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Le régime pour « bien vieillir »

Pour vivre vieux, commencez par regarder dans votre assiette… et dans celle des autres ! Les régimes alimentaires méditerranéen, nordique et japonais seraient parmi les plus sains au monde. Que peuvent nous apprendre ces traditions culinaires ?

L’archipel d’Okinawa, au Japon, compte la plus grande concentration de centenaires au monde. Outre leur âge extrêmement avancé, ces personnes affichent une vitalité exceptionnelle, puisqu’on estime que deux tiers sont encore autonomes à 97 ans. Divers problèmes de santé typiquement associés à l’âge comme le cancer du côlon, le cancer du sein et les maladies cardiovasculaires sont aussi beaucoup moins fréquents dans cette population que dans la nôtre, et même la démence y reste peu fréquente. Mais pourquoi ? D’après les scientifiques, la réponse pourrait résider en partie dans le régime typique de l’archipel, basé sur une combinaison de patates douces, de riz et de légumineuses agrémentés de temps à autre d’un peu de poisson ou, plus rarement, de viande. Les habitants d’Okinawa tireraient au moins 90 % de leurs apports caloriques de sources végétales. À l’instar de bien d’autres Japonais, ils appliquent aussi le principe du hara hachi bun, une règle de tempérance qui veut que l’on arrête de manger à temps – comprenez, lorsque l’on se sent rassasié à 80 %.

Une philosophie dont l’Occident aurait beaucoup à apprendre, estime Loes Neven, rattachée à l’Institut flamand pour la promotion de la santé et la prévention des maladies (VIGEZ) :  » Notre culture alimentaire cultive l’abondance et la satiété, alors que les excès sont néfastes pour notre santé. Plusieurs études sur la restriction calorique ont d’ailleurs démontré les vertus de la stratégie inverse : consommer systématiquement un peu moins de calories que nécessaire induirait une série d’effets bénéfiques pour la majorité d’entre nous.  » Un autre grand problème de l’alimentation occidentale réside dans son caractère trop peu varié et dans l’importance des sources de  » mauvaises  » calories.  » Alors que nous mangeons plus qu’assez, nous avons souvent des carences en certains nutriments. En un sens, certains souffrent donc à la fois d’obésité et de malnutrition.  » Loes Neven observe un lien manifeste entre l’alimentation et la santé :  » Le risque de divers cancers, de diabète, de maladies cardiovasculaires, etc. est tempéré par une alimentation saine et accru par un régime malsain.  »

Sous d’autres cieux

Si le régime Okinawa a un effet bénéfique incontestable sur l’espérance de vie, d’autres cultures alimentaires comme le régime méditerranéen ou le régime nordique sont également tenues en haute estime. Serait-il donc possible de classer les traditions culinaires en fonction de leur capital-santé ?  » En théorie, oui. Sur papier, le régime méditerranéen et le régime nordique sont par exemple tous les deux plus sains que notre alimentation occidentale. Ils reposent davantage sur une cuisine pure à base d’ingrédients sains – beaucoup de fruits et légumes frais et de légumineuses, peu de viande, une consommation modérée de poisson (gras)… – et remplacent le beurre par des huiles d’olives ou de colza, deux huiles végétales avec un bon équilibre entre acides gras saturés et insaturés. Dans la pratique, les Italiens et les Scandinaves n’appliquent toutefois pas tous ce régime traditionnel d’une manière aussi stricte : les habitudes occidentales s’insinuent aussi dans ces régions, avec à la clé une consommation accrue de viande, de beurre et de produits raffinés riches en sucres ajoutés, en sel, en graisses saturées, etc.  »

Mais l’alimentation n’explique évidemment pas tout, poursuit la spécialiste.  » Ce que nous mangeons n’est qu’un facteur parmi d’autres dans un contexte plus large qui débouchera sur une espérance de vie plus ou moins élevée. À côté de sa gastronomie, la culture méditerranéenne est aussi moins soumise au stress, le climat est plus clément, les gens prennent davantage le soleil… C’est le mode de vie en général qui compte.  » Sans compter la génétique…

