À la poursuite du diamant rouche

Toute médaille a son revers. Le parcours des Rouches devrait susciter des convoitises. Le médian est en première ligne.

A bdelatif Fellaini, père de Marouane, nous confiait encore récemment son sentiment sur le futur de son fils :  » En deux saisons, mon fils Marouane a probablement fait le tour de la question. Mais c’est évidemment le Standard qui décidera s’il peut partir ou pas… Rester et découvrir la Ligue des Champions avec le Standard serait intéressant. Mais je vois ce que je vois : Marouane est déjà prêt pour un grand championnat étranger : Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne. Il s’imposerait, j’en suis certain. En fin de saison, s’il y a quelque chose, on avisera…  » Par ces mots, on devine qu’il sera délicat pour le club principautaire de garder dans ses filets le big man du Standard. Au-delà des désirs familiaux, d’autres facteurs pourraient inciter son départ lors du prochain mercato.

D’une part, l’imbroglio qui se dessine entre les instances internationales (FIFA et UEFA) et la direction liégeoise. L’éventualité d’un départ de Fellaini – et de cinq autres Rouches : Reginal Goreux, Axel Witsel, Landry Mulemo, Steven Defour, Oguchi Onyewu – aux prochains JO, disputés en plein tour préliminaire de la Ligue des Champions !, est loin d’être inconcevable. De l’autre, la reconnaissance européenne grandissante (voir plus loin). Si l’on a souvent galvaudé le terme  » dépendance  » ( Sergio Conceiçao, Defour) du côté de Sclessin, nombreux sont les observateurs ou même équipiers à soutenir le rôle importantissime du jeune milieu défensif dans le onze de Michel Preud’homme. Son rayonnement, sa force dans les duels ou ses coups de boule offensifs – 6 buts déjà cette saison – font de lui un élément incontournable du football belge. Le point sur celui qui devrait valoir son pesant de diamants.

Un prix autour de 10 millions d’euros

Récemment, on a avancé qu’en cas de transfert, le Standard pourrait demander entre 8 et 10 millions d’euros. D’après un article dans Sud Presse, il s’agirait d’ailleurs du joueur le plus cher du noyau devant Milan Jovanovic et Defour.  » Le prix dépend de l’intérêt des clubs et de la volonté du Standard de le laisser partir « , explique le manager du joueur, Roger Henrotay.  » Mais les prix ne cessent de monter et de descendre en fonction d’une bonne prestation ou d’un événement « .

Pour en savoir un peu plus, nous avons contacté Youri Selak, manager entre autres de François Sterchele :  » Si c’est Chelsea qui est intéressé, le prix sera plus élevé que si c’est Manchester City ou Everton « . Mais peut-on décemment demander 10 millions d’euros pour Fellaini, qui sera fin de contrat en juin 2012 ?  » Oui, pourquoi pas ? Jan Koller est bien parti d’Anderlecht pour 500 millions de francs belges (12,4 millions d’euros en 2001, il y a sept ans…). Evidemment, le Tchèque est un attaquant et à l’époque, Anderlecht disputait chaque saison la Ligue des Champions et restait sur une campagne durant laquelle, le club avait rivalisé avec les plus grands d’Europe « .

 » Lyon ne mettra pas plus que 5 millions d’euros « , affirme un autre manager.  » La barre des 10 millions ne pourrait être atteinte que par un club espagnol ou anglais « .

Un prix qui peut évoluer

Plusieurs paramètres peuvent venir renforcer la valeur du médian belge.  » Il y aura prochainement beaucoup de beau monde dans les tribunes lors de Standard-Anderlecht. Si Marouane réalise une grosse prestation, sa cote ne peut que grimper « , affirme Henrotay.  » Et puis, son CV peut également se remplir. Gagner un titre de champion à 20 ans est toujours intéressant « .

