A poil devant la télé

Ex-arbitre international très apprécié des joueurs, il est aussi bourgmestre de Wemmel.

Bilingue, ex-arbitre international, ex-épicier et échevin des Sports depuis 87, il ose se montrer dans des moments parfois politiquement difficiles: « Un arbitre subit des critiques, un bourgmestre aussi. Il faut vivre avec… »

Le calme du château contraste avec le rugissement des stades qu’il affronta durant 30 ans, de 61 à 91, mais l’ex-homme en noir prend encore régulièrement sa dose d’ambiance comme délégué à l’accueil des arbitres d’Anderlecht.

Il y fut nommé en 1997 lorsqu’après l’affaire de corruption du match contre Nottingham Forest, le Sporting dut renoncer à Raymond De Deken, en poste depuis 21 ans. Madame Van Langenhove, ex-joueuse de foot, est, elle, déléguée de l’équipe féminine.

Né à Auderghem, il joua avec les gamins du club local, et fut supporter du White-Star des Straetmans, Bogaerts et des frères Dimanche. A 17 ans, il commença à arbitrer: « Cadets, Régionales et Provinciales, un dur apprentissage. Des vestiaires et des seaux d’eau froide pour se laver. En 68, j’accède à la Promotion et à la D1 en 74. Deux ans après, j’étais international, à 32 ans. Lorsque les clubs passèrent au semi-professionnalisme, l’Union Belge nous convoqua une fois par semaine au Heysel, où l’entraîneur fédéral Ariel Jacobs, nous faisait suer, Ponnet, Costantin, Vanden Wijngaert, Rion, Delsemme, Guy Goethals et moi. Très motivé, je courais aussi tout seul ».

Parce que la télé décortique (presque) tout, Marcel remarque que le referee se sent de plus en plus souvent mis à poil après l’une ou l’autre erreur: « Et aussi lorsqu’il compte ses pas pour fixer le mur à 9m15 et que sur l’écran se dessine la distance millimétrée. Les caméras sont nos ennemies depuis la fin des années 70. Pourtant, je continue à prétendre que les six yeux de l’arbitre et des juges de ligne valent six caméras. Mais on n’est plus à armes égales quand il y a 20 caméras, évidemment.

A la dernière Coupe du Monde pourtant, une flopée de caméras n’avaient pas répéré une faute du libero brésilien justement exclu. L’arbitre fut hué, mais, un peu plus tard, la caméra d’un spectateur prouva la justesse de la décision. Pour moi, le seul appareil qui pourrait apporter un plus serait installé sur la ligne de but et visualiserait si le ballon l’a franchie ou non. Plus la peine de discuter pendant cinq minutes. Les palabres nuisent à l’autorité de l’arbitre et déchaînent les hooligans ».

Victime de tapie

En 1990, il fut la victime beaucoup trop médiatisée de la télévision et de cette grande gueule de Bernard Tapie. A Benfica-Marseille, retour d’une demi-finale de C1, Vata réussissait le but décisif de la main. Décelée par la caméra la faute fit rugir le patron de l’OM qui accusa le Belge de corruption, évoquant même un compte suisse où l’argent aurait été versé.

« Il m’était impossible de voir la faute », dit Marcel. « Et j’ai pu faire établir officiellement que je n’ai aucun compte à Zürich. La presse belge m’a soutenu à fond. L’UEFA m’a convoqué à Berne où Fred Delcourt m’y a accompagné. Tout a été passé au crible. Je suis sorti de là tout à fait blanchi. Après, sur l’une des caméras visionnées à Berne, il apparut que, sur cette même phase, Di Meco avait commis un penalty en poussant Vata. J’attends toujours qu’elle soit retransmise par TF1. Tapie m’a fait un tort énorme, il avait même sorti de sa manche un Grec qui devait me charger… Il est devenu persona non grata, par la suite. Toutes ces accusations visaient certainement à m’éliminer de la Coupe du Monde 90, mais j’ai été retenu. A ce Mondial, je reconnais avoir commis une faute en annulant, pour hors jeu, un but valable du Tchécoslovaque Griga contre l’Italie ».

