Yves Van Laethem, infectiologue au CHU Saint-Pierre. © belga

Yves Van Laethem: « La pandémie de Covid est officieusement terminée »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Peut-on définitivement tourner la page du Covid ? Avec des chiffres stables malgré de légers rebonds, la suppression presque totale des mesures, l’absence de variant agressif à l’horizon et une population bien immunisée, tout porte à croire que la crise du coronavirus fait désormais partie du passé. Pour l’infectiologue Yves Van Laethem (Sciensano), « même si la pandémie n’est pas finie officiellement, elle l’est officieusement. » Une position que ne partage pas l’épidémiologiste Yves Coppieters (ULB), pour qui la « situation pandémique est toujours une réalité. »

Finie, la pandémie de Covid-19 ? « Personnellement, je pense que c’est effectivement terminé », tranche l’infectiologue Yves Van Laethem. « Sauf apparition d’un variant plus agressif. Mais rien ne le laisse présager. Il est peu probable qu’on reconnaisse la même situation de crise. »

Le porte-parole interfédéral mise même sur une annonce de l’Organisation Mondiale de la Santé sous peu. « D’ici l’été, je suis quasi certain que l’OMS décrètera que la pandémie de Covid est finie. C’est elle seule qui pourrait jouer ce rôle d’annonce officielle, à la suite d’une grande concertation. »

Le discours est optimiste. Et pour cause, l’hiver en cours n’a pas connu l’apparition de nouveaux variants pouvant compromettre l’immunité de la population. Les vagues redoutées se sont limitées à des vaguelettes. Pour Yves Van Laethem, la situation est donc assez claire. « Même si la pandémie n’est pas finie officiellement, elle l’est officieusement », juge-t-il. « La population se comporte d’ailleurs comme si la pandémie était derrière nous. Et on ne lui déconseille pas ce comportement, puisque les mesures contraignantes comme le port du masque ou l’isolement ne sont plus d’actualité, sauf pour les personnes à risque. Même si la fin n’est pas officielle, on a repris une vie normale. »

Covid: une situation endémique ?

Il précise toutefois : « Le virus ne va pas disparaître, il fera toujours partie des causes de maladies et d’hospitalisations sur le long terme. N’oublions pas que pour l’instant, le prix à payer face au Covid reste élevé par rapport à d’autres virus respiratoires. Mais en tout état de cause, le coronavirus va s’additionner aux autres maladies que l’on connaît déjà, désormais dans une optique mineure. On se dirige vers une situation endémique, rythmée par quelques pics saisonniers. »

Pourra-t-on les prévoir avec précision? « Pour l’instant, le Covid nous a davantage touchés en octobre-novembre, alors que la grippe est généralement plus forte en janvier-février-mars. On verra si les deux virus se répartiront leur ‘territoire’ de cette façon sur le long terme ».

Certains observateurs estiment également logique qu’une pandémie s’essouffle après un cycle de deux ou trois ans. Pour Yves Van Laethem, ce n’est pas si simple. « On ne peut pas décréter la fin d’une pandémie sur base d’un timing particulier. Pour les grippes asiatiques (Hong-Kong), ou la grippe porcine mexicaine de 2009, on n’a pas dépassé un an. La grippe espagnole a duré un peu plus de deux ans. Ces cas montrent que la durée est variable. »

Mais quels sont les critères objectifs pour définir la persistance d’une pandémie ? « Officiellement, elle se traduit lorsqu’on observe des phénomènes épidémiques sur au moins trois continents, au même moment. Avec une augmentation exponentielle des cas, accompagnée de vagues successives », rappelle l’épidémiologiste Yves Coppieters (ULB), pour qui la situation pandémique liée au coronavirus est toujours une réalité actuelle. « C’est la dynamique de la multiplication du virus qui définit la pandémie. Si, dans plusieurs endroits du monde, on a un taux de reproduction supérieur à 1, des vagues ou des rebonds successifs, on est en situation pandémique. »

Pour l’épidémiologiste, ces conditions sont encore présentes pour le Covid. « L’épidémie est toujours forte en Chine. Si le relâchement des mesures n’a pas entraîné la catastrophe redoutée, on manque tout de même d’informations. Et à certains endroits du monde, d’autres pics épidémiques ressurgissent également. »

Pour Yves Coppieters, il faudrait que le virus circule de façon basse et constante, sans rebondir fortement, pour pouvoir décréter une situation endémique. « On n’est pas encore dans cette situation endémique pour le Covid. Si l’on regarde la courbe des hospitalisations -la plus pertinente-, on voit très bien les rebonds. Qui ne sont pas graves, mais qui montrent qu’il y a encore un potentiel épidémique en continu. »

L’histoire le montre, une pandémie est toujours suivie -plus ou moins vite- d’un retour à la normale. « Mais sous certaines conditions : soit avec des vaccins, soit avec des traitements, soit en étant capable d’isoler les malades en continu pour casser les chaînes de transmission », précise Yves Coppieters. « On n’a jamais connu des pandémies d’une durée de 5 ou 6 ans, car on trouve des solutions soit thérapeutiques, soit préventives, qui cassent la dynamique de l’épidémie. »

Décréter la fin de la pandémie? « Quel intérêt? »

Quant à une possible annonce de l’OMS pour décréter la fin de la pandémie, Yves Coppieters n’y voit pas tellement l’intérêt. « Que voudrait dire la fin de la pandémie ? Faire comprendre que l’épidémie est finie, c’est impossible puisque le virus ne va pas disparaître. On dénombre actuellement plus de 1.000 variants de la souche Omicron. Le virus se multiplie sans mutations dramatiques, mais toujours en quantité. »

L’épidémiologiste fait le parallèle avec le virus du SIDA. « On n’a par exemple jamais dit que c’était la fin de l’épidémie du VIH. Il en sera de même avec le Covid. Le virus qui va continuer à circuler, avec des pics épidémiques, des mutations sévères ou non, qui entraineront des rebonds. C’est vers ce scénario qu’on avance. Dire que tout va disparaitre, personne n’a cette hypothèse en tête. Trouver un traitement qui va détruire le virus semble également illusoire. »

« L’OMS pourra avoir un message disant la situation est sous contrôle à l’échelle mondiale. Mais ce n’est pas encore la réalité actuellement », conclut-il.

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