Il n’y a pas qu’à très court terme que sa valeur peut augmenter. A moyen terme, Fellaini sera confronté au tour préliminaire de la Ligue des Champions ou aux Jeux Olympiques.  » L’équipe nationale n’est plus en mesure de valoriser les jeunes joueurs belges « , argumente Selak.  » Cela passe donc par des résultats avec les jeunes ou son club. Dans cette optique, la Ligue des Champions peut lui apporter beaucoup. Mais l’aventure peut s’arrêter très vite. Les clubs belges rentrent parfois à la maison après un tour préliminaire. Par contre, même si tous les grands clubs seront présents aux Jeux Olympiques, je ne crois pas que cette compétition soit en mesure de faire monter les prix. On ne sait pas si le niveau du tournoi sera assez élevé pour ça « .

C’est pourtant avec la formation de Jean-François de Sart que Fellaini est rentré dans la danse.  » C’est au championnat d’Europe Espoirs 2007 qu’il s’est fait connaître. Tous les clubs étaient là. Il n’en manquait pas un « , continue Henrotay.

 » Ce genre d’événements est très important pour les clubs. Le niveau est élevé et les joueurs sont encore jeunes et donc abordables sur le plan financier « , corrobore Selak.

Trop cher pour la majorité de la L1

Beaucoup de formations pensent déjà qu’il est hors de portée de leur bourse. C’est le cas de Le Mans, qui le visionne depuis ses débuts en équipe fanion, il y a un an et demi. A l’époque, les Manceaux étaient prêts à débourser 2,5 millions.  » J’allais voir Karel Geraerts et après une demi-heure, j’étais convaincu par Fellaini « , raconte Alain Pasqualou, scout à Le Mans,  » J’en ai fait mon coup de c£ur. J’y croyais vraiment. Et je pensais qu’il pouvait avoir la même trajectoire que Didier Drogba ou Daniel Cousin, deux anciens du Mans, aujourd’hui à Chelsea et aux Rangers. Notre politique consiste à détecter des talents avant qu’ils ne soient connus, d’où les venues de Gervinho ou Romaric. Maintenant, ce n’est plus le cas avec Fellaini. Comment voulez-vous que l’on rivalise avec le Bayern Munich ? ».

 » Le Mans, Sochaux ou Metz ne sonneront jamais comme le PSG ou Marseille. Et encore, je crois que même un club comme le PSG, qui n’a rien prouvé ces dernières années, n’entre plus en ligne de compte. Je ne vois pas Fellaini quitter le Standard pour une équipe qui n’est pas européenne. En France, seuls Lyon et Marseille pourraient arriver à séduire le joueur « , analyse Selak.

 » On a entendu des prix de fous lorsque nous étions intéressés « , constate Paul Marchioni, membre de la cellule de recrutement de l’AS Monaco,  » Et je vous parle d’il y a six mois, un an. On évoquait déjà cinq à six millions alors qu’il n’avait rien prouvé. Il ne faut pas exagérer. Il s’agit quand même d’un élément qui, sans dénigrer la compétition belge, évolue dans un championnat moindre. Sur le plan international, cela fait maintenant un moment qu’on n’a plus vu la Belgique. Ces sommes nous ont donc découragés « .

Clubs intéressés : Bayern, AZ, Chelsea, Arsenal, OM, Séville, Porto

Aujourd’hui, ce sont donc les grosses écuries qui entrent en jeu. Le Bayern Munich a visionné le joueur à trois reprises. De plus, Roger Henrotay a ses entrées au sein du club bavarois tandis que Daniel Van Buyten fait un lobbying intense. Mais, les Anglais ne sont pas en reste. Chelsea et Arsenal sont sur la balle.  » Mais notre équipe tourne tellement bien que c’est difficile de trouver quelqu’un du championnat belge directement compétitif. De plus, l’âge idéal se situe davantage aux alentours de 17, 18 ans « , dit Gilles Grimandi, ancien joueur d’Arsenal devenu scout pour le club londonien.

Forts de leurs succès avec Moussa Dembélé et Sébastien Pocognoli, les émissaires de l’AZ Alkmaar scrutent régulièrement le marché belge et s’invitent encore plus du côté de Sclessin. Un de leurs scouts n’a pas voulu nous répondre mais n’a pas nié l’intérêt du club envers Fellaini. Reste Porto et Marseille, deux équipes chères à… Luciano D’Onofrio. Le journal très marseillais, la Provence a  » travaillé sur lui « , confie le journaliste Thierry Muratelle :  » Je sais qu’ Eric Gerets est allé le visionner lors de Belgique-Maroc. Mais je ne crois pas qu’il y ait un intérêt affirmé « .