Une fois dans sa carrière, il dut quitter un stade par une porte dérobée, après un modeste Tongres-Lierse. « J’ai senti qu’il ne fallait pas provoquer les supporters en sortant par la grande porte. Je n’ai, par contre, eu aucun problème après un Standard-Anderlecht, 2-3, où j’avais sifflé trois penalties, dont un à la dernière minute pour Anderlecht. J’ai vu la faute d’un rouge, c’était Jelikic, j’ai sifflé d’instinct et Vercauteren a marqué. Ce n’est qu’après coup qu’on sent un choc intérieur. Le public était en ébullition, mais le délégué m’a emmené tranquillement au resto du stade et il ne s’est rien passé ».

Au referendum annuel du « Meilleur arbitre de l’année » de Sport/Foot Magazine, les joueurs pros de D1 le choisirent huit fois d’affilée: « Ils m’appréciaient parce que je restais toujours le même homme, avant, pendant et après le match. De manière générale, j’aime être parmi les gens. Et les joueurs sentaient, sans doute, que le foot me plaît: je savoure un dribble réussi ou une longue passe précise. Et puis, il y a une manière de les prendre. Un garçon trop nerveux? J’allais près de lui: -Il est temps de te calmer et je ne te donne pas de carton, d’accord? Entre René Vandereycken et moi, il y avait comme un accord tacite. Très bon tireur de coup franc, il ne supportait pas un mur trop proche: -Bon d’accord René, mais si ça se passe de l’autre côté, tu seras aussi à 9m15. J’ai toujours aimé diriger, être mon propre patron; pendant 35 ans comme épicier, 30 comme arbitre, 12 comme échevin et maintenant comme bourgmestre. Une autorité souple, c’est ma manière. J’évitais la carte jaune tôt dans le match, car si tu donnes toute ta monnaie en première mi-temps, tu risques de ne plus en avoir pour la seconde. Il faut doser ».

Savoir apprécier

Marcel savait aussi ne pas se fâcher et rire un bon coup avec les joueurs. Un jour, à l’Olympiastadium, alors que dos tourné au but il faisait reculer le mur, le portier brugeois Sörensen, arriva à quatre pattes, et mit sa tête entre les jambes du referee. Eclat de rire général et de Van Langenhove. Plébiscité par les joueurs, Marcel ne fut pourtant jamais numéro un au classement de la CCA:

« Question de circonstances: j’avais le monument Ponnet devant moi. Après ma carrière, j’ai fonctionné trois ans à la Commission des arbitres. Anderlecht m’a alors donné l’opportunité d’accueillir les referees. C’est l’occasion de revoir d’anciens collègues, ceux devenus examinateurs, par exemple, d’approcher les nouveaux, de mettre les étrangers un peu plus à l’aise. J’avoue que j’ai mal quand un arbitre est sifflé ».

Sa prise en mains n’est pas particulière: « Prenons le samedi soir, par exemple. Rendez-vous est fixé aux quatre arbitres deux heures avant le match dans l’un ou l’autre un hôtel des environs. On y prend une consommation, ils y laissent leur voiture et je les embarque dans la mienne. Je les accompagne jusqu’au vestiaire. A la mi-temps, je leur sers un thé ou un café; je ne dis pas un mot et les laisse entre eux. Après le match, je sers les rafraîchissements et cède la place à l’examinateur qui bavarde plus ou moins une demi-heure avec eux. Ensuite, j’emmène le quatuor dans une loge réservée pour une collation. Ils décompressent et s’ils tiennent à avoir mon avis, je me mêle à la conversation. Si l’un ou l’autre a quelque chose sur le coeur, il peut se confier à moi. L’arbitre en a parfois besoin et il sait que ça restera entre nous. »

En décembre 1991, à 47 ans, il siffla son ultime rencontre, Genk-Standard, et donna un dernier baiser au ballon: « Je l’ai toujours fait, ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien! ». Il arrêta aussi de fumer. Il aurait pu remiser le sifflet immédiatement après la Coupe du Monde 90: « Je ne voulais pas que Tapie puisse dire que je m’enfuyais ».

Dix ans après, il estime que l’arbitrage s’est trop uniformisé et que l’inspiration personnelle y a de moins en moins cours: « Arbitrer ce n’est pas avoir un règlement en main et courir comme un lapin ».

Henry Guldemont,

« Nos yeux valent toutes les caméras du monde »

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