
«Manger des pâtes et du riz blancs, c’est manger du vide»: pourquoi la micronutrition est indispensable pour notre corps
Dans Restez en forme grâce à la micronutrition, Sabrina Nikitine délivre plusieurs clés pour faire de l’alimentation son meilleur allié. Les micronutriments, utilisés de façon ciblée, peuvent optimiser presque toutes nos facultés. Un ouvrage pour réduire ses carences… d’éducation alimentaire.
Longtemps réservée aux athlètes de haut niveau et aux astronautes, la micronutrition est désormais à la portée de tous. Sabrina Nikitine, micronutritionniste et docteure en Pharmacie en explique les grands principes dans Restez en forme grâce à la micronutrition. Pièges à éviter, aliments trop souvent oubliés, fonctionnement de nos cellules: penser son assiette via la micronutrition révolutionne déjà la façon de s’alimenter.
Sabrina Nikitine, pouvez-vous expliquer ce qu’est la micronutrition?
La micronutrition est la discipline scientifique qui étudie le rôle des micronutriments –vitamines, minéraux, antioxydants, acides gras essentiels (oméga-3), etc.– sur l’organisme et leur capacité à nous protéger. La pratique est assez récente –elle se développe de façon majeure à la fin des années 90–, et se rapproche fortement de la nutrithérapie.
Qu’est-ce qui la différencie des autres pratiques plus classiques comme la diététique?
En micronutrition, le rôle de l’alimentation ne réside pas seulement dans le fait d’essayer de maîtriser un surpoids, une hypercholestérolémie, ou un diabète. L’alimentation est perçue comme le moyen essentiel de fournir des «matières premières» au corps et des réactifs pour nos cellules, qui sont des usines biochimiques et énergétiques. L’alimentation joue ainsi une partition indispensable dans le bon fonctionnement du cerveau, la production d’anticorps et d’hormones, la cicatrisation, la protection contre les agressions extérieures,… En premier lieu, en fait, on mange pour ça.
«On sait de façon certaine qu’une calorie n’est pas égale à une autre.»
Sabrina Nikitine
Par exemple, on sait de façon certaine qu’une calorie n’est pas égale à une autre. Concrètement, un gramme de graisse de chips et un gramme de graisse de saumon vaudront tous deux environ neuf calories. Mais ils n’auront pas du tout le même impact sur le fonctionnement de notre corps.
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Qu’est-ce que la micronutrition apporte de plus pour une personne qui s’alimente de façon saine et équilibrée, mais de façon plus «classique»?
Manger équilibré est un terme un peu trop générique. En micronutrition, on différencie les bonnes et les mauvaises protéines, les bonnes et les mauvaises graisses… Il faut avoir la bonne information pour pouvoir choisir entre un lipide et un autre. Quelque part, c’est une stratégie à appliquer pour son corps. A l’heure actuelle, nous sommes tous confrontés à des rythmes de vie exigeants. Il est donc intéressant de pouvoir choisir son alimentation de manière plus avisée, pour faire face à cette demande en performance accrue.
Cette connaissance presque chirurgicale de l’alimentation est-elle vraiment accessible à tous?
Les connaissances de base peuvent être appliquées par tout le monde, d’abord pour se protéger. On observe, depuis plusieurs années, une explosion des maladies dégénératives. Il existe un tas d’informations à mettre en œuvre facilement, au sein de l’alimentation, pour prévenir les risques. Pour certaines personnes, il est possible de travailler de façon plus ciblée pour contrer des dysfonctionnements (système immunitaire défaillant, allergies, problème de peau, de concentration, de fatigue,…). En fonction des signes que le corps envoie, la micronutrition peut apporter une réponse ciblée.
Ne souffre-t-on pas tous d’une «carence d’éducation» alimentaire?
A l’école, on nous apprend qu’il faut manger des vitamines. C’est une bonne chose, mais on ne nous explique pas lesquelles, comment les trouver, et comment elles agissent dans le corps. Pourtant, manger fait partie de notre routine quotidienne. C’est une activité qui nous concerne tous au premier plan. Or, oui, la carence d’information sur l’alimentation est criante. Grâce aux réseaux sociaux, les jeunes d’aujourd’hui ont cependant plus conscience de la nécessité d’une bonne alimentation. Parfois, certains messages sont même excessifs. Quelque part, mieux manger est devenu à la mode. Mais il faut parfois faire le tri dans le flux d’informations et consulter un professionnel pour un avis adapté à sa propre situation.
