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Polyamour : pourquoi ils remettent en cause le modèle monogame

Le Vif

Polyamour, couple libre, ouvert, trouple… Les jeunes  sont de plus en plus ouverts aux alternatives à la monogamie. Voici comment et pourquoi certaines personnes repensent leurs relations, et les défis auxquels elles se frottent.    

« Je suis avec chacune d’elles… séparément des autres. C’est comme un couple classique : sorties, amour, voyage, cadeaux, temps passé ensemble… Il y en a seulement d’autres à côté. » Antoine, 25 ans, est en couple. Avec trois filles. Il n’est pas infidèle: chacune d’entre elles est au courant de la situation et l’accepte. Luce, 22 ans, a elle aussi choisi de remettre en question le modèle habituel du couple. « Pour moi, il n’y a pas de séparation entre amitié et couple. Il existe juste différents degrés d’amour, avec différentes façons de le manifester et le vivre. J’envisage la relation en fonction de chaque personne que je rencontre, et comment elle est d’accord de la vivre avec moi », décrit Luce. C’est comme ça qu’elle conçoit le polyamour.

Polyamour ? Soit le choix de vivre plusieurs relations amoureuses simultanément avec plusieurs personnes, avec le consentement de celles-ci. Selon le sondage du Vif sur la vie sexuelle des Belges, 65,9% des répondants trouvent ce choix acceptable… mais à peine 3% déclarent vivre effectivement deux histoires ou plus en même temps. Un pourcentage légèrement plus élevé chez les 25-34 ans (4,5%). « Aujourd’hui, les jeunes remettent beaucoup de choses à plat concernant la sexualité. Notamment le modèle monogame« , estime Sarah Galdiolo, professeure de psychologie clinique à l’UMons. Le schéma classique (couple qui dure, mariage, enfants) ne serait plus forcément l’idéal à atteindre.

Et si on s’aimait autrement ?

Luce a découvert l’existence des relations ouvertes en regardant des vidéos sur YouTube. « Ca a tout de suite fait sens pour moi ». Plus tard, à chaque fois qu’elle entreprenait une relation exclusive, passée la phase de lune de miel, elle se sentait enfermée et ce n’était pas par manque d’amour pour son partenaire. Aujourd’hui, après plus d’un an de relation exclusive, le partenaire de Luce lui a reparlé d’ouvrir leur couple, une proposition qu’il avait lui-même rejetée au départ. Ensemble, ils partagent donc une relation principale avec la liberté de faire d’autres rencontres, externes et individuelles.

Outre le couple libre, où les partenaires papillonnent chacun de leur côté, il y a aussi les couples polyamoureux qui sont exclusifs : ces personnes n’ont des relations sexuelles et romantiques qu’entre elles. Les trouples, par exemple. La différence avec un couple rentrant dans la norme, c’est qu’ils et/ou elles sont plus de deux. Enfin, il y a les couples échangistes.

Le mythe monogame

Pourquoi, comme Luce et Antoine, certains ne se retrouvent pas dans le modèle monogame? Selon Patrick De Neuter (UCLouvain), professeur émérite de l’institut d’études de la famille et de la sexualité et thérapeute de couple, « on peut se demander dans quelle mesure c’est l’influence de la culture et si l’on pourrait arriver dans une culture où le polyamour est la règle, mais on est loin du compte maintenant. Il est difficile de savoir ce qui est profondément en chacun et ce qui tient plutôt de la culture. »

Luce a, elle, fait ce choix par rejet du schéma monogame : « Je pense que la majorité des gens ne trouve pas « la » personne, et c’est tout à fait normal. On est des individus complexes, avec plein de besoins qu’une seule personne ne suffit pas à combler. Je trouve ça naturel d’avoir plusieurs partenaires au cours de sa vie parce qu’on évolue, on change. C’est quand même rare, les gens qui passent toute leur vie ensemble sans jamais être infidèles et en restant amoureux ».

La nécessité d’un pacte

Pour Luce et Antoine « fidélité » n’est pas indissociable d' »amour », « il faut juste que tout le monde soit consentant. L’idée du polyamour, c’est dire qu’on est d’accord de relationner avec d’autres gens et que c’est consenti« , explique Luce. L’importance de limites, fixées, et d’un accord entre les partenaires serait la différence nette entre infidélité et polyamour. Pour Patrick De Neuter, clarifer les codes et les limites est valable pour n’importe quelle relation, qu’elle soit exclusive ou non : il n’y a pas de définition générale de l’infidélité. Selon le professeur émérite, « le polyamoureux veut s’affranchir de la jalousie et de cette exclusivité amoureuse et sexuelle« . Ce qui est probablement plus facile à dire qu’à faire. Toute relation connait ses défis, les polyamoureux n’y font pas exception.

Amour pluriel aux défis multiples

D’après Antoine, le premier challenge du polyamour, c’est déconstruire certains concepts, comme la jalousie : « La personne dont tu es amoureux voit d’autres gens qu’elle aime aussi. Il n’y a pas que toi, tu n’es pas le centre de sa vie. Elle peut voir d’autres personnes tout en t’aimant de tout son cœur. Ensuite, le temps est aussi un des facteurs avec lequel il faut jouer. J’ai envie de voir plus souvent chaque personne, de profiter de chaque relation à 100% », explique le jeune homme. Pour lui, s’assurer que chacune de ses copines est heureuse est essentiel. « Gérer les différentes relations est parfois compliqué. Déjà une seule, ça peut être difficile… Les émotions des autres, les miennes, les disputes et les problèmes… Je peux facilement avoir des émotions contradictoires en même temps », ajoute-t-il.

D’après Sarah Galdiolo (UMons), « lorsque la décision d’ouvrir le couple est prise, elle est souvent davantage voulue par l’un des deux. Il y en a toujours un qui est plus désireux que l’autre. Souvent, les femmes ont plus de facilités à trouver un tiers ». Le risque de déséquilibre, lié à de la jalousie, est toujours présent, ce qui implique un besoin encore plus important de communication et d’honnêteté.

Se confronter à la norme

Au-delà des défis relationnels, les polyamoureux doivent faire face au regard et jugement d’autrui. C’est ce que constate le professeur De Neuter. « Les polyamoureux soulignent combien ils peuvent être mal jugés, ne fût-ce que par envie, jalousie de la part de certains les voyant vivre plusieurs relations en même temps. Finalement, c’est aussi parce que le polyamour est inverse à notre culture monogame « , analyse le professeur.

Un constat que confirme Antoine : « Souvent, on me dit que ce n’est pas sérieux, que c’est juste pour m’amuser. Quand j’en parle, on me voit régulièrement comme quelqu’un qui va voir à gauche, à droite alors que je me vois à l’opposé de cette image« .

Zoé Leclercq (avec M.G.)

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