Par contre, Jean-Philippe Durand, ex-champion d’Europe et actuel responsable de la cellule recrutement du club olympien cache difficilement son intérêt, lui qui l’a visionné à diverses reprises :  » Dans ma position, il m’est difficile d’affirmer ô combien il nous intéresse, vu qu’on est dans le circuit… ( il rit) « .

Enfin, les Espagnols de Séville sont également sur la balle. Leur avantage : une puissance financière et de bons contacts avec le Standard suite au transfert d’ Ivica Dragutinovic.

Les raisons de la poursuite

 » Il est très jeune et s’est imposé dans une équipe qui occupe la tête du championnat. Il dispose de qualités modernes (physiques et techniques). Il est international A et dispose encore d’une marge de progression « , résume Selak.

 » Il a une grande envergure, un grand volume de jeu. Et il est dans tous les bons coups. Quand il faut aller faire la décision devant, il y va et quand il faut revenir, il le fait également « , ajoute Pasqualou.

 » Quand, à 18 ans, on joue en équipe nationale, cela force naturellement le respect « , corrobore Marchioni.  » Il a de l’engagement et sait répéter les efforts. Et de l’extérieur, il a l’air sain. Je l’ai visionné en hiver face au Portugal. L’équipe avait sombré mais lui avait tiré son épingle du jeu. Quand on commence à répondre présent dans un match international, c’est toujours bon signe « .

 » C’est un joueur atypique et c’est ce qui nous intéresse « , avance Jean-Philippe Durand.  » Je connais peu de joueurs qui dans sa position dispose d’une telle taille. On trouve beaucoup de grands défenseurs, de grands attaquants mais chez les milieux récupérateurs, ils sont rares. Aussi, pour son âge, on note une belle maturité dans son jeu et de la régularité « .

Les points négatifs

 » Nous, on cherchait quelqu’un capable de sortir le ballon et de jouer vite. Et ça, on ne sait pas encore s’il est capable de le faire « , consent Marchioni.  » Ce qui me dérangeait chez lui, c’est quand il jouait haut, il se trouvait fort haut, et quand il jouait bas, il évoluait très bas, presque sur la même ligne que les défenseurs. Je ne l’ai pas souvent vu dans cette zone médiane. J’aurais voulu le voir prendre le ballon, dribbler et faire davantage la différence « .

 » Ce n’est pas un joueur brillant, dans le sens Drogba ou Franck Ribéry « , exprime Durand.  » Au premier rapport, vous n’êtes pas submergé par ses qualités. Ce n’est que par après que vous remarquez son extrême importance dans le jeu du Standard « .

Mais qu’en pense le Standard ?

 » Evoquer les futurs transferts à ce moment-ci de la saison est inconcevable « , assène Pierre François, directeur général du Standard.  » Que ce soit du côté de la direction ou des joueurs, personne n’y pense ( sic). Toutefois, je suis heureux que vous vous rendiez compte de la valeur du joueur. Evidement, je ne vais pas cacher qu’il est fort courtisé ; chaque semaine, on reçoit des offres pour Marouane. Et sans vouloir faire injure aux autres clubs belges, s’il venait à partir ce serait pour le top européen « .

Pourtant, avec les JO, le Standard se retrouve avec une épine dans le pied.  » Je ne vois pas comment l’on pourrait pénaliser un club, qui encourage la formation des jeunes, d’atteindre son but « , argumente François. Car, en cas de départ de Fellaini pour Pékin, le Standard sait qu’il sera privé de son élément le plus précieux pour le rendez-vous le plus délicat de la saison. La question se pose donc : faut-il le vendre (et le remplacer) dès le prochain mercato ?

Un départ au prochain mercato hivernal au sortir des poules de la Ligue des Champions est la thèse rêvée pour les deux parties. A moins que la direction soit contrainte à le lâcher en cas de non-qualification. Comme Anderlecht avait dû le faire avec Mémé Tchité ?

par thomas bricmont et stéphane vande velde

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