Roue alimentaire

À la fin de l’année dernière, le conseil de la santé néerlandais a présenté la dernière version de sa  » roue alimentaire  » (comparable à la fameuse pyramide), dont la grande nouveauté a été de déplacer le point focal des besoins en nutriments individuels vers les schémas alimentaires qui débouchent sur un bénéfice de santé. Cette nouvelle approche s’est traduite par des recommandations très proches des régimes méditerranéen et nordique, avec abondance de fruits et légumes, de légumineuses, de noix non salées et de céréales complètes (plutôt que raffinées), une moindre consommation de viande, un peu de poisson, des huiles végétales… et, surtout, des produits les plus naturels possibles.

D’après la note, 85 % de nos besoins énergétiques quotidiens devraient être couverts par des aliments non transformés, alors que cette proportion est actuellement aux Pays-Bas de 30 % à peine. La nouvelle roue alimentaire écarte par conséquent nombre de produits transformés trop riches en sucre, en sel et en graisses saturées et beaucoup trop pauvres en fibres. Le texte mentionne notamment le pain blanc, les laitages sucrés, les jus de fruits et de légumes, le beurre, les noix salées et les viandes transformées.  » Les produits naturels seront consommés de préférence au plus près de leur source, fraîchement récoltés et sous leur forme d’origine – même s’il ne faut évidemment pas prendre cette règle au pied de la lettre, précise-t-elle. Les légumes cuits aussi sont des aliments sains et les tomates, par exemple, libèrent même davantage d’antioxydants lorsqu’elles sont cuites. On peut parler d’aliments non transformés tant que les produits conservent plus ou moins leur forme originale, sans perte de fibres. Presser ou moudre les fruits ou légumes altère par contre leur structure, ce qui incite à en manger/boire davantage. Ce n’est par contre pas le cas lorsqu’ils sont coupés en petits morceaux et cuits au wok, qui reste donc un mode de cuisson sain… à condition d’utiliser de l’huile d’olive.  »

De l’animal au végétal

La viande fait l’objet d’une mention distincte dans la nouvelle directive, qui recommande explicitement d’en consommer moins en la remplaçant régulièrement par du poisson, des oeufs ou des légumineuses. Plus concrètement, il est conseillé de ne pas dépasser 500 g de viande par personne et par semaine, dont maximum 300 g de viande rouge. Cette dernière est en effet associée à un risque accru de cancer du côlon, de tumeur pulmonaire, d’AVC et de diabète, en particulier lorsqu’elle prend la forme de produits transformés. La consommation de poisson (gras) une fois par semaine est par contre chaudement recommandée pour sa teneur en oméga 3.  » La viande domine encore beaucoup trop notre culture alimentaire et reste l’ingrédient le plus important de nos repas, commente Loes Neven. Réduire sensiblement notre consommation de produits carnés est donc loin d’être une évidence, mais nous devons continuer à y travailler sans relâche. Manger tant de viande n’est vraiment pas bon pour la santé, sans compter que cela représente une lourde charge pour l’environnement.  » Elle plaide en faveur d’une consommation accrue de légumineuses en guise d’alternative.  » Les lentilles, pois chiches et haricots sont très riches en protéines, comme la viande. Les dérivés comme le houmous remplaceront en outre avantageusement la charcuterie sur les tartines.  »

Là encore, les pays méditerranéens peuvent nous montrer la voie à suivre.  » On y trouve beaucoup plus régulièrement au menu des légumineuses, des plats végétariens et des poissons, mais le mode de préparation aussi est différent. Dans le sud, on sert souvent les poissons grillés, tandis que nous les préparons plutôt panés, au beurre ou en sauce.  »

Par Thomas Detombe

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