Thierry Denoël

Réforme fiscale: du courage en politique… (opinion)

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Après le pouvoir d’achat, un panel d’experts s’est aussi penché sur la fiscalité. A quelle sauce les Belges seront mangés ? Les pistes avancées sont intéressantes : un meilleur salaire net, taxe unique sur les revenus du patrimoine, moins de régimes d’exonération, une fiscalité plus verte… Qu’en feront les politiques ?

La réforme emmanchée par les experts mandatés par le cabinet des Finances pèche-t-elle par excès d’ambition ? Elle a, en tout cas, le mérite de soulever des questions pertinentes et d’avancer des pistes relativement concrètes sur des points dont on parle depuis des lustres en Belgique mais sans jamais en débattre réellement, comme la taxation des plus-values, celle des loyers réels, la simplification des déductions et régimes d’exonération (voitures de société, droits d’auteurs…), la révision des seuils de progressivité de l’impôt des personnes physiques, etc.

Une réforme fiscale devient plus que nécessaire car le système belge est, on le sait, désuet, complexe, incohérent, surtout dans un contexte de crise du pouvoir d’achat et de crise climatique.

Le chantier présenté par les experts semble néanmoins titanesque, vu la pusillanimité qui règne généralement en politique dans le domaine de la fiscalité, et surtout avec un gouvernement aussi bigarré. Voyez plutôt : selon ces experts, il faudrait désormais taxer à taux fixe tous les revenus du patrimoine, y compris les plus-values sur action jusqu’ici exonérées en Belgique (ce qui constitue une exception au niveau international et attire quelques grandes fortunes étrangères).

Ils prônent aussi une TVA harmonisée, à 10 %, par exemple. Et aussi la suppression ou la réduction de tout une série d’avantages liés aux charges sociales, comme les chèques repas, les voitures de société, les droits d’auteur…

Intéressant également : ils préconisent des critères plus stricts pour qu’un contribuable puisse passer en société sans le faire uniquement pour des raisons fiscales. Tout cela devrait compenser ce qui constitue finalement le point principal de la réforme imaginée : alléger la fiscalité sur le travail qui est vraiment trop lourde dans notre pays et gonfler le salaire net surtout des revenus les moins élevés. Il y a beaucoup de pertinence dans tout ça, même si ce plan n’est pas abouti ni très chiffré (d’autant que ce sont les politiques qui doivent s’entendre sur les chiffres, taux, seuils, etc).

Mais que fera le gouvernement de toutes ces pistes recommandées par l’équipe du professeur de droit fiscal Mark Delanote (UGent) ?

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem a promis de s’en inspirer et de déposer un projet d’orientation sur la table de la Vivaldi avant les vacances parlementaires. Des propositions plus détaillées devraient suivre dans les semaines, les mois, les… années à venir. On peut néanmoins douter qu’on assistera à un big-bang fiscal, tant il y aura des résistances au niveau de la société civile et de la majorité fédérale.

Un exemple : la taxation des loyers réels, qui pourrait remplacer le système du précompte immobilier basé sur un cadastre antédiluvien, va entraîner une levée de bouclier des propriétaires et de leurs représentants. C’est déjà le cas, chaque fois que le sujet est évoqué même en le murmurant. Quant à la majorité, les critiques promptes et brutales du président du MR vis-à-vis des experts en dit déjà long sur les blocages à venir, notamment de la part des libéraux sur une éventuelle fiscalité plus lourde des revenus du patrimoine.

Réformer en Belgique n’est pas simple. A sept partis, c’est quasi impossible.

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