Gluten
Une étude canadienne montre que les sujets souffrant du syndrome du côlon irritable et n’ayant pas mangé de gluten se plaignaient des mêmes maux que ceux qui en avaient consommé. © Getty

Et si le gluten n’avait rien à voir avec le syndrome du côlon irritable?

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Le syndrome du côlon irritable (SCI) est associé à plusieurs facteurs, dont le stress, mais le rôle joué par certains aliments reste incertain. Le gluten, généralement désigné comme l’une des causes principales, n’y serait pour rien dans la plupart des cas. C’est ce que suggère une nouvelle étude. Cette fausse croyance serait davantage liée à un mécanisme cognitif.

De fortes douleurs abdominales, des ballonnements et des troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance des deux) et une fatigue inhabituelle, le syndrome du côlon ou de l’intestin irritable (SCI ou SII), aussi appelé colopathie fonctionnelle, touche 10% à 15% de la population belge. Il est deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (le rôle des hormones fait l’objet de recherches, mais n’est pas prouvé à l’heure actuelle) et davantage observé chez les personnes âgées de 20 à 40 ans. Le degré de sévérité peut varier selon les cas.

Si l’affection n’est pas reconnue comme handicap, ni comme une maladie (étant donné qu’aucune lésion ou anomalie anatomique n’est observée chez les patients), ce trouble fonctionnel peut néanmoins altérer de manière significative la qualité de vie et affecter la vie sociale et professionnelle de ceux qui en souffrent, surtout lors des périodes de crise.

Syndrome du côlon irritable: comprendre l’hypersensibilité

Les causes précises du déclenchement de ces troubles fonctionnels intestinaux ne sont pas encore bien comprises. Chez une partie des malades, une augmentation de la perméabilité intestinale permettrait à des molécules pro-inflammatoires présentes dans le tube digestif de pénétrer dans l’organisme et participerait à la création d’une réaction inflammatoire diffuse, elle-même à l’origine de l’hypersensibilité intestinale, évalue l’Inserm (l’organisme de recherche français en santé publique).

A quoi est liée cette perméabilité? C’est ce que les chercheurs tentent de comprendre. Deux pistes sont privilégiées: celle d’une activité anormale des protéases (enzymes dont la principale fonction est de digérer les protéines), qui contribuerait à augmenter la perméabilité de la paroi intestinale; et celle d’un déséquilibre de la composition de la flore intestinale, qui expliquerait notamment la réaction inflammatoire.

A ce stade, il n’existe pas de traitement spécifique pour la colopathie fonctionnelle. Pour les cas les plus légers, des antispasmodiques et des régulateurs de transit permettent de réduire les contractions. Pour les cas les plus graves, il est possible d’avoir recours aux antidépresseurs dont les effets analgésiques peuvent soulager les douleurs sévères.

Généralement, les médecins conseillent surtout aux patients d’opérer des changements dans leur mode de vie et leur alimentation.

Le stress et l’anxiété peuvent en effet aggraver les symptômes. C’est l’une des causes les plus fréquemment identifiées. Mais le rôle de certains nutriments, dont le lactose et le gluten, fait toujours l’objet de discussions. En l’absence de certitudes, les patients cherchent à éliminer les aliments qui leur semblent être à l’origine des douleurs et de l’inconfort. Et «nombreux sont ceux qui pensent que le gluten ou le blé déclenchent leurs symptômes», pointent les auteurs d’une étude canadienne parue en août 2025 dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology sur les effets du gluten et du blé sur les symptômes et les comportements des adultes atteints du syndrome du côlon irritable.

Alors que certains patients décident de supprimer totalement les aliments contenant du gluten ou du lactose, les chercheurs canadiens ont comparé les réponses symptomatiques au blé et au gluten par rapport à un placebo sans gluten chez des patients atteints du syndrome du côlon irritable et ayant déjà perçu un bénéfice lié au régime sans gluten.

Effet nocebo

Les résultats de l’expérience (qui porte sur un échantillon assez limité de 28 personnes) ont démontré que 93% des sujets ont rapporté ressentir des effets indésirables après avoir consommé n’importe quelle barre, qu’elle contienne du gluten, du blé ou aucun des deux. Ces résultats laissent penser à un effet nocebo qui renforce l’hypothèse d’une composante psychologique.

«Les patients atteints du SCI avec une sensibilité auto-perçue au gluten ont réagi de manière similaire au test de provocation du blé, du gluten et du placebo. Ces résultats suggèrent que les attentes jouent un rôle majeur dans la génération des symptômes et que seuls certains patients pourraient bénéficier d’une restriction du gluten ou du blé. Identifier ce sous-groupe de patients tout en déstigmatisant le blé et le gluten chez les autres devrait être envisagé pour une prise en charge efficace», suggèrent les chercheurs dans leurs conclusions.

«Tous les patients qui pensent réagir au gluten ne le font pas forcément», complète le Dr Premysl Bercik dans New Atlas. Certains présentent une réelle sensibilité à cette protéine alimentaire, mais pour beaucoup d’autres, c’est cette croyance elle-même qui motive leurs symptômes et les incite à éviter les aliments en contenant.» Pour l’auteur principal de l’étude, l’influence d’Internet est en partie responsable de cette fausse croyance sur le gluten. «De nombreux patients postent à quel point ils se sentent mal à cause du gluten. Cela influence forcément les autres. Poursuivre un régime sans gluten peut donner aux patients une méthode concrète pour tenter de contrôler leurs symptômes, même si cela implique des restrictions alimentaires inutiles.»

Si le gluten n’est à l’origine du syndrome du côlon irritable que dans certains cas, quelles modifications peuvent être apportées dans les habitudes alimentaires pour faire disparaître ou diminuer les symptômes?

Certaines recommandations vont dans le sens d’une diminution de la consommation de certains aliments, notamment ceux riches en Fodmap (fructo-oligo-di-mono-saccharides et polyols fermentescibles). Les oligosaccharides contiennent du fructane, que l’on retrouve dans la plupart des fruits et légumes, et les polysaccharides sont présents dans les féculents, ainsi que dans les aliments transformés.  Des études suggèrent en effet qu’un régime faible en Fodmap contribue à une réduction de la douleur abdominale chez les patients souffrant de SCI. Les aliments riches en sucres complexes, contenus dans certains fruits et légumes, légumineuses et produits laitiers, génèrent des substances à l’origine de douleurs viscérales et d’altérations de l’immunité de la muqueuse intestinale, deux caractéristiques du syndrome de l’intestin irritable. Mais tout comme le régime sans gluten, le régime no-Fodmap doit faire l’objet d’un suivi par un professionnel de la santé.

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