6e Mondial : les Diables persistent

Pierre Bilic

Japon et Corée recevront donc la petite Belgique lors de la prochaine phase finale de la Coupe du Monde. Les Diables Rouges n’ont raté aucun des grands rendez-vous planétaires du ballon rond depuis 1982. Espagne, Mexique, Italie, Etats-Unis, France et maintenant l’Extrême-Orient: l’automne de Prague devrait être un remontant pour nos clubs perclus de soucis financiers. A eux et à la « fédé » de profiter de cet élan et de ne pas ranger les problèmes au frigo, sans quoi l’exploit des Diables n’aura pas l’effet régénérant souhaité pour tout le foot belge.

A l’image de Marco Polo, lancé sur les routes du continent jaune, Robert Waseige, bien soutenu par le président Jan Peeters, sait que la « route de la soie » sera encore éprouvante. Le voyage européen a été long. Les chiffres sont précis. En tenant compte des huit matches du Groupe 6 et des deux chocs de barrage contre la Tchéquie, la Belgique a négocié 10 rendez-vous: 7 victoires, 2 nuls, 1 défaite, 27 buts marqués, 6 contre. Un bilan que les qualifiés directs pour l’Asie ne peuvent pas tous présenter.

Cela dit, il est exact que la Belgique aurait pu s’éviter la moindre frayeur tchèque si elle avait plus toniquement négocié son séjour à Zagreb. Là, on l’oublie, un Diable glissa en s’approchant de Robert Prosinecki. L’ancien Standardman en profita pour lancer l’attaque décisive de son pays. Tout tient parfois à un détail. La presse reprocha au fédéral d’avoir aligné des gars hors forme ou sans temps de jeu en Croatie. Si cela avait mieux tourné, le ton aurait été différent. Mais, à quelque chose malheur est bon et sans renier tous les atouts de son groupe, l' »Homme de Rocourt » a réussi, dans un noir orage de pessimisme typiquement belge, à intégrer une bonne dose de sang frais brugeois, à remplacer Emile Mpenza et Marc Wilmots pour l’aller contre la Tchéquie à Bruxelles, à relancer Gert Verheyen en pointe, à confier la place d’ Eric Van Meir à Glen De Boeck en dernière minute à Prague. Il était essentiel de faire comprendre au groupe que les deux chocs contre la Tchéquie ne constituaient pas des punitions mais l’occasion de se dépasser. Pas rien. Robert Waseige a créé sur la route de l’Asie un esprit de groupe qui nous autorise à penser que la Belgique a retrouvé ses valeurs collectives d’antan.

Poussée par des rêveurs, la Belgique a vainenent tenté de se comparer à la Hollande (modèle pourtant déchu) ou à d’autres pays riches en artistes. C’est pas notre style. Quand on a un gros cube, c’est bien, il faut construire autour de lui. Si la superstar fait défaut, comme souvent chez nous, le collectif doit compenser ce déficit. Exemple à Prague. Ces atouts belges (esprit de corps, discipline, patience, engagement, bonne occupation du terrain) ne sont pas du tout ringardes. Dans le foot actuel, les grandes équipes sont d’abord disciplinées, surtout défensivement. La France n’était gênée de l’être en 1998 Elle fut sacrée championne du monde grâce à sa ligne Maginot ( Barthez, Thuram, Blanc, Desailly, Lizarazu avec deux pare-chocs: Deschamps et Petit) et ses arrières ont marqué pas mal buts décisifs. Les Bleus n’avaient pas encore de grosses pointures devant ( Dugarry, Guivarc’h), l’éclosion d’ Henry et de Trezeguet n’eut lieu qu’après la Coupe du Monde.

En 1986, Guy Thys et les Diables furent demi-finalistes avec le duo VeytClaesen épaulé par Jan Ceulemans. Cela ne nous a pas empêché de vibrer: c’était beau, bien fait. Raymond Goethals se tira souvent d’affaires avec le seul Raoul Lambert en pointe. L’Asie ne sera pas le rendez-vous des poètes: ce foot-là a organisé sa dernière fête brésilienne au Mexique, en 1970. Depuis, les surprises surgissent surtout du changement des générations (plus douées ou pas que les précédentes) car tactiquement, il n’y a plus rien de nouveau: on a tout inventé. Puis, il y a surtout l’impact du foot-business. En 1982, en Espagne, il était possible d’interviewer Maradona au bord du terrain. C’était encore le temps des copains. L’argent a changé la donne: chaque joueur en vue défend d’abord sa cote internationale et les capitaux investis par son club bien avant l’esprit de groupe. C’est le plus gros soucis des grandes équipes nationales. La Hollande le sait aussi. A Prague, la Belgique a compris qu’elle devait être unie pour réssir: ce sera son atout sur la route de la soie.

Pierre Bilic

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