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Recréer le virus de la grippe espagnole n’est pas une histoire de savants fous

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Une équipe de chercheurs de l’université du Wisconsin est parvenue à reconstituer un virus similaire à 97 % à celui de la grippe espagnole de 1918, responsable de 50 millions de morts à la fin de la Première Guerre mondiale. Trois questions à Thomas Michiels, professeur en virologie au sein de la faculté de médecine de l’UCL, sur ces manipulations controversées.

Quel est votre avis sur ce genre de manipulations ?

Mon avis est partagé. Je ne traiterais pas ces scientifiques de « savants fous » comme certains l’ont fait dans la presse. Pour moi, ces chercheurs enfoncent des portes ouvertes. En 2005, lors de la première reconstitution du virus de la grippe espagnole par l’équipe de Jeffery Taubenberger, l’intérêt de le recréer était de définir si la virulence particulière de ce virus était liée à des séquences particulières de son génome et ensuite d’identifier ces facteurs de virulence.

Quelle est alors l’utilité de ces nouvelles recherches ?

L’équipe du chercheur Yoshihiro Kawaoka a travaillé à partir de fragments viraux aviaires circulant actuellement chez des canards. Son but est de montrer que les virus qui circulent aujourd’hui peuvent recréer le virus de la grippe espagnole dont le génome constitué de 8 fragments est très particulier. Dans la nature, il faudrait un concours de circonstances extraordinaire pour que le virus de la grippe espagnole refasse son apparition mais cela n’est pas improbable. Ces nouvelles manipulations permettent d’analyser ce qui rend le virus plus virulent et donne une meilleure compréhension de la grippe en général, afin de proposer rapidement des antiviraux.

Quelles sont les craintes liées à la recréation d’un tel virus ?

Au niveau de la sécurité, il n’y a pas beaucoup de craintes à avoir car ces manipulations sont réalisées dans un laboratoire hautement sécurisé. Tout ce qui y rentre est stérilisé, l’air est filtré…Le risque d’évasion du virus est minime même si le risque zéro n’existe jamais. Les avantages tirés de ces manipulations sont donc plus grands par rapport aux risques encourus mais je reste toutefois partagé car l’apport n’est pas non plus immense. En cas de fuite du virus du laboratoire, on serait probablement confronté à une épidémie de grippe plus virulente que la moyenne. Néanmoins, le vaccin utilisé actuellement devrait exercer une certaine protection contre ce virus. Il faut savoir que l’immunité de la population actuelle est différente de celle de 1918, époque à laquelle les jeunes n’avaient pas d’immunité préexistante face à ce nouveau virus. On peut cependant s’inquiéter que d’autres laboratoires de par le monde entreprennent ce genre de manipulations. Il faut que de telles recherches soient maitrisées par des laboratoires certifiés.

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