je constitue en quelque sorte un passe-partout idéal puisque je suis à la fois en mesure de faire trembler les filets ou d’ajuster une dernière passe. Jusqu’à présent, mes aptitudes ne m’ont pas permis de me faire une place au soleil. J’en suis un peu déçu mais je respecte le choix de l’entraîneur à partir du moment où tout le monde est traité sur le même pied d’égalité. Parfois, il est arrivé que je me pose des questions. Soit parce que je n’avais pas été reconduit après une prestation correcte, soit parce que je trouvais qu’au vu des circonstances du match, mon apport aurait pu être judicieux. Mais je ne vais pas polémiquer car chacun a déjà été confronté à ce cas de figure. Jestro n’est pas monté au jeu à Gand, par exemple, alors que beaucoup étaient sûrement d’avis qu’il aurait pu apporter quelque chose à l’équipe dans ce contexte particulier. Personnellement, il m’appartient tout simplement de persévérer afin de faire partie le plus tôt possible des plans de bataille de départ de l’entraîneur.

Face à Genk et, une semaine plus tard, contre Lokeren, Aruna Dindane purgera deux journées de suspension suite à son exclusion au Lierse. C’est votre chance ?

Il y aura une place à prendre et j’espère bien la saisir à pleines mains à cette double occasion. Mais qu’adviendra-t-il ensuite lorsque l’Ivoirien sera à nouveau opérationnel ? Resterai-je dans le onze de base ou ferai-je les frais de son retour ? Certains diront : Aruna ne va probablement pas faire de vieux os au Parc Astrid, et c’est donc tout profit pour Mbo. Moi, je ne vois pas du tout les choses ainsi : je ne veux pas que mon cas soit lié à un éventuel départ d’Aruna ou d’un autre, puisque l’avenir de Chris et de Jestro a déjà été entouré également d’un point d’interrogation. Si indépendamment de leur statut, je ne suis pas assuré de jouer de manière plus régulière, il faudra que la direction et moi planchions sur mon avenir au Parc Astrid. Car comme tout pro qui se respecte, j’aspire évidemment à jouer le plus possible.

La honte en Ligue des Champions

Durant le mercato, les Anglais de Southampton se sont manifestés pour vous. Ne vouliez-vous pas partir ou ne pouviez-vous pas partir ?

L’un et l’autre : la direction a opposé une fin de non-recevoir et moi-même, en dépit de l’attrait de la Premier League, je ne tenais pas à m’en aller. S’il en avait été ainsi, j’aurais quitté le Sporting sur un constat d’échec et je n’en avais nulle envie. Je demeure convaincu que j’ai les dispositions suffisantes pour réussir à Anderlecht et je tiens à le prouver. Si je quitte un jour ce club, j’ai à c£ur que ce soit par la grande porte et non pas par une sortie dérobée.

Quel est votre meilleur souvenir cette saison ?

La qualification pour la phase finale de la Ligue des Champions au détriment de Benfica. J’ai eu la chance de me tremper durant un an dans le championnat portugais, au Sporting Lisbonne et je mesure vraisemblablement mieux qu’un autre ce que valent les Vert et Blanc. Aussi était-ce une très belle perf d’écarter cette équipe.

Le pire ?

Notre parcours dans cette épreuve. C’est la deuxième fois que j’y participais : avec le club lisboète j’avais joué contre le Real Madrid, le CSKA Moscou et le Bayer Leverkusen en 2000-2001. Nous avions terminé derniers de notre poule, avec deux maigres petits points, mais nous avions au moins réussi l’exploit de contraindre les Espagnols au partage à Alvalade : 2-2 Avec Anderlecht, ce n’est pas tant le fait de fermer la marche qui faisait mal. C’est surtout ce 0 sur 18 qui reste en travers de la gorge. On s’est vraiment tapé la honte. Cette frustration, je veux également la gommer. Je n’ai pas envie de rester sur ces chiffres-là en compétition européenne avec le Sporting.

La saison prochaine, vous pourrez peut-être prendre votre revanche, qui sait ? Vu le classement actuel, regardez-vous vers le haut ou vers le bas ?

Nous devons surtout nous regarder nous-mêmes. Il y a indéniablement progrès depuis que Franky Vercauteren a repris les rênes mais tout n’a pas été parfait pour autant, loin de là. Il ne faut pas croire que tout va bien parce qu’on a cinq points d’avance. Il convient surtout de se demander pourquoi on accuse six unités de retard sur le Club Bruges. Qu’on le veuille ou non, avec le potentiel qu’il y a ici, c’est nous qui devrions mener allégrement la danse en championnat. Mais notre premier tour n’a pas répondu à l’attente, c’est le moins que l’on puisse dire.

Vous avez retrouvé ici, au début, un entraîneur que vous aviez déjà connu à Mouscron : Hugo Broos. Dans quelle mesure était-il le même ?

Humainement, il n’avait pas changé, même si je le sentais plus tendu qu’à l’Excel. Sportivement, c’était différent. A Mouscron, il y avait une ligne claire dans sa méthode et dans ses choix. Ici, je ne l’ai jamais remarquée. Il n’y avait pas de réel fil conducteur dans son entreprise. Avec Franky Vercauteren, on mesure mieux où l’on va, même si, de match en match, il y a des modifications dans le choix de ceux qui animent le système de jeu.

Vous avez connu au plus haut niveau du football belge le Standard et, à présent, Anderlecht. Qu’est-ce qui les différencie ?

L’atmosphère. Ici, tout est toujours amplifié à l’extrême. Si j’ai fait montre de discrétion dans mes déclarations, tout au long du premier volet de la compétition, c’est parce que mes propos étaient très régulièrement déformés. Quand on me demandait :- Comment tu te sens et que je répondais bêtement -ça pourrait aller mieux, je lisais le lendemain dans le journal que  » Je n’étais pas bien à Anderlecht « . Il y a quand même une nuance, non ?

Exact. Au fond, comment se sent Mbo Mpenza à Anderlecht maintenant ?

Ça va. Mais ça pourrait aller mieux (il rit).

Bruno Govers

 » Je ne veux pas que mon cas soit lié AU DEPART D’ARUNA OU D’UN AUTRE « 

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