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Dites, docteur… pourquoi je rougis quand je bois de l’alcool?

Un seul verre d’alcool suffit au visage de Margot ou d’Alex pour rougir. Le caractère vasodilatateur de l’éthanol n’est pas toujours la cause de ces rougeurs. Celles-ci peuvent traduire une intolérance qui pourrait s’avérer bien plus grave qu’on ne le pense.

On associe souvent alcoolisme et rougeurs faciales. Personne n’a oublié le volumineux nez rouge de Célestin Dupilon, dans Spirou et Fantasio, stigmate de sa consommation excessive d’alcool. Peau et éthanol, à long terme, ne font en effet pas bon ménage.

En cause, entre autres: la puissance vasodilatatrice de l’alcool. Par ailleurs, la forte teneur en sucres de ce dernier augmente le taux de glucose en cas d’ivresse chronique. Ce qui, outre des rougeurs, peut engendrer du psoriasis, une dermatite séborrhéique (des plaques squameuses), de la porphyrie (des lésions douloureuses et vésiculaires) ou encore de l’acné hormonal (l’alcool accroît le taux de certaines hormones comme la testostérone et l’estradiol, qui stimulent les glandes sébacées).

Heureusement, toutes les personnes présentant une forme d’érythème après avoir ingurgité bière, vin ou eau-de-vie ne sont pas des alcooliques. L’apparition d’une rosacée, voire d’un teint carrément cramoisi, après seulement un ou deux verres, pourrait être une forme d’«allergie», conséquence de la mutation d’un gène, appelée ALDH2*2, qui empêche le bon fonctionnement d’une enzyme permettant au corps de métaboliser l’alcool, rapporte, au Washington Post, Joseph Wu, qui étudie cette mutation génétique à l’université de Stanford. Quelque 8% de la population mondiale seraient concernés, soit 560 millions d’individus, essentiellement en Asie de l’Est. D’où le nom d’«Asian flush», ou «Asian glow», donné à ce phénomène. Il s’agirait même, selon Ronald G. Crystal, généticien au Weill Cornell Medicine de New York, de «l’une des maladies héréditaires les plus répandues dans le monde».

Le «hic», si l’on peut dire, est que les porteurs de la variante ALDH2*2 s’exposent à plus que de simples rougeurs en cas de consommation même modérée (deux verres par jour pour les hommes, un pour les femmes). Leur risque de cancer de l’œsophage serait ainsi 40 à 80 fois plus élevé que celui d’une personne non porteuse de la mutation consommant la même quantité d’alcool. Et plus on boit, plus le risque s’accroît. Cancer gastrique, maladie coronarienne et AVC font également partie des pathologies induites par la mutation.

Que se passe-t-il concrètement? L’alcool, chez la majorité des gens, est métabolisé par l’organisme en deux étapes. Une enzyme transforme l’alcool en acétaldéhyde, un composé organique nettement plus toxique pour le corps que l’alcool lui-même et classé dans le groupe 1 des substances cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé. Une seconde enzyme convertit ensuite l’acétaldéhyde en acétate qui, lui, peut être métabolisé en toute sécurité. C’est cette seconde enzyme qui fait défaut chez les personnes souffrant d’Asian flush. Ce qui provoque une accumulation d’acétaldéhyde, tel un poison, dans le sang.

Quid d’un éventuel traitement? Che-Hong Chen, directeur national du Stanford Center for Asian Health Research and Education, déconseille la prise d’antihistaminique. Si ce dernier peut agir sur la dilatation des vaisseaux sanguins et réduire les rougeurs, il n’aura aucun effet sur le taux d’acétaldéhyde dans le sang. Le seul remède tient en un mot: abstinence.

Nathalie Duelz est journaliste au Vif.

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