Louis De Jaeger

« La plupart des conseils pour économiser l’eau sont des conneries » (carte blanche)

Louis De Jaeger éco-entrepreneur, architecte paysagiste et membre de think tanks agro-écologiques

Ceux qui veulent vraiment contribuer à la lutte contre la sécheresse ne doivent pas se contenter de prendre des douches plus courtes, écrit Louis De Jaeger, éco-entrepreneur, architecte paysagiste et membre de thinktanks agro-écologiques.

Vive la sécheresse ! Sans honte, je prends une douche d’une demi-heure tous les matins et j’adore arroser abondamment mes plantes en plein soleil. En effet, je suis toujours dans le top 1 % des Belges les plus économes en eau: je mange plus végétal.

Les campagnes d’économie d’eau contre la sécheresse partent d’une bonne intention. Quelques minutes de douche par jour devraient suffire à la plupart des mortels pour se détendre. Laisser évaporer de l’eau potable sur des pelouses tondues à ras est un crime. Pourtant, malgré leurs bonnes intentions, la plupart des « listes contre la sécheresse » passent complètement à côté de l’essentiel. C’est dommage, car nos nappes phréatiques ont baissé de plus de cent mètres à certains endroits et la Flandre se transforme lentement en désert.

Si la Wallonie ferme le robinet, il n’y aura pas assez d’eau qui entrera par les rivières et les canaux pour approvisionner la Flandre. La Belgique est dans le top 5 des plus grands consommateurs d’eau souterraine. Sur la carte européenne, la Flandre se teinte de rouge. La profession qui en souffre le plus est l’agriculteur, dont les champs ne contiennent pas suffisamment de matière organique pour retenir l’eau. Il suffit de trois étés extrêmement chauds et secs pour que l’Europe connaisse la famine. Déjà, par désespoir, les agriculteurs vont chercher de l’eau de l’autre côté de la frontière ou secrètement dans notre mare.

Nous avons tous appris que la meilleure façon d’économiser l’eau est de mettre une brique dans la cuvette des toilettes, d’installer une chasse économique, de changer notre pommeau de douche et d’arroser les plantes une fois qu’elles sont à l’ombre. Ce sont tous des conseils très utiles qu’il faudrait suivre. Pourtant, dans l’ensemble, ces conseils sont des foutaises et ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. Nous n’utilisons qu’environ 3% de notre eau dans nos maisons. Le reste, nous le consommons sans nous en rendre compte.

Plus de 90 % de l’eau consommé par les Belges provient de l’agriculture. Surtout pour élever des animaux. Les animaux ne consomment pas seulement de l’eau en la buvant, ils sont également nourris avec des aliments dont la culture est malheureusement très gourmande en eau, et beaucoup d’eau est gaspillée dans la transformation de la viande. Outre la viande, de nombreux autres produits animaux sont de gros consommateurs d’eau, comme les produits laitiers et les œufs. Un œuf, par exemple, ne coûte pas moins de 200 litres d’eau.

1000 litres d’eau pour le litre de lait de vache

Les veaux boivent du lait pour pouvoir devenir de grands animaux de 650 kg, ce qui n’est probablement pas votre objectif. Pour produire 1 litre de lait de vache, il faut 1000 litres d’eau. Donc si vous ne pouvez pas vous passer de vos cornflakes, mieux vaut les arroser de lait d’avoine, dont la production nécessite 50 fois moins d’eau. En remplaçant un verre de lait de vache par du lait végétal, on économise un peu moins de 250 litres. En cas de soif, il vaut mieux boire de la bière que du lait de vache, qui nécessite 75 litres. La boisson désaltérante la plus respectueuse de l’eau est, évidemment, simplement de l’eau.

Pour survivre, nous avons besoin de protéines, de calcium et de nombreuses autres substances. Nous pensons souvent que nous ne pouvons les tirer de la viande, du poisson ou d’autres produits animaux, mais Léonard de Vinci savait déjà que ces nutriments pouvaient aussi être consommés directement au lieu de passer par l’estomac des animaux. En moyenne, les personnes qui ne mangent pas de viande vivent 6 à 8 ans de plus. Pour votre santé, vous ne devez donc pas vous inquiéter de vous passer de temps en temps de viande, au contraire.

Si vous vous privez d’un morceau de viande pendant une journée, vous pouvez économiser trois heures de douche. Après tout, il faut 1 540 litres d’eau pour produire, par exemple, un hamburger. Ne vous sentez donc plus coupable si vous avez envie de prendre un long bain relaxant. De plus, vous pouvez en prendre 12 et vous ne devez manger qu’un seul burger végétal. Donc, si vous voulez vraiment faire quelque chose pour lutter contre la sécheresse – et pas seulement des palliatifs – mangez plus végétal.

N’y a-t-il pas de viande qui permet de consommer moins d’eau? Hélas, il n’y a pas de viande respectueuse des animaux, mais heureusement, il y en a qui permet de consommer moins d’eau. Pour cela, les animaux doivent pouvoir vivre dans leur biotope naturel – par exemple, des vaches qui sont au pâturage 24 heures sur 24 et mangent de l’herbe – ou qui mangent des déchets qui ne sont pas destinés à la consommation humaine. Les animaux deviennent un fardeau pour l’environnement dès que vous les retirez de leur environnement – ironiquement – et les enfermez dans des structures hideuses. L’humain doit alors reprendre tout le travail de la nature.

Si le gouvernement veut vraiment lutter contre la sécheresse, il doit rendre le lait végétal moins cher que le lait de vache. Il devrait aussi rendre les substituts de viande biologiques beaucoup moins chers que la viande d’animaux morts et n’autoriser que de la viande provenant d’animaux élevés en plein air qui ne mangent pas d’aliments destinés à la consommation humaine. Manger du maïs, du blé ou du soja indirectement via la viande animale est incroyablement inefficace, gaspille énormément d’eau et pollue. En prime, le gouvernement résoudrait aussi en grande partie le problème de l’azote et aurait une chance supplémentaire d’atteindre ses objectifs climatiques.

Louis De Jaeger

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