Dans votre livre, vous évoquez les «pièges à éviter» lorsqu’on s’alimente. Pouvez-vous citer l’un ou l’autre exemple?
Manger sucré le matin. C’est vraiment la chose à ne pas faire. La publicité et l’industrie agro-alimentaire relient le sucre avec l’apport d’énergie. En fait, depuis notre plus jeune âge, dans la pub, on voit des gens manger des céréales ultra transformées et sucrées, ou des pâtes à tartiner. Et ces gens-là ont l’air super cool et en bonne santé. Ces images sont vraiment ancrées dans nos cerveaux. Oui, manger sucré est énergétique dans l’absolu, mais tout sauf recommandable.
Manger un fruit entier est une meilleure alternative. Il ne provoquera pas un pic glycémique trop rapide, grâce à la présence des fibres. S’il est couplé à un glucide complet, c’est encore mieux. Mais surtout, le cerveau, le matin, recherche des acides aminés. On peut le lui procurer en intégrant une source de protéine, qu’elle soit végétale ou animale. Intégrer par exemple un œuf, un morceau de volaille ou des graines de chia à son petit déjeuner impactera positivement ses performances mentales et son équilibre thyroïdien.
«Manger des protéines animales le soir n’est pas recommandé. Tout comme manger sucré le matin.»
Sabrina Nikitine
Ne pas manger le matin est aussi une mauvaise pratique. Ce n’est pas bon. Surtout chez les femmes, pour leur équilibre hormonal.
Manger des protéines animales le soir n’est pas non plus recommandé. Car elles vont freiner la synthèse mélatonine, l’hormone du sommeil. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas manger de protéines le soir: il en existe de nombreuses végétales.
Selon vous, quels sont les éléments cruciaux qui manquent dans l’assiette de tous les jours, à la cantine de l’école, ou au lunch du boulot?
Les oméga-3 et l’iode manquent presque systématiquement. Traduction: on ne mange pas assez de produits de la mer. Les oméga-3 sont notamment importants pour la plasticité du cerveau, la protection des os et la protection contre l’inflammation.
«L’iode est une matière première indispensable pour notre organisme.»
Sabrina Nikitine
L’iode, quant à elle, est essentielle au bon fonctionnement de la glande thyroïde, qui joue un rôle clé dans nos conversions énergétiques (influençant ainsi notre vitalité et notre capacité à maintenir un poids stable), mais aussi nos fonctions mentales, notre équilibre émotionnel, ainsi que la qualité de notre peau, de nos ongles, de nos cheveux, et même notre fertilité.
Dans une boite de sardines par exemple, en plus des bonnes graisses, des protéines et de l’iode, on retrouve également une quantité impressionnante de calcium (6x plus qu’un yaourt).
Une des préoccupations actuelles concerne la présence de métaux lourds, dans les boîtes de thon par exemple. Quelles sont vos meilleures alternatives?
Pour éviter les métaux lourds dans les produits de la mer, il est conseillé de prioriser les petits poissons: sardines, maquereaux, anchois. Mais il n’est pas obligatoire de supprimer totalement les gros poissons (thon, marlin, espadon). Car notre notre foie garde tout de même une capacité d’élimination de ces éléments. Consommer les gros poissons une fois par mois reste donc acceptable.
«Il est recommandé de manger davantage de petits poissons gras: sardines, maquereaux, anchois.»
Sabrina Nikitine
De plus, les petits poissons ont des qualités nutritives bien plus intéressantes. Idéalement, il faudrait manger deux fois par semaine des petits poissons gras, et une fois par semaine un fruit de mer (crevettes, moules, huîtres). Sans cela, la carence en iode est une quasi-certitude. Mais cette fréquence n’est pas atteinte par beaucoup de monde, ce qui fait que la quasi-totalité de la population manque d’iode.
Quelles sont, selon vous, des pratiques alimentaires qui ont pris une place beaucoup trop centrale dans nos habitudes?
Les féculents blancs: riz blanc, pâtes blanches, pain blanc. Ils sont au centre de tout. Mais il faut les éviter un maximum. En plus de ne pas être bons pour la régulation glycémique, ils ont été complètement rincés de leurs nutriments et de leurs fibres. Finalement, on se retrouve avec des aliments vides. Certes, ils comportent du glucide et de la calorie. Mais on se prive de tout ce qui est intéressant. Au riz blanc, préférez donc le riz complet ou semi-complet, les lentilles, le quinoa, la patate douce, les pois cassés. C’est une belle manière d’augmenter la densité nutritionnelle de son assiette.
