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Quels prétextes utilisons-nous pour justifier notre désengagement face au climat?

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Conscients que la lutte contre le réchauffement climatique est une nécessité, nous nous trouvons pourtant un tas de prétextes pour nous y soustraire. Un questionnaire permettra à l’avenir de les identifier.

«De toute façon, s’il n’y a que moi qui consens un effort, ça ne sert à rien.» «C’est ma liberté individuelle: je fais encore ce que je veux!» «Ce n’est pas mon problème.» «Je ne peux pas tout faire, donc je choisis mes priorités.» «Je ferai attention la prochaine fois.» N’en jetez plus! Ces prétextes, nous les avons entendus mille fois lors de discussions, informelles ou non, sur les comportements à adopter face au réchauffement climatique. Nous y avons eu recours nous-mêmes, avouons-le, en équilibre sur un fil tendu entre la certitude qu’il faudrait agir contre ce réchauffement en cours, au nom des valeurs qui sont les nôtres, et notre incompréhensible inaction. C’est précisément ce que recouvre la notion de «désengagement moral». «Cela consiste à argumenter pour soulager notre conscience par rapport à des actes qui ne sont pas conformes à nos valeurs ou à notre sens moral», précise Lydie Cleaver, autrice d’un mémoire en psychologie consacré au «Développement d’un questionnaire de désengagement moral face à la crise climatique» et lauréate, à ce titre, d’un Hera Award 2023 dans la catégorie Sustainable Behaviour (1).

Parmi les arguments les plus souvent avancés: «les autres priorités choisies».

Soutenue par sa copromotrice Chloé Tolmatcheff, cette étudiante en psychologie de l’UCLouvain s’est lancée dans l’élaboration d’un questionnaire qui permet d’identifier les prétextes sur lesquels s’appuie la population pour justifier sa non-action climatique, de manière à pouvoir encore se regarder dans le miroir. L’élaboration et les tests de validation effectués dans le cadre de ce travail ont déjà permis de relever, par exemple, que les hommes et les femmes ne recourent pas aux mêmes justifications. Les secondes s’occupant plus souvent des courses de la famille, elles affirment que les réflexes proclimat que devraient idéalement adopter les consommateurs sont trop contraignants. Ce qui ne sera pas le cas des hommes. L’étude a également démontré que le niveau d’éducation ne joue pas en matière de désengagement moral. Selon toute vraisemblance, les réponses au questionnaire varieraient d’une culture à l’autre.

«Les arguments de désengagement moral les plus souvent avancés lors des sondages effectués avec ce questionnaire sont les contraintes que cela fait peser sur chacun et les autres priorités choisies», indique Lydie Cleaver. La minimisation de l’impact de la non-action et le déplacement de la responsabilité (voir tableau ci-dessous) sont aussi régulièrement avancés comme justifications pour ne pas adopter les comportements ad hoc en matière de climat. Le déni face au réchauffement figure (encore) dans les réactions observées auprès des sondés.

Pas encore consultable par le grand public, ce questionnaire doit permettre de déterminer comment agir sur les comportements en démontant les arguments avancés. Si des étudiants continuent d’acheter des bouteilles d’eau au lieu d’acquérir une gourde, il faut travailler sur le prix des gourdes. A terme, ce questionnaire pourrait être utilisé n’importe où et dans n’importe quel groupe: en entreprise, dans les écoles, chez les personnes âgées, dans les associations. Un outil précieux pour attaquer à la racine ces justifications qui n’en sont pas vraiment…

(1) Ce prix, attribué par la Fondation pour les générations futures, récompense des travaux de fin de master qui contribuent à la compréhension des processus de changement des comportements permettant une transition vers un monde plus soutenable.

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