Nicolas De Decker

Tout le monde se fait désormais l’héritier de Jean Gol… mais qui l’est réellement?

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Confronté déjà à un gênant rejet de ses politiques socioéconomiques, le grand parti libéral francophone a pu dispenser une vaste leçon de morale à l’adresse des mal-pensants. Il a pu s’abstenir, comme de plus en plus, de formuler la moindre proposition concrète héritée de sa figure tutélaire. Il a pu résumer son projet par son efficace propos, qui fait de la gauche l’origine de tous les maux. Et il a pu faire passer une réunion politicienne qui a fait privatiser les locaux d’une université et annuler des cours de sciences en célébration impavide de la liberté académique, du Vrai et du Juste.

Car après cette profanation répugnante et sa compote amère, ceux qui s’inscrivent explicitement dans le sillage politique de Jean Gol ont pu se ranger dans le si valorisant camp du bien. Tous les autres, indistinctement, ceux qui n’ont pas jeté de pommes, ceux qui n’ont pas profané de tombe, ceux qui, simplement, ne sont pas d’accord avec le parti, sont, au nom de cette suprême morale anti-antifasciste, les nouveaux fascistes. Ceux-là donc qui s’opposent au racisme, au sexisme et au fascisme, ceux-là aussi que le politiquement correct de notre époque voue aux gémonies, ceux-là également que les éditoriaux de la presse subsidiée sermonnent, et ceux-là désormais que Georges-Louis Bouchez, tout aussi patriote que ses inspirateurs étrangers, veut interdire, dissoudre ou immuniser derrière un cordon sanitaire, selon le média, donc l’électorat, auquel il s’adresse.

Autant dire qu’ils sont rares désormais ceux qui ne se revendiquent pas de Jean Gol.

Si bien qu’après cette énième leçon de morale, le débat ne peut plus opposer que des adversaires qui se disputeraient la mémoire de Jean Gol, entre jeteurs de pommes en hoodie, qui disent que Jean Gol se retournerait dans sa tombe s’il voyait ce qu’est devenu le libéralisme francophone, et porteurs de chemises trop étroites imbibées de pectine, qui trouvent que Jean Gol serait fier d’eux s’il voyait ce qu’est devenu le libéralisme francophone.

«La «jeangostalgie» voile la mémoire d’une partie de ceux qui s’en réclament.»

Tout le monde, en septembre 2025, voudrait se faire l’héritier de Jean Gol, et tant mieux pour lui, parce que c’était un chouette.

Mais la «jeangostalgie» voile la mémoire d’une partie de ceux qui s’en réclament. Parce que Jean Gol, qui avait recruté une grande figure de l’extrême droite sur les listes libérales, a souvent changé d’opinion sur tous les grands et les plus petits thèmes. Jean Gol est resté fasciné par un chef de la droite française, devenu président de la République à coups de petites phrases sur l’identité nationale. Jean Gol a aussi contribué à imposer de ruineuses mesures socioéconomiques néolibérales par électoralisme. Et il s’est attaqué avec un plaisir gourmand aux journalistes de service public. Et puis, Jean Gol a accompagné, sous parfois d’agressives railleries, les activités politiques et électorales de sa compagne.

Tout le monde, à ce compte, ne peut pas s’en proclamer l’héritier.

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