Après la naissance, les nuits ne sont plus jamais les mêmes. © Getty

Pourquoi les parents ne retrouvent un bon sommeil que parfois… 6 ans après la naissance de leur enfant

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Les nuits entrecoupées de réveils, lorsque l’enfant ne parvient pas à trouver le sommeil, mettent les nerfs et la vitalité des parents à rude épreuve. Une période qui peut s’étendre jusqu’à six ans après la naissance.

«J’ai peur du noir, je n’arrive pas à dormir, j’ai mal au ventre, c’est quoi ce bruit bizarre dehors, pourquoi les zèbres ont des rayures?» Comme la veille et l’avant-veille, il se tient au pied du lit, les yeux grands ouverts, dans la pénombre de la chambre où il s’est glissé sans bruit au milieu de la nuit. Dix minutes plus tard, il dort à poings fermés entre ses parents qui jouent les équilibristes aux extrémités du lit. Certaines nuits, ils parviendront à retrouver le sommeil, assommés par la fatigue (et les coups de coudes). D’autres fois, leur cerveau trompé par ces réveils intempestifs les tiendront en alerte jusqu’au petit matin.

Eux qui pensaient en avoir fini avec les réveils difficiles depuis que leur petit dernier a fait son entrée en primaire se demandent quand ils pourront enfin pioncer tranquille. Claqués, dans le cirage, ils entament leur journée en mode zombie, rêvent de s’octroyer une micro-sieste dans leur voiture et d’un futur où pourront enfin refaire la grasse mat’.

Les petites nuits sont le lot de tout jeune parent, à l’exception de quelques veinards dont les enfants dorment d’une traite jusqu’au petit matin. Pour autant, les effets de la privation régulière de sommeil ne doivent pas être minimisés. Chez certains parents, elle peut avoir un réel impact sur leur dynamisme, leur humeur, leur vie de couple, sociale ou professionnelle.

Jusqu’à six ans

Six ans, c’est l’âge du petit dernier de ces parents lessivés, qui regrettent de ne pas avoir investi dans un lit king-size. C’est aussi, selon une étude allemande parue dans Sleep, le nombre d’années en moyenne qu’il faut aux pères, mais surtout aux mères, pour retrouver un sommeil pleinement réparateur après la naissance d’un enfant. 

Les chercheurs ont suivi près de 5.000 parents, qu’ils soient expérimentés ou non. Ils ont observé leur sommeil depuis la période précédant la grossesse, pendant la grossesse, puis jusqu’à six ans après la naissance. Les résultats montrent que la satisfaction et la durée du sommeil diminuent fortement avec l’accouchement et atteignent le point le plus bas au cours des trois premiers mois post-partum, les femmes étant plus fortement affectées.

Ils soulignent surtout que, chez les femmes comme chez les hommes, la satisfaction et la durée du sommeil ne se sont pas complètement rétablies avant six ans, à partir de la naissance de leur premier enfant. Sans surprise, les femmes qui allaitent sont celles qui dorment le moins bien et le moins longtemps: en moyenne une heure de moins par nuit qu’avant leur grossesse, contre quinze minutes pour les pères. Ce qui fait dire aux chercheurs qu’une meilleure répartition des soins nocturnes pourrait aider les mères à moins ressentir la fatigue. A contrario, l’âge des parents, le revenu du ménage et la double parentalité (par rapport à la monoparentalité) n’ont qu’un impact très faible sur la situation.

Interactions entre troubles

Les troubles du sommeil (dyssomnies, parasomnies, troubles associés aux maladies psychiatriques ou désordres liés à des causes médicales) sont relativement fréquents chez les enfants et peuvent être la cause de ces nuits agitées: 30% de ceux qui se trouvent en âge préscolaire en souffriraient. Ils sont un motif fréquent de consultation en pédiatrie. Mais les raisons pour lesquelles les tout petits ne trouvent pas le chemin des rêves sont généralement multiples et peuvent être liées soit à l’enfant lui-même, soit à la relation parents-enfant, soit aux habitudes des parents eux-mêmes.

L’Institut national du sommeil et de la vigilance a lui aussi réalisé un travail d’évaluation et d’objectivation des carences en sommeil des parents. Son enquête, menée en 2022, montre une prise de conscience accrue des parents sur l’importance du sommeil: huit parents sur dix se disent bien informés sur le sommeil pour leur enfant ou eux-mêmes, plus de neuf sur dix y accordent de l’importance pour leur enfant et près de sept sur dix pour eux-mêmes. Plus surprenant, elle met en évidence des interactions fréquentes entre les troubles du sommeil des parents et des enfants dans les foyers. «Les parents présentent plus fréquemment un trouble du sommeil –dans 56% des cas (66% dans le cas de familles monoparentales)– lorsque leur enfant en a un. A l’inverse, lorsque leurs parents en souffrent, les enfants ont un peu plus souvent un trouble du sommeil (un sur trois, contre 24%), principalement des cauchemars récurrents (7%) et des ronflements (6%).»

Comme bien d’autres acteurs de la santé, l’Institut alerte sur l’un des principaux responsables d’un sommeil perturbé: la consommation massive d’écrans chez les enfants (87%) même très jeunes (66% chez les petits de 6 mois à 3 ans). «80% des parents rapportent avoir pris des mesures pour encadrer l’usage des écrans mais l’enquête montre que 55% des enfants passent plus d’une heure sur leur écran après 17 heures en semaine avec un impact sur leur durée de sommeil, ce qui s’accompagne de plus de fatigue le matin au réveil.» Les enfants ne sont donc pas les seuls responsables des mauvaises nuits de leurs parents puisque ceux-ci s’exposent aux écrans dès le matin, après le travail en fin de journée et 60% le soir au lit. «Les parents peuvent avoir besoin d’aide pour leur propre sommeil, pour apporter à leur enfant le climat de sécurité et de lâcher-prise dont il a besoin pour dormir», conclut l’organisme.

Le sommeil des enfants, et de leurs parents, peut être perturbé jusqu’à six ans après la naissance. © Getty

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