La fast fashion, peu chère, pratique, mais pas sans risques © Getty Images

«Méfiez-vous des vêtements très bon marché»: pourquoi la fast fashion en ligne n’est pas sans danger pour la santé

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Des vêtements pas chers livrés rapidement. Il est tentant de céder aux boutiques en ligne comme Shein, Wish, Temu ou encore AliExpress. Mais les articles contiennent parfois des substances nocives pour la santé, notamment chez les enfants.

Achetés en un clic, reçus rapidement… la fast fashion en ligne est bien pratique pour le consommateur. Au détriment de la qualité, voire de la santé? Testachats a analysé des vêtements et chaussures pour enfants provenant du site Shein. Le constat est sans appel: sur 25 articles, l’organisation de défense des consommateurs a décelé au moins une substance jugée dangereuse dans dix d’entre eux, avec un large dépassement du seuil autorisé par la législation européenne pour une paire de chaussures. Même si les autres produits respectent les quantités maximales autorisées, l’exposition à de telles substances reste dangereuse, surtout pour les enfants, note Testachats.

Quelles substances?

Les risques sont essentiellement liés à un contact direct avec la peau. Les sous-vêtements, chaussettes, t-shirts et autres pantalons sont donc davantage concernés. Cela dépend du temps passé à les porter, mais aussi de la sueur, qui favorise l’absorption. L’effet peut être local, avec un effet irritant et/ou allergisant. Le porteur risque alors une dermatite de contact. «C’est classique avec le nickel et le chrome», précise le toxicologue Alfred Bernard (UCLouvain).

Mais l’effet peut aussi être systémique. «La peau est une barrière efficace, qui nous protège de l’extérieur. Cette protection est assurée par la couche cornée. Plus elle est épaisse, plus la protection est importante. Si la peau est fine, elle est plus perméable.» La partie la plus perméable, le scrotum, le serait cent fois plus que la plante des pieds, partie la moins perméable, estime-t-il. «Les substances qui passent facilement la couche cornée et qui pénètrent dans le sang sont des petites molécules qui sont solubles dans les graisses. On parle de substances lipophiles

Parmi les substances trouvées dans l’étude de Testachats figurent notamment des phtalates, qui sont des perturbateurs endocriniens, ou encore des allergènes tels que le nickel et le plomb, ainsi que des irritants, comme le diméthylformamide, la quinoléine, en plus d’éthoxylates de nonylphénol. Si les métaux ne passent pas la barrière cutanée, d’autres substances sont lipophiles mais pas trop, comme la quinoléine et des phtalates. Et d’autres substances sont bien absorbées par la peau comme le diméthylformamide et les éthoxylates de nonylphénol.

Fast fashion: les enfants plus à risque

«Nous nous sommes focalisés sur les enfants, sachant qu’ils sont plus vulnérables aux substances nocives recherchées», explique Julie Frère, porte-parole de Testachats. Leur peau est en effet plus perméable que celle de l’adulte, surtout lorsqu’elle est irritée. «D’autant que leurs systèmes reproductifs et cognitifs sont encore en développement», abonde Alfred Bernard.

Il y a plus de risques en cas d’absorption, surtout s’il y a une chronicité. «Les réactions cutanées apparaissent très rapidement. Mais pour les effets systémiques, il faut une exposition chronique. Et l’âge joue: si c’est des jeunes enfants, c’est quelques années. Pour les adultes, cela peut être des dizaines d’années. Même si cela varie en fonction de la sensibilité des individus», précise le toxicologue.

Effet cumulatif

Son conseil: laver les vêtements neufs avant de les porter. Car ils comportent parfois des résidus de fabrication, qui ne sont pas fixés solidement aux vêtements et peuvent être éliminés au premier lavage. D’autant que le vêtement n’est pas le seul article susceptible de contenir des substances nocives. Le toxicologue met en garde contre l’exposition multiple. «Il y a un effet cumulatif, notamment pour les perturbateurs endocriniens. L’humain est exposé à un mélange de substances, auquel il faut ajouter d’autres risques, comme l’alimentation et le mode de vie. »

«Le problème dépasse le domaine de la fast fashion et s’étend à la vente de toute une série de produits sur des places de marché en ligne», confirme la porte-parole de Testachats. En 2020, deux tiers des 250 produits achetés sur AliExpress, Wish ou Amazon posaient des problèmes de sécurité. Parmi les articles incriminés, des détecteurs de fumée qui ne fonctionnent pas, des jouets avec des substances chimiques ou encore des chargeurs USB. En 2023, plusieurs failles de sécurité avaient en outre été détectées sur des objets connectés vendus sur diverses plateformes. «Cette année, nos collègues italiens ont également montré divers problèmes de sécurité pour des achats sur Temu», ajoute-t-elle.

Fast fashion: contrôles insuffisants

En théorie, toutes les substances chimiques utilisées pour produire des articles textiles mis en vente sur le marché européen doivent être conformes au règlement REACH. Il est donc de la responsabilité des fabricants, importateurs et distributeurs de s’assurer que les produits ne nuisent pas à la santé humaine ou à l’environnement. «La réglementation n’oblige cependant pas les fabricants ou distributeurs à lister les substances chimiques présentes. Or, la fabrication d’un vêtement peut impliquer plusieurs dizaines d’entreprises différentes. La traçabilité est très difficile à assurer, déplore Julie Frère. Malheureusement, Testachats estime que les concentrations mentionnées pour certaines substances toxiques dans REACH sont trop laxistes.» L’organisation plaide donc pour un renforcement, tout particulièrement pour les vêtements pour enfants.

Pour Testachats, la législation en vigueur n’est en outre pas suffisamment contrôlée. Un constat que partage Alfred Bernard, même si les règlementations européennes sont parmi les plus strictes au monde, notamment pour les produits cosmétiques. «Il y a des centaines de milliers de conteneurs qui arrivent dans l’Union européenne. Impossible de tout mesurer.» Il conseille de se fier au prix: «Si c’est très bon marché, c’est probablement produit dans un endroit où il y a peu de législation, avec peu de contrôles.»

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