Charlotte Flechet

Cinq clés pour mieux comprendre les négociations de la COP21

Charlotte Flechet Jeune professionnelle dans le domaine des politiques environnementales.

Parmi les nombreux éléments contenus dans un texte de 51 pages, véritable brouillon qui servira de base à la négociation, cinq thématiques sont particulièrement importantes pour le succès de la Conférence.

Le 30 novembre prochain, près de 40.000 délégués se rassembleront à Paris pour l’ouverture de la 21ème Conférence des Parties (COP21) à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). Pendant près de deux semaines, les représentants de 200 pays y compris 127 chefs d’Etat et de gouvernement vont tenter de s’accorder sur un texte légal avec pour ambition de limiter le réchauffement climatique et d’aider les pays vulnérables à s’adapter à ses inévitables impacts.

Que ce soit au niveau de notre approvisionnement énergétique ou de notre capacité à faire face aux impacts du changement climatique (montée des eaux, événements climatiques extrêmes, sécheresse, etc.), les décisions prises lors de la COP21 vont sans aucun doute avoir un impact sur nos modes de vie et ceux des générations futures.

Au cours des derniers mois, les rapports scientifiques se sont succédé pour souligner l’urgence de prendre le problème du changement climatique à bras le corps. L’année 2015 est en train de battre tous les records. Non seulement 2015 est en route pour devenir l’année la plus chaude enregistrée à ce jour, mais le seuil symbolique de 1°C de réchauffement moyen par rapport à la période préindustrielle sera probablement également franchi cette année selon l’Office Météorologique du Royaume-Uni.

Il y a quatre ans, la COP17 à Durban avait décidé qu’un nouveau texte légal serait adopté au plus tard en 2015 afin de remplacer en 2020 le Protocole de Kyoto qui expirera la même année. Depuis lors, les sessions se sont succédé, aboutissant en octobre dernier à un brouillon de 51 pages qui constituera la base des négociations de Paris. Parmi les nombreux éléments contenus dans ce texte, cinq thématiques sont particulièrement importantes pour le succès de la Conférence.

Atténuation des changements climatiques

Il s’agit d’un des éléments clés du futur accord de Paris avec à son coeur trois questions essentielles.

Premièrement, à quelle augmentation de température moyenne maximale va-t-on tenter de limiter le changement climatique ? A ce sujet, le débat va se centrer autour des limites maximales de 2°C préconisée entre autres par les pays « développés » et de 1,5°C défendue par les nations plus vulnérables, surtout les insulaires menacés par la montée des eaux.

Deuxièmement, quels objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) va-t-on soutenir collectivement? De nombreuses propositions sont sur la table : pic des émissions mondiales de GES, réduction des émissions exprimées en pourcentages par rapport à une année de référence (par exemple 40% de réduction d’ici à 2030 par rapport à 1990 comme c’est le case pour l’UE), abandon total des énergies fossiles, etc. En plus de s’accorder sur un objectif tangible, les Parties doivent également se mettre d’accord sur des échéances : 2030, 2050, 2100 ? S’ajoute encore la possibilité de comptabiliser des émissions « nettes », c’est-à-dire qui tiennent compte de la possibilité de retirer du carbone de l’atmosphère. En termes d’objectifs collectifs, il y a donc encore l’embarras du choix.

Troisièmement, comment s’assurer d’effectivement rester dans les limites de réchauffement malgré l’insuffisance des engagements actuels? Au cours des derniers mois, plus de 150 états couvrant environ 90% des émissions mondiales de GES ont soumis leurs objectifs nationaux de réduction d’émissions. Même si ces contributions -si elles sont mises en oeuvre – permettront probablement de limiter le réchauffement à 2,7°C d’ici à 2100 selon un rapport de la CCNUCC, elles sont insuffisantes pour atteindre l’objectif de 2°C ou 1,5°C maximum d’augmentation de température moyenne. Afin de combler cet écart, un mécanisme qui permette de réviser à la hausse tous les cinq ans les objectifs nationaux a été proposé. Malgré le refus de certains pays de rendre ce mécanisme obligatoire, la réunion informelle « Pré-COP » qui réunissait la semaine dernière 60 ministres en charge du climat s’est achevée sur un large consensus en faveur de ce processus.

Adaptation

Intimement liée aux thématiques du financement et des pertes et préjudices, la question de l’adaptation vise la définition d’un objectif ou d’une vision à long-terme afin d’augmenter la résilience et de réduire la vulnérabilité des peuples au changement climatique. Actuellement, les fonds dégagés pour le changement climatique sont principalement alloués à l’atténuation mais les pays en développement appellent à un rééquilibrage en faveur de l’adaptation. Ils considèrent en effet qu’ils subissent en première ligne les impacts du changement climatique alors que leur contribution à celui-ci est minime.