«En plus de ne pas être bons pour la régulation glycémique, les féculents blancs ont été complètement rincés de leurs nutriments et de leurs fibres.»
Sabrina Nikitine
Lorsqu’on demande à des patients de réduire leur consommation de spaghettis ou de riz blanc, la première réaction est souvent: «Mais qu’est-ce que je vais manger alors?». Cela montre que ces féculents, qui n’en sont pas vraiment, ont pris une place centrale. Il faut revenir à ce que mangeaient nos grands-parents et arrières-grands-parents, à savoir des produits les moins transformés possibles. Aujourd’hui, la lentille est presque devenue un aliment exotique, alors qu’elle faisait partie de la base de l’alimentation par le passé.
Avec l’alimentation ultra-transformée, les fibres semblent aussi avoir déserté les assiettes. En consomme-t-on assez?
En général, non, on ne consomme pas suffisamment de fibres. Quand on dit qu’il faut manger équilibré, on sait qu’il faut manger un peu de tout, mais on ne précise pas spécialement les proportions. Manger du poulet avec la moitié de l’assiette composée de pommes de terre et trois pauvres haricots verts sur le côté, bon… C’est une composition fréquente dans les restaurants, mais elle est complètement disproportionnée.
«Les trois feuilles de salade dans un sandwich, c’est de la décoration, c’est pour faire joli. L’apport en fibres est totalement insuffisant.»
Sabrina Nikitine
Au lunch, un sandwich blanc avec une tranche de jambon, trois feuilles de salade et un tranche de tomate,… cela ne procure évidemment pas suffisamment de fibres ni de protéines. En fait, on mange presque de la décoration. C’est pour faire joli.
Y-a-t-il aussi des pratiques alimentaires qu’on croit saines, mais qui ne le sont pas vraiment?
Je pense qu’il n’y a pas de vérité absolue. Par exemple, un jus d’orange pressé maison est meilleur qu’un industriel, mais il est toujours préférable de manger le fruit en entier pour conserver les fibres. La fibre va ralentir le passage du sucre dans le sang. Cette notion de vitesse est vraiment importante. Si elle est trop élevée, trop régulièrement, elle peut impacter négativement l’organisme.
Cependant, il faut garder à l’esprit la notion de plaisir. L’idée n’est pas de se priver de tout. Ce qui nous procure du plaisir est important pour l’équilibre mental. Ce qui compte, c’est la moyenne de ce qu’on fait sur le long terme. Pas les écarts occasionnels. Le petit plaisir n’a aucun impact négatif sur le corps si la routine alimentaire est bonne. Par exemple, les graisses trans (friture, sauce industrielle), les plus mauvaises, sont considérées comment étant dans la norme à 8% dans les analyses sanguines. Ce n’est donc pas 0%!
On sait qu’il n’existe aucun aliment magique. Mais quels sont, pour vous, les trois aliments les plus complets au niveau nutritif?
Il n’existe pas un seul aliment totalement complet. Mais pour en citer trois parmi les plus intéressants:
1. L’œuf
2. Les légumineuses (pois, lentilles)
3. Les oléagineux (noix, noisettes, amandes), souvent oubliés, qui apportent fibres et bons lipides.
L’huile d’olive est omniprésente dans la cuisine des ménages… L’est-elle trop, au détriment d’autres huiles?
La consommation d’huile d’olive est souvent associé aux oméga-3. C’est une grande confusion. En réalité, l’huile d’olive est pauvre en oméga-3; sa principale richesse dans sa forte teneur en acide oléique, un acide gras mono-insaturé de la famille des oméga-9, reconnu pour ses effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire. Il ne faut hésiter à alterner avec d’autres huiles riches en oméga 3 pour multiplier les bienfaits: colza, noix, lin. Sans les chauffer et en les conservant au frais. Quant à l’huile d’olive, on peut la chauffer, mais sans la faire fumer. Surtout, n’achetez pas d’huile conditionnée dans une bouteille en plastique.
Sabrina Nikitine. Restez en forme grâce à la micronutrition (2025). Ed. De Boeck, 212p.
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