Bientôt des médicaments à base de… pin, plutôt que de pétrole ?

Stagiaire Le Vif

L’industrie pharmaceutique, dépendante du pétrole, est l’un des secteurs les plus polluants. Elle émet 5% des émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre. Toutefois, des chercheurs ont trouvé une alternative écologique : remplacer les produits pétrochimiques par un acide gras présent dans le pin. Cette alternative pourrait avoir un impact significatif sur l’environnement.  

Dans sa trousse de toilette, il n’est pas rare de trouver de la vaseline, une crème hydratante. Aussi appelée « gelée de pétrole« , la vaseline est un produit dérivé du pétrole. Comme de nombreux médicaments en vente libre. Ibuprofène, aspirine, sirops pour la toux… Ils se composent d’excipients dérivés de produits pétrochimiques. Toutefois, cela ne signifie pas que l’on ingère du pétrole, ni que les comprimés sont dangereux pour la santé. En revanche, au vu de leur impact écologique, leur composition et leur fabrication sont problématiques pour l’environnement. C’est pourquoi de nombreux scientifiques cherchent des alternatives pour rendre la production de médicament plus écologique et durable.

Ne plus se fournir en pétrole, mais en papier

Des scientifiques de l’Université de Bath au Royaume-Uni ont développé une alternative pour produire du paracétamol et de l’ibuprofène à partir de bêta-pinène. Ce composant est présent dans les fibres végétales des pins. Il peut être extrait de sources renouvelables, telles que les déchets de l’industrie forestière, puisque l’objectif n’est pas de déforester pour obtenir de l’acide lignocérique. Les chercheurs souhaitent collaborer avec les industries papetières. En effet, celles-ci produisent plus de 350 000 tonnes de papier chaque année. L’idée est d’en récupérer les déchets afin de retirer le bêta-pinène, pour l’utiliser dans la fabrication de médicaments.

La production des deux analgésiques à partir de ce composé permettrait de réduire l’impact environnemental. Il permet de diminuer, d’une part, la pollution émise par l’incinération des déchets de papier. D’une autre part, d’amoindrir l’utilisation des ressources pétrolières. Cette alternative offre également aux entreprises pharmaceutiques la possibilité de se détacher des ressources non renouvelables. Et, de ce fait, ne plus dépendre des pays qui les fournissent.

Cependant, pour Bernard Pirotte, professeur en faculté de médecine à l’Université de Liège, la conversion du bêta-pinène en plusieurs dérivés aromatiques « laisse présager que le coût de production d’un kilogramme de paracétamol sera beaucoup plus élevé qu’à partir de produits issus de la pétrochimie ». En effet, il explique que la conversion du bêta-pinène demande une multitude de réactifs comme l’ozone ou le palladium. « Dont on ne dit pas qu’ils proviennent d’une source renouvelable. Ni qu’ils sont tous recyclables ». Une conversion qui se réalise par l’intermédiaire de solvants. Connaissant l’immense besoin de l’industrie du médicament en composés aromatiques, Bernard Pirotte se demande: « Le b-pinène peut-il complétement remplacer les produits issus de la pétrochimie ? »

L’impact environnemental

Les industries pharmaceutiques utilisent principalement l’énergie fossile pour la fabrication et la production des médicaments. Pendant l’extraction du pétrole, la fabrication des médicaments et la gestion des déchets, les ingrédients pharmaceutiques se répandent dans l’environnement. Ce qui engendre des conséquences néfastes à long terme. Notamment, la destruction des écosystèmes, la pollution des sols et des eaux, et les émissions de gaz à effet de serre. Cette utilisation massive des ressources pétrolières contribue à faire de l’industrie pharmaceutique l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES). Par exemple, une plaquette de dix comprimés de diclofénac (anti-inflammatoire) peut polluer jusqu’à 5 millions de litres d’eau.

Selon une étude publiée en 2021 dans la revue scientifique Nature Climate Change, l’industrie pharmaceutique se classe au troisième rang des secteurs émettant le plus de GES. Elle se place derrière l’industrie chimique et l’industrie de l’énergie. Selon l’ONG internationale Health Care Without Harm, Le secteur des soins de santé contribue à hauteur de 5 % des émissions mondiales nettes de gaz à effet de serre, ce qui en ferait le cinquième plus grand émetteur si le secteur était considéré comme un pays. Si aucune action n’est entreprise, les émissions du secteur des soins de santé pourraient tripler d’ici 2050.

Conscient de l’urgence climatique, le parlement européen demande des mesures visant à une meilleure utilisation et élimination des produits pharmaceutiques. Il rappelle la nécessité de développer davantage des « produits pharmaceutiques plus verts ».

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