This is a picture of a potato field. Highly developed, the Dutch agriculture industry is one of the most efficient in the world. The plants are placed in a perfect row.

Achat de terres agricoles : «Gérer l’approvisionnement en fonction des besoins»

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

En misant sur le modèle d’intégration verticale, Colruyt fait preuve de cohérence dans sa stratégie de développement, estime Isabelle Schuiling, professeure de marketing à l’UCLouvain.

Qu’est-ce qui pousse Colruyt à acheter des champs?

La démarche du groupe est en ligne avec son positionnement, qui consiste à maintenir une offre à bas prix. Pour ce faire, il pratique une intégration verticale lui permettant de gérer les différents stades de production et de distribution de ses produits et de sécuriser l’approvisionnement en fruits et légumes. En optant pour ce modèle, l’enseigne espère diminuer au maximum les coûts les plus importants.

Acheter des surfaces agricoles en Belgique, c’est un gros investissement, même pour une société qui a les reins solides…

C’est vrai, mais c’est un choix stratégique. Quand on investit dans le premier stade de production, on évite de devoir passer par certains grossistes, ce qui permet d’alléger la facture et d’avoir plus de liberté par rapport aux fournisseurs traditionnels. L’autre avantage, c’est qu’on peut gérer l’approvisionnement en fonction des besoins des consommateurs. En devenant propriétaire de terres, Colruyt veut aussi se montrer plus proche de l’agriculteur et pouvoir organiser l’exploitation des surfaces en fonction des objectifs de durabilité. C’est enfin une manière de se différencier des autres acteurs de la grande distribution. D’autant que le groupe est le seul distributeur local tout à fait belge.

En devenant propriétaire de terres, Colruyt veut aussi se montrer plus proche de l’agriculteur.

Est-il le seul acteur de la grande distribution à opérer ce tournant stratégique?

Un autre exemple intéressant est celui d’Ikea, qui a également misé sur une intégration verticale du processus de fabrication et de distribution. L’ entreprise a acquis des terres et elle produit elle-même le bois qu’elle utilise. De cette manière, elle gère tous les aspects, y compris la qualité de l’approvisionnement. Le positionnement d’Ikea est d’ailleurs le même que celui de Colruyt: continuer à proposer de la qualité tout en réduisant les coûts. Ikea a tellement bien réussi à intégrer les différentes étapes de production que la société ne souffre pas beaucoup de la concurrence. A un autre niveau, on peut également citer le modèle développé par Netflix qui, aujourd’hui, n’est plus seulement un distributeur de contenus mais aussi un créateur. Là aussi, l’objectif est clair: contrôler les différentes étapes, éliminer les intermédiaires et garder l’avantage en se démarquant de ses concurrents.

Jusqu’où ce modèle d’intégration peut-il aller? La grande distribution peut-elle s’accaparer toutes les terres qu’elle a en vue?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Mais il est clair que ce type de stratégie a aussi des côtés négatifs. En cas d’aléas, comme la sécheresse par exemple, on peut se demander quels seront les risques pour l’approvisionnement. La question qui se pose est aussi celle du savoir-faire et du partenariat avec le producteur. Agriculteur, c’est quand même un tout autre métier que distributeur.

Colruyt veut pouvoir proposer de plus en plus de produits belges à ses clients. © ISTOCK

A ne produire que ce que le consommateur demande ou connaît, ne risque-t-on pas de réduire la diversité ou la qualité des produits?

L’ ambition de Colruyt est de privilégier l’assortiment de produits belges, le local et la proximité avec le consommateur. Et d’augmenter cette part d’année en année. Je ne peux pas me prononcer sur l’impact que cette stratégie pourra avoir sur les petits exploitants mais elle permettra, en tout cas, de développer cette partie-là de l’agriculture. Et on sait qu’il existe un intérêt grandissant, surtout chez les jeunes, pour ce qui est local. L’ autre bénéfice, c’est qu’en faisant davantage correspondre l’offre aux besoins des consommateurs – qu’on connaît mieux grâce aux données en matière d’achat – on peut limiter les pertes. Certaines enseignes ont misé sur la vente de fruits et de légumes moches pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Et ça a fait le buzz. Colruyt pourrait faire de même avec sa propre production.

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