Sheldon Cooper (Jim Parsons) de Big Bang Theory. © Capture d'écran YouTube

C’est quoi le syndrome d’Asperger, cet autisme ‘tendance’

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Sheldon, brillant physicien de la série The Big Bang Theory, Susan Boyle, chanteuse écossaise, Lisbeth Salander, hackeuse surdouée dans Millénium… Ils ont popularisé les Asperger, des autistes de haut niveau qui ont des difficultés à intégrer les règles sociales.

Alors que de plus en plus d’adultes « différents » se reconnaissent dans l’autisme d’Asperger, le syndrome serait largement sous-diagnostiqué.

Gaspard (prénom d’emprunt) ne comprend pas l’implicite, c’est-à-dire la gestuelle, l’attitude, les mimiques, les intentions… Bref, tout ce qui est inhérent à toute conversation. Ainsi quand on lui sourit durant la discussion, il ne décode pas l’expression : est-ce de la condescendance, de la malice, de l’approbation ? Et il prend tout au pied de la lettre, comme si les figures rhétoriques, l’ironie, les sarcasmes étaient, pour lui, une langue étrangère. Enfant, lorsqu’on lui disait « Il pleut des cordes aujourd’hui » ou « Dépêche-toi ou tu vas prendre racine », le jeune homme s’attendait à voir tomber des cordes du ciel et paniquait à l’idée de s’enraciner dans le sol.

Sa vie sociale lui demande par conséquent des efforts constants. Mais au premier abord, son handicap n’est pas décelable. Le signe le plus facilement repérable est sa mauvaise utilisation du regard. Gaspard évite le contact visuel et se focalise sur la bouche, les objets, ou fixe ses pieds. Autre indice, des « intérêts spécifiques », des sujets de passion obsédants et très particuliers, tels les moteurs d’avion et le jeu vidéo Minecraft (qui permet de construire des mondes) : il y passe tout son temps, jusqu’à oublier de manger et de se laver. « Plus jeune, j’ai eu une obsession pour les dates d’anniversaire, que j’apprenais par coeur », raconte Gaspard, avec un soupçon de fierté. Il se rend très vite peu fréquentable en ergotant longuement sur sa marotte et en se noyant dans des détails. A aucun moment, Gaspard ne remarque pas que cela n’intéresse pas son interlocuteur : un casse-pied, un rien « alien ».

Derrière son regard se cache le syndrome d’Asperger (SA), un trouble neuro-développemental appartenant au spectre autistique. Et derrière le syndrome, une intelligence normale, puisqu’il laisse intacte les facultés intellectuelles. Gaspard a 21 ans. Il a été officiellement diagnostiqué à presque 17 ans, après une longue errance médicale.

Selon une étude mondiale, une personne sur 161 serait atteinte d’autisme, et la plupart d’entre elles l’ignoreraient. En Belgique, l’autisme (au sens large du terme) toucherait 70 000 individus. Impossible de dire combien sont atteint du SA. Aucune étude épidémiologique n’existe. Le syndrome ne toucherait toutefois qu’une faible minorité d’entre eux. Pourtant sur les forums, comme dans les associations, les appels au secours se multiplient : des d’adultes qui sont candidats au diagnostic ou s’autodiagnostiquent.

Pour Cinzia Tolfo, la présidente d’Inforautisme, le phénomène a vraiment « explosé » il y a deux ans. Pour preuve : la conférence consacrée au syndrome organisée par l’association, le samedi 4 avril dernier. « Alors que nous attendions une trentaine d’inscrits, nous avons été éberlués de voir plus d’une centaine de personnes se présenter, nous obligeant à déménager vers un lieu plus grand », témoigne la responsable. Dans le milieu scientifique, les experts observent le même intérêt grandissant pour le SA et « l’autisme, en général, est devenu « tendance » ; on est même en situation de « surconsultation » », souligne Peter Vermeulen, docteur en psychologie et grand spécialiste de l’autisme.

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