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Tampons et choc toxique : comment une étude fait dire ce qu’elle veut à la presse

Marie Gathon Journaliste Levif.be

La révélation d’une étude sur le choc toxique a fait grand bruit cette semaine. Pourtant, il ne s’agit que de résultats préliminaires d’une étude qui n’a pas été publiée dans une revue scientifique. Retour sur une opération de communication qui était censée  » rassurer les femmes ».

Le marché de la protection hygiénique est colossal. Utilisée par une personne sur deux dans le monde pendant 30 ou 40 ans de sa vie, la protection hygiénique représente un marché de 30 milliards de dollars chaque année.

Au grand dam des industriels, les polémiques s’enchainent sur les tampons, plus particulièrement sur la composition de ceux-ci, une mention qui ne figure pas sur l’emballage. C’est pourtant le cas pour tous les autres produits cosmétiques ou d’hygiènes (les langes pour bébé par exemple).

La controverse a encore enflé lorsqu’en avril dernier, un reportage diffusé sur France 5, intitulé « Tampon, notre ennemi intime », révèle la présence de dioxyde de chlore, de perturbateurs endocriniens et de cancérigènes dans les tampons. La journaliste qui a réalisé le reportage fait également le lien entre les tampons et le choc toxique, l’endométriose et l’infertilité. De quoi effrayer les consommatrices. Voilà qui n’allait pas faire l’affaire des industriels, puisque les femmes sont désormais de plus en plus nombreuses à se tourner vers les protections bio ou vers la coupe menstruelle.

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Début juillet, arrive alors la première étude menée en France sur l’impact des tampons hygiéniques sur la santé des femmes. Le Dr Gérard Lina, un praticien hospitalier du Centre national des hospices civils de Lyon y constate une recrudescence du nombre de cas de syndrome du choc toxique (SCT), cette maladie très rare, mais très grave liée au port du tampon périodique : de 4 cas répertoriés en 2004, on est passés à 19 en 2016.

Cette augmentation pourrait en fait être liée à la notoriété grandissante du Centre national de référence des staphylocoques. Le SCT ne fait pas partie des maladies qu’il faut obligatoirement déclarer. L’augmentation pourrait donc simplement être expliquée par une meilleure communication des cas au centre de référence.

Quoiqu’il en soi, le Dr Lina a lancé un appel pour récolter des tampons usagés : 700 tampons de diverses marques ont été analysés. « On attendait beaucoup de cette étude qui allait peut-être nous révéler l’impact de la composition des protections intravaginale sur la santé », rappelle Élise Thiebaut, une journaliste de Médiapart qui a suivi le dossier de près.

Le plus troublant dans cette histoire, ce ne sont pas les résultats de l’étude, mais bien la manière dont ils ont été communiqués à la presse.

Lorsqu’Élise Thiebaut a rencontré le Dr Lina, avant la communication de ses résultats, il disait avoir besoin d’analyses supplémentaires pour comprendre le développement du staphylocoque à l’origine du choc toxique (SCT). A ce moment-là, il lui avait déjà expliqué que d’après ses résultats préliminaires, le SCT pouvait survenir également avec une coupe menstruelle et un tampon bio, mais pas à cause de leur composition. Simplement parce qu’ils servent à « bloquer le flux », ce qui « pouvait favoriser la prolifération du staphylocoque doré et son entrée dans l’organisme ».

Plus tard, la journaliste est très surprise de voir arriver sur le bureau de sa collègue une invitation à une conférence de presse dont le titre comportait déjà une erreur : « Choc toxique lié aux règles : 1ers résultats et lancement d’une grande enquête nationale. »

Selon elle, toute la communication autour des résultats est du même acabit : flou artistique, graphique trompeur et contradictions. De plus, l’étude n’aurait été publiée dans aucune revue scientifique et aucune information n’a été donnée sur sa méthodologie. « Les conclusions données lors de la conférence de presse sont si vagues qu’on les croirait écrites par quelqu’un qui a trouvé son diplôme de laborantin dans une pochette surprise », affirme la journaliste.

Quant au Dr Lina, il affirme ne pas faire l’objet de conflit d’intérêts, mais son nom ne se trouve pas sur le site dédié (transparence-santé.gouv), il faudra donc le croire sur parole.

De plus, cette étude n’aurait pas de rapport avec la collecte des 700 tampons, elle aurait été réalisée en parallèle par la même équipe. Le but était de tester différents dispositifs de protections hygiéniques en le mettant dans un sachet en plastique « avec un mélange rappelant l’environnement biologique du vagin, afin d’observer l’évolution staphylocoque doré dans cette « infusion » », détaille-t-elle. Un test qui serait loin de la réalité de ce qui pourrait être observé dans un vagin.

L’objectif assumé du Dr Lina d’organiser cette conférence un peu hâtivement (au vu de l’approximation des résultats), aurait été de « rassurer les femmes ». Si vous avez un peu suivi la publication des articles de presse qui s’en est suivie, cela n’a pas du tout eu l’effet escompté.

Le message principal arrive en fin de conférence de presse, rapporte Élise Thiebaut. « Si les femmes sont en danger, c’est de leur faute, et non de celle des tampons (à part les coupes et le bio). Car elles ne lisent pas les notices d’utilisation, et pour les en convaincre, quoi de mieux qu’un peu de battage médiatique ? La « grande étude » annoncée septembre prochain vise donc à savoir comment les femmes utilisent les tampons, pour ensuite les informer », déplore-t-elle.

Pour rappel

Les symptômes du choc toxique sont : nausées, vomissements, fièvre, rougeurs cutanées pendant ses règles. Si on porte un tampon ou une coupe, il faut l’enlever immédiatement et aller aux urgences. Plus on intervient rapidement et plus on peut soigner un syndrome du choc toxique sans séquelle.

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