5 mois trop tard

Sa fidélité à ses principes lui ont coûté sa tête mais le coach néerlandais paie aussi les choix de la direction.

Samedi soir, il ne fallait pas être très futé pour deviner qu’ Adrie Koster (56 ans) allait être renvoyé. Deux pions majeurs, le médian Victor Vazquez et le capitaine Ryan Donk avaient effectué des remarques sur l’absence de plan B, avant que l’entraîneur ne souligne le manque de qualité du noyau et n’insiste :  » Je prends mes responsabilités « .

Nous avons relevé deux aspects : l’entraîneur égratigne la direction, qui lui a fourni ces joueurs, et veut que chacun prenne ses responsabilités lors des entretiens d’évaluation. Les joueurs s’en sont par ailleurs pris à leur coach, qui est d’après eux trop offensif. Conclusion : l’entraîneur perdait à cause de choix de la direction mais quand les joueurs qu’il a toujours protégés se sont mis à le critiquer, c’en était fini. Exit Koster donc, cinq mois plus tard que prévu.

Rancunes gantoises

Il y a trois semaines, rien ne laissait présager ce limogeage. Après deux journées, le Club était en tête de sa poule en Europa League et en championnat, il semblait être le seul capable de prendre le sillage d’Anderlecht. Les observateurs étaient optimistes, à l’instar de Gert Verheyen, qui déclarait samedi dans Het Laatste Nieuws :  » Le Club ne sera pas à 15 points d’Anderlecht au terme de la saison régulière. Il n’accusera pas plus de six points de retard et il pourra lutter pour le titre.  »

Si Koster a été renvoyé, c’est parce qu’il n’a pas atteint les objectifs, qui étaient la qualification pour la phase par poules de l’Europa League, le top 3 du championnat et les demi-finales de Coupe de Belgique. Il a atteint le premier et le second – à l’exception du week-end passé. Le Club a essuyé sa première défaite lors de la onzième journée, à Courtrai, réputé pour être intraitable à domicile. Une seconde samedi passé. Il y a un an, il avait déjà concédé cinq revers à la même époque. Il n’est qu’à un point de la deuxième place et n’a donc échoué qu’en Coupe mais contre Gand, qui est devenu le grand rival du Club. Le président de Bruges a été très dur à l’égard de son homologue gantois à la Ligue pro. Il a donc perdu la face en même temps que le match. La même confrontation qui avait sauvé Koster le 26 décembre dernier a été son chant du cygne et les héros d’alors, les jeunes ThibautVan Acker et ColinCoosemans, ont précipité sa chute. Une défaite européenne, une en Coupe et deux en championnat ont donc scellé le sort de l’entraîneur, malgré un jeu nettement meilleur. Le Club a-t-il agi sur un coup de tête ? Non. La force de Koster est aussi sa pire faiblesse.

Des principes

Le Néerlandais reste lui-même en toutes circonstances. Il est clair, voire dur quand il le faut, humain et courtois quand il le peut. C’est un gentleman, fidèle à ses principes offensifs. C’est ce qui lui a coûté sa tête car il n’avait pas de plan B. Il n’a pas entraîné l’équipe en possession du ballon sur des espaces restreints, il n’a pas travaillé la rapidité de la transition. A l’issue du match, Koster a répondu :  » Mes joueurs ne savent pas gérer un avantage ? Que dire ? Ils savent ce qu’ils doivent faire, évidemment : poursuivre sur leur élan car quand nous jouons défensivement, nous reculons. Mieux vaut donc ne rien changer.  » Donc, on garde le plan A, à l’image d’un Trond Sollied.

Il est facile de rejeter la faute sur les jeunes, trop vite lancés dans le bain. Van Acker, maladroit à l’arrière, a été surpris par Kevin De Bruyne au début et en fin de match. Il a pensé en termes offensifs alors qu’il fallait défendre. L’heure de Jannes Vansteenkiste n’était pas encore venue au c£ur de la défense, quand Michael Almeback s’est blessé. Les bêtises de Daan Van Gijseghem, suspendu jusqu’à lundi, n’ont pas servi Koster. A Gand et contre Birmingham, il était manifeste que Jimmy De Jonghe était plus avancé que Vansteenkiste tout en étant trop vert à l’arrière gauche.

Les jeunes commettent des erreurs, c’est normal, mais ils n’étaient pas à la barre quand le Club a trébuché au tour préliminaire de la Coupe d’Europe, contre le Beerschot et Saint-Trond. Le point faible est partie intégrante du jeu de Koster comme de la plupart des Néerlandais. Il veut un football offensif et soigné, en mouvement, avec des flancs et des médians qui montent et beaucoup de joueurs au tempérament offensif. Les nombreuses pertes de balle en attaque impliquent une grande dépense d’énergie. Ainsi Vadis Odjidja a-t-il souffert de crampes à la fin des prolongations, à Gand. Niki Zimling, infatigable en août et en septembre, semble maintenant être sur les rotules.

C’est ce qui a été fatal à Koster. Il a pris ses responsabilités, disposé ses joueurs comme il l’estimait bon. Par moments, le Club a développé un superbe football, nettement supérieur à celui de la saison passée, quand la direction avait conservé sa confiance à l’entraîneur, bien que les failles de son système soient déjà apparues. Las, il n’a pas été capable de conserver son avantage, dans les quatre matches récemment perdus. Koster n’a pas renié sa philosophie. Samedi, ses possibilités de remplacement étaient limitées mais dans d’autres matches, il aurait pu procéder à des changements, injecter des défenseurs.

Une erreur de jugement

Koster est-il le seul coupable ? Non. Les responsables techniques, Sven Vermant et Henk Mariman, le sont aussi. Le renouvellement de l’équipe cet été a peut-être été trop drastique. Koster a brusquement perdu des défenseurs chevronnés. FredrikStenman, préservé de blessures aux Pays-Bas, n’a guère pu jouer. Almeback, TomHögli, CarlHoefkens, JonathanBlondel se sont blessés et il a fallu les remplacer par des jeunes, propulsés sur l’avant-scène alors que peu d’entre eux avaient éclos ces dernières années. Etaient-ils prêts ?

La direction a également commis une erreur de jugement à propos de Coosemans, qui a perdu toute confiance. Le Club n’a pas de véritable problème de gardiens, même si Coosemans n’a pas le niveau de ThibautCourtois ou de SimonMignolet. Il a du talent mais il doute et est nerveux. Il faudrait le ramener dans l’ombre d’un gardien chevronné, le temps qu’il retrouve son assurance. Le Club possède ce portier expérimenté mais il a lui-même été blessé. En plus, la façon dont Vladan Kujovic a été adjoint au noyau est pour le moins sujette à discussion. Il a jadis été un bon gardien mais n’a pas été indiscutable au Lierse ni aux Pays-Bas. Bruges n’a-t-il pas commis une autre erreur en l’embauchant et en misant autant sur un jeune ?

Tout est allé très vite : le choix de jeunes devenus majoritaires dans le groupe, l’engagement de Björn Vleminckx, nerveux et selon Gert Verheyen,  » toujours le même que jadis à Malines « . Bref, la rupture complète avec le passé. La direction sportive est également jeune et a dû agir avec précipitation alors que son carnet d’adresses, encore limité, ne comporte pas encore les bons contacts et les bons noms. Des fautes ont été commises et Koster les paie aussi. Elles peuvent être rectifiées lors du prochain mercato mais elles ont fait perdre la face aux Blauw en Zwart ces deux dernières semaines. L’entraîneur paie cette addition là aussi. Samedi soir, il a insisté à plusieurs reprises :  » J’assume mes responsabilités, c’est moi qui aligne les joueurs « . Plutôt que d’insister sur les objectifs non atteints, la direction aurait sans doute mieux fait de dire :  » Nous prenons aussi nos responsabilités. Nous n’avons peut-être pas fourni le matériel adéquat à l’entraîneur « . Franchement, cette histoire d’objectifs ne tient pas la route.

PAR PETER T’KINT – PHOTO: IMAGEGLOBE

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