Les négociations porteront également sur la mise en oeuvre de solutions telles que le partage d’information, le renforcement des capacités, le soutien technique entre Parties ou encore la recherche scientifique. La partie la plus contentieuse concerne les moyens d’action qui devront être déployés pour atteindre l’objectif d’adaptation puisqu’il concerne des sujets sensibles tels que le financement ou le transfert de technologie.

Pertes et préjudices

Les pertes et préjudices font référence aux dommages causés par le changement climatique auquel il n’est pas possible de s’adapter, telle l’augmentation du niveau des mers pour les états insulaires du Pacifique ou de l’Océan indien. Il s’agit d’un des éléments les plus conflictuels des négociations car il implique d’éventuelles compensations pour les pertes et préjudices subis par les victimes du changement climatique. En 2013, un mécanisme relatif aux pertes et préjudices liés aux incidences des changements climatiques (MIV) avait été adopté à Varsovie avec pour objectif d’améliorer la compréhension des différentes approches liées aux pertes et préjudices et de consolider l’action, la coordination et le soutien des Parties en la matière.

Aujourd’hui, de nombreux pays en développement, particulièrement les Pays les Moins Avancés (PMA) veulent aller plus loin en intégrant dans l’accord de Paris un mécanisme de compensation ou d’assurance pour les pertes et préjudices. Leurs revendications portent également sur la provision d’un financement spécifique, distinct de celui alloué à l’adaptation. Cela impliquerait un soutien financier considérable en faveur des nations les plus vulnérables auquel les pays développés sont réticents. Ceux-ci considèrent en effet qu’il est difficile d’attribuer avec certitude certains évènements au changement climatique et que leur contribution financière risque d’être continuellement sollicitée.

Enfin, le G77 (représentant 134 pays en développement et émergents) et la Chine ont proposé en septembre dernier d’inclure un dispositif permettant de coordonner les déplacements humains causés par le changement climatique, ramenant dès lors la question des réfugiés climatiques dans le débat global.

Financement climatique

La question du financement sera probablement la clé du succès de la COP21 mais également l’une de ses principales pierres d’achoppement.

En 2009, à Copenhague, les états s’étaient mis d’accord sur l’objectif d’atteindre au moins $ 100 milliards par an (environ 0.2% du PIB des états de l’OCDE) de financement climatique d’ici à 2020 afin d’aider les pays en développement à réduire leurs émissions de GES et à s’adapter aux impacts du changement climatique. Ce montant qui parait considérable fait pourtant pâle figure en comparaison avec les € 150 milliards par an nécessaires pour la seule adaptation en 2030.

Lors du dernier round de négociations, les divisions se sont cristallisées autour de cette thématique, les pays en développement insistant sur la nécessité d’établir la responsabilité des pays développés dans l’atteinte de cet objectif international. Ils appellent également à ce qu’une feuille de route claire soit établie quant au financement climatique post-2020 afin de mieux pouvoir planifier leurs politiques climatiques. Ils veulent par ailleurs s’assurer que l’argent dédié à l’action climatique s’ajoute à l’aide au développement et ne se substitue pas à celle-ci. De leur côté, les pays développés refusent d’être les seuls responsables et demandent à ce que le secteur privé et les pays en développement participent à ce financement, conformément à l’évolution de leurs capacités et de leur responsabilité.

Responsabilités communes mais différenciées

Au coeur de ces enjeux se situe évidemment les notions d’équité et de justice exprimées dans le jargon onusien sous le nom de « responsabilités communes mais différenciées ». Ce principe repose sur la reconnaissance de responsabilités communes à tous les états dans la lutte contre le changement climatique mais différentes en raison de la contribution plus élevée des pays développés à la dégradation de l’environnement et de capacités plus faibles des pays développement pour y faire face.

Comme l’on peut s’y attendre, de nombreuses divergences existent quant à la signification de ces responsabilités différenciées, particulièrement à la lumière de l’émergence économique de nouveaux états de plus en plus émetteurs de GES. Les plus grands risques de blocage se situent donc au niveau des moyens de mise en oeuvre des engagements : transferts de technologie, financement, renforcement des capacités et transparence à la fois des moyens de mise en oeuvre et de la mise en oeuvre elle-même.

Paris ne sera évidemment pas la potion magique qui sauvera le monde des dangers du changement climatique, mais sera le début d’un processus de longue haleine qui visera – on l’espère – à limiter le réchauffement climatique et à soutenir les populations les plus vulnérables. Cependant, tous ces efforts collectifs seront vains si les états eux-mêmes ne prennent pas des mesures urgentes et drastiques pour sortir des énergies fossiles et soutenir la transition vers une économie verte, les énergies renouvelables et des comportements plus